Les brigailles et un livre

Written by murielle

J’ai pas mal écrit ces derniers mois. Et j’ai pu apprendre à travers l’écriture et la revisitation de ces miettes de vie, comment ces histoires, une fois embarquées en moi, deviennent réellement qui je suis. Je sais qu’un jour, à la fin de ma vie, quand je serai très vieille, mes histoires deviendront confuses et j’oublierai peut-être où et qui je suis.

Ou, parce que mon cerveau me trahira, je repasserai mes souvenirs en boucle, réduite à faire la même chose encore et encore, parce que ma personnalité continuera à réagir de la même manière aux mêmes stimuli d’avant la maladie.

Je suis fascinée par les histoires, et l’idée que nous sommes tous des histoires. Nous sommes potentiellement un recueil d’observations, réflexions et expériences. Et cependant, pour l’extérieur, dans le monde, nous ne racontons pas ce qui est important et beaucoup de ces histoires ne seront jamais racontées. Ce que nous choisissons de dire en public est filtré, a souvent une « punchline » ou un point à marquer.

Si notre vie est un roman, ce qui devrait importer sont ces moments qui nous définissent, qui nous racontent et nous expliquent. Ces chapitres voire seulement ces paragraphes qui font ce que nous sommes. Pas ces moments cinématographiques.

Je crois que j’aimerais ne plus être définie par les moments tragiques ou spectaculaires de ma vie mais par les détails d’un moment, une simple description, une jolie ou une petite phrase avant la fin d’un chapitre et par quelques points de suspension. Ce sont les brigailles qui racontent une vie.

*brigailles (patois béarnais) : miettes, bribes

un livre : Le cerveau de mon père par Jonathan Franzen.

 

16 thoughts on “Les brigailles et un livre

  1. Nathalie says:

    Brigailles. C’est un mot qui sonne bien le sud ouest. Oui. Ce sont les détails qui comptent, ce sont ceux qui racontent qui est vraiment une personne. Mes souvenirs de mon grand-père sont tous les petits gestes, toutes les petites attentions qu’il a eu à mon égard, ces encouragements, sa présence de tous les instants. Par exemple il avait toujours un mouchoir propre pour essuyer mon nez. C’est un détail mais pour moi c’est ce détail qui le définissait.
    Est-ce que tu as lu « Mémé » de Torreton? Je pense que tu aimerais.

    • « Brigaille » à dire avec l’accent béarnais :-) Un de mes mots préférés.
      Non je n’ai pas encore lu Mémé, mais j’ai entendu des extraits bien émouvants.

  2. LO says:

    « Ce sont les brigailles qui racontent une vie »… C’est si joliment dit !

  3. Fred says:

    C’est amusant que tu écrives cet article parce qu’en ce moment je pense beaucoup à la trace que je vais laisser. D’avoir passé le cap des 40, je commence à prendre conscience de ma mortalité et je me demande ce que les gens retiendront de moi, s’ils retiennent quelque chose.
    En fait ce que je voulais dire c’est que ton article est surtout touchant. Ce sont les brigailles qui sont importantes. Merci.

  4. Benoit says:

    Ouais. J’aime beaucoup ce billet. Je ne suis pas souvent en accord avec toi mais je crois moi aussi que je ne veux pas de grands discours ou de grandes phrases. Les choses lyriques m’ennuient quand je lis des textes, des romans ou des blogs, c’est du moins comment j’interprète les moments cinématographiques. Je ne veux pas de grandes phrases pour me décrire un homme ou une femme. Je veux les détails, les phrases courtes, les descriptions simples avec des mots simples mais bien choisis pour me donner une description juste.

  5. Audrey says:

    Moi ça me rend triste. Et le premier paragraphe me ferait même pleurer. Malheureusement on ne voit plus les détails, les miettes de vie qui racontent une vie. Quelqu’un de bien qui n’aura jamais fait de coup d’éclats, qui ne se sera pas mis en avant, sera vite oublié. Personne ne racontera sa vie parce qu’il n’aura pas marqué les esprits par de grandes choses. Je suis de plus en plus pessimiste sur la nature humaine et sur l’égoïsme de tous, même de mes proches. Je veux pas plomber les commentaires mais je crois que personne, pas même mes sœurs et frères, saurait donner un portrait de moi qui soit juste ou qui connaitrait les détails de ma vie qui me définissent.

  6. Laurent says:

    Je pense comme LO. C’est tout

    • Oui. C’est un texte facilement lisible, limpide et assez joliment écrit : je le dis d’autant plus aisément que c’est moi qui l’ai écrit.
      (Valéry Giscard d’Estaing) :-)

  7. La vie, est-elle autre chose que ces petits détails, ces simples descriptions…dont tu parles ? Le reste, n’est-il pas que du théâtre ?

  8. Marie-Claire says:

    Je trouve l’idée que ce sont les détails qui nous définissent une très jolie idée. Oui c’est vrai que ce sont aussi les petits gestes qui montrent quel genre de personne on est. Ce doit être un jour un peu difficile pour moi parce que je suis émue plus que de raison par cet article.

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