Ce que je pense vraiment

Written by murielle

Malgré des efforts intenses pour l’éviter, je vois parfois des gens. Parfois, même je rencontre des personnes pour la première fois. Et cette situation désagréable est aggravée par l’absence d’étiquette universelle. Serrer la main ou faire la bise? Une fois? Deux fois? Un simple geste de la tête? Je n’embrasse pas toujours les membres de ma famille et rarement les amis. Le mieux est de garder ses distances.

Mais ce n’est pas comme si je pouvais le faire en silence. Il faut accompagner ces gestes semi-paralytiques et incertains avec des affirmations “je n’ai pas l’habitude de faire la bise” ou des questionnements “on se fait la bise?”. Ne rien dire ou faire va être mal accepté. Les britanniques et leur réserve délicieuse me conviennent merveilleusement ; “how do you do” pour les relations sociales et professionnelle. Un simple hug pour les proches, effleurement léger pour marquer son affection ou une ébauche de flirt. Le baiser sur les joues sera lui le premier pas vers l’intime.

“How do you do” comme parole phatique, employée pour graisser les rouages sociaux, pour prendre la place d’un geste, phrase non-agressive, prête à respecter les mœurs contemporaines. “How do you do” comme moyen de permettre aux centres primaires de son cerveau de vérifier si l’interlocuteur vient en ami et tenter ensuite l’essai d’un sourire. Plus important encore, elle empêche le baiser en faveur d’une poignée de main, parce qu’il est difficile de parler tout en s’approchant tout près, trop près. Et d’éviter ainsi le choc olfactif d’un parfum trop fort ou du tabac froid.

Quant à “de rien” en réponse à un remerciement, c’est un mot littéralement vide de sens. Le dire c’est assurer à son interlocuteur que j’ai reçu son expression de gratitude, et que le pacte social minimum provoqué par la demande et l’octroi de l’avantage est maintenant terminé. Cela laisse les deux parties satisfaites, heureuses et désireuses de prendre part à des interactions semblables à l’avenir. Ou pas.

Et conjurer pendant quelques secondes de plus l’effondrement de la civilisation, qui est, après tout, la seule chose dont on soit certain.

21 thoughts on “Ce que je pense vraiment

  1. Laurent says:

    Fais comme moi Murielle : avec des signes compliqués genre street gang américain. Special handshake, bump fist, etc etc. Tu prends le risque de passer pour un con…

    • Fred says:

      Bon conseil! Je vais revoir The Wire pour m’entrainer

      • Laurent says:

        De rien…
        Le mieux est de faire comme son interlocuteur, le laisser prendre les devants afin d’éviter tout malentendu.
        Sauf si votre interlocuteur vient de cette tribu en papouasie nouvelle guinée où on se touche les testicules les uns les autres pour se dire bonjour…

  2. Peyo says:

    C’est un discours d’introverti et pourtant je ne pense pas que tu le sois complètement. :-) Ne pas avoir envie d’un baiser de quelqu’un qui pue la cigarette ou les odeurs corporelles est tout à fait naturel oui.
    Ton analyse du merci m’a fait rire.

  3. Mélanie says:

    Bonjour. Ton article m’a fait rire pour plein de raisons. C’est bien écrit, façon sociologique et c’est vrai. Je crois que faire la bise est devenu un réflexe alors que plein de gens préfèreraient ne pas la faire.
    Moi, même serrer la main me gêne mais ça c’est parce que je ne sais pas où a été la main avant d’être dans la mienne. Faut voir le pourcentage d’hommes qui ne se lave pas les mains après être allés aux toilettes!

    • Merci!
      Oui c’est vrai que je ne préfère pas penser à ça quand je dois serrer des mains. La même raison pour laquelle il ne faut pas manger des cacahuètes dans les bols. Yuk!

  4. Antonio says:

    Je trouve ton article, ou ta conclusion, un peu catastrophique. J’aime bien garder les distances et il faut dire que les Espagnols sont la contrepartie des Britanniques. Trop expressifs et expansifs mais il ne faut pas se tromper là-dessus. C’est plutôt de l’apparence. Comme les Français ont la réputation d’être polis et gentils, pas toujours, bien sûr :-) 

    • Catastrophique. Ah je ne sais pas. Un peu pessimiste mais si on suit les actualités et tout ça c’est difficile de penser à des issues positives :-/
      Les français sont touts sauf polis, patients et sympas :-)

  5. Amaya says:

    Hum , la bise …. je suis polie et m’adapte aux convenances et usages on va dire .
    J’ai beaucoup de plaisir à serrer une main , parce que je peux saluer aussi avec les yeux et sourire . Il m’arrive même de la saisir avec mes deux mains , là c’est pour réconforter , aimer , ou remercier du fond du cœur … et peut être aussi un peu de gourmandise :oops:

  6. Fanny says:

    Comme Amaya, je suis assez tactile. J’aime toucher, prendre le bras ou la main, toucher une épaule. Je sais que ça peut déranger mais souvent une personne qui n’aime pas ça, on le sent, dans sa façon de se tenir, de garder ses distances, une certaine raideur et quelque chose dans le comportement qui crie ne me touche pas!
    Je ne sais pas si c’est culturel mais il y a quelque chose de très latin dans la manière de se comporter avec la bise

  7. Benoit says:

    Murielle. Je ne dirais pas que « de rien » n’a pas de sens. Si tu fais une faveur, donnes des conseils ou aides quelqu’un, dans l’accord social, cette personne a une dette envers toi. Elle est ensuite tenue de rembourser la dette, même si le conseil était importun, même si elle (à juste titre) soupçonne que tu l’as fait parce que cela procure des avantages, même si elle déteste le donateur, en disant: « Merci ».
    En réalité, c’est une question: « en reconnaissant que vous êtes supérieur à moi, est-ce que la dette est maintenant payée? « .
    La réponse « De rien » reconnaît cette question. Elle restaure l’équilibre entre égalité et puissance.

  8. Mag says:

    I usually sniff peoples faces and lick their cheeks like an excited puppy.

  9. Pierre says:

    Pour être franc, je ne comprends pas pourquoi être généralement courtois avec les gens que vous n’avez pas rencontré avant est une tâche insupportable pour les gens. Il n’en faut pas beaucoup, et oui même si ça peut sembler hypocrite, c’est nécessaire au début pour connaître quelqu’un.
    .

    • Être courtois signifie être intéressé par un autre être humain.
      Pour moi, être courtois c’est aussi un sourire authentique et une chaleur dans la voix, quand vous dites bonjour.
      Pour moi, les trucs rituels, en particulier avec des inconnus prenant ma petite main délicate dans leur main moite et la serrant trop fort – n’est pas «courtois».
      C’est un affront sanglant. Retirez votre chair de ma chair.

  10. Honnêtement j’ai horreur de cette mode des bises à tous les étages. Mais je reste polis :)
    J’ai un copain d’un famille « bien sous tous rapports », qui considère que la mode bisous est pour le bas peuple, de même que le serrage de mains, mais il est poli aussi.

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