Réflexion légère sur la colère ou ira furor brevis est

Written by murielle

« Tu devrais essayer plus souvent ». Ce n’est pas faute d’avoir entendu cette phrase. Et pourtant, impossible de me mettre en colère. Ou plutôt si, c’est possible mais je ne le fais pas. Tout le monde peut se mettre en colère. Mais je ne suis pas tout le monde. Aristote disait qu’il était facile de se mettre en colère, mais être en colère avec la bonne personne, dans une bonne mesure, au bon moment, pour les bonnes raisons et d’une bonne façon, ceci n’est pas n’est pas si facile.

J’ai toujours eu cette idée compliquée qu’être en colère était le mélange entre une réaction exagérée et une réponse nécessaire face à une injustice. Un duel au sommet du genre Senèque vs Rousseau… Contradictoire, moi?

Récemment dans des circonstances très différentes, j’ai eu des raisons de me mettre en colère face à des idées fausses, des jugements à l’emporte pièce et des comportements égoïstes, égocentriques voire immatures. Plusieurs fois j’ai été agacée par ces comportements et réflexions déplacées au point de penser « mais pour qui il/elle se prend pour dire/faire ça?! » Et de me demander pourquoi je ne rendais pas la pareille. Après tout, moi aussi je pouvais sous l’empire de la colère ou sous le prétexte de la franchise, blesser la personne qui m’avait vexée et rendre « coups pour coups ». Parce que je même si je sais trouver les failles, voir ce qui ne va pas et toucher là où ça fait mal, avec ma fierté mal placée, et en suivant l’exemple d’un personne que j’admire, je prends une position que j’estime plus digne, ce que les anglais appellent  « taking the moral high ground ».

Je suis quasi sûre que la colère légitime et illégitime est fonction du sexe ; la colère d’une femme est caractérisée comme quasi-hystérique tandis que celle d’un homme est une réponse rationnelle. Les hommes peuvent ressentir de la colère quand les femmes doivent être passives et prendre les choses avec plus de légèreté et de grâce. Ce n’est pas beau une femme en colère… Peut-être que la colère est la plus grande menace pour le statu quo. Et je me suis surprise à maintenir moi aussi ce status quo en rongeant mon frein. Par crainte de mettre le doigt sur ce qui fait mal, de secouer encore un petit peu le cocotier, de passer pour la « chieuse » de service, de blesser inutilement ou pour des raisons plus diffuses, plus complexes ou plus intimes.

Beaucoup d’hommes sont menacés par la colère des femmes, car elle met à nu les injustices dont ils bénéficient. Et beaucoup de femmes sont menacées par la colère des femmes pour exactement la même raison: ça fait mal de se voir comme victime d’un système conçu pour d’autres privilégiés.

Bref cette réflexion – finalement pas si légère – pour dire que j’ai décidé que la colère doit aussi avoir du bon. Et que j’essaierai de me mettre en colère, rationnellement ou pas, hystériquement ou pas, pour de bonnes raison ou pas, lâcher la pression et tant pis pour celui ou celle qui sera l’objet de mon courroux. Parce qu’à trop marcher sur des oeufs, être trop attentive aux sentiments des indélicats, on s’oublie parfois. Et parce qu’à oublier notre ego, les autres l’oublient aussi.

Non finalement, je réserverai ma colère à ceux et celles qui le méritent, les autres n’auront que mon indifférence.

15 thoughts on “Réflexion légère sur la colère ou ira furor brevis est

  1. Eric says:

    J’aime beaucoup ta réflexion sur la colère et la différence homme/femme. C’est vrai qu’une femme en colère va passer pour une chieuse et casse couille alors qu’un homme en colère fait peur ou impressionne. Se mettre en colère quelle que soit la raison fait du bien. Il faut lacher la pression de temps en temps!

      • Eric says:

        Les femmes ont souvent l’idée reçue que la colère est déplaisante et surtout pas féminine. J’ai aussi l’impression que leur colère prend une autre forme, plus passive-agressive, dans les bouderies, les chamailleries ou les ragots. Est-ce que je vais trop loin et je suis sexiste dans mon commentaire? :-)

  2. Audrey says:

    Moi aussi ça m’arrive de rester sur le c*l par le comportement d’amis, de collègues ou même de gens que je ne connais pas et de penser comme toi « pour qui il/elle se prend pour dire/faire ça?! » Il y a des choses que je ne me permettrais pas de dire et que les gens se permettent de dire sans gêne. Moi ce qui m’énerve le plus ce sont ceux qui parlent de franchise pour excuser leur bêtise et méchanceté. Tu as bien raison, mets toi en colère! Ceux qui t’aiment continueront à t’aimer sans aucun problème -)

    • Ah! La franchise, à différencier de l’honnêté. Un sujet de discusssion et d’accord entre ma soeur et moi-même. La franchise comme justification à tout dire même si ça blesse.

      « Ceux qui t’aiment continueront à t’aimer sans aucun problème »
      Ben y’a intérêt sinon je me fâcherai…

  3. Nathalie says:

    La colère légitime et rationnelle des femmes est souvent discréditée et réduite au silence. C’est un coup de maître de la part du patriarcat de rendre l’équation: femme/féministe = colère = irrationalité.
    Tu es, comme moi et beaucoup d’autres femmes, si désireuse d’éviter les stéréotypes négatifs au sujet de tes réactions que tu n’exprimes pas publiquement toute une gamme d’émotions qui reflèteraient négativement dans ta vie professionnelle ou personnelle. La colère comme les pleurs, pleurer aussi est assez mal vu, c’est un aveu de faiblesse ou de sensiblerie. Une façon de te réduire au silence ou te limiter pour garder une image de toi qui soit légitime. Des trucs intégrés socialement et psychologiquement et qui sont déprimants.

    • C’est très intelligent ce que tu dis là.Tu voudrais continuer mon article et écrire quelque chose?

  4. Fred says:

    Bien entendu je suis entièrement d’accord avec Murielle et Nathalie. Il y a une réticence des femmes à admettre des sentiments comme l’amertume ou la colère car elles savent que cela ne donne pas une image positive d’elles mêmes. Si un homme écrit ou parle de sa colère, il sera lu ou entendu favorablement, comme vous le dites, cela sera perçu comme rationnel. En fait, c’est toujours rationnel d’être très en colère si on a été maltraité, abusé, insulté ou méprisé. Tout le monde a le droit et le devoir de manquer d’humour dans certaines circonstances. Oublie le flegme britannique Murielle, tu es en France, Eric a raison, lâche la pression :-)))

  5. Thierry says:

    Bonsoir. Parler de féminisme pour expliquer des comportements psychologiques m’hérisse le poil. Il existe un texte qui dit: J’ai fait un acte mysogyne en divorçant de ma femme, elle a fait un acte féministe en divorçant de moi.

    • Je ne pense parler de féminisme (?). J eparle de comportement féminin intériorisé. Bonne soirée

  6. Ce n’est pas plutôt une question de caractère, de tempérament?
    Pas tout le monde sait se dérégler (et se régler après).

    • Peut-être aussi. Mais je me pose toujours la question de ce qui est nature et ce qui est culture.
      Merci de poster en français. Tengo (y voy) a escribir en español en tu blog tambien :-)

  7. Thierry says:

    Quelle colérique es-tu?

    – la colère étouffée, disparue. Ce sont les gens qui sont incapables de se mettre en colère, qui ne savent jamais se défendre.

    – la colère rétro-réfléchie : au lieu de l’exprimer, on enferme sa colère et on la retourne contre soi. Cela peut avoir des conséquences psychosomatiques graves (ulcères…).

    – la colère défléchie : c’est une colère déviée sur autre chose que son vrai but. En colère contre sa femme, un mari s’en prendra plutôt aux enfants. C’est trouver un exutoire à sa colère, mais pas le bon.

    – la colère hypertrophiée : une colère trop forte, toujours dans l’excès, disproportionnée par rapport à sa raison, et qui peut pousser l’individu à des actes de violence.

    • Ça me semble tiré d’un magazine psycho genre test, non? :-)

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