Cucumber

Written by murielle

En tant que végétarienne, je n’ai jamais aimé le tofu : insipide, c’est le néant sans texture. Ce qui tombe bien depuis que j’ai vu les 8 épisodes de la série télé Cucumber.

Cela fait déjà plus de 15 ans que Queer as Folk est passé à la télé. Était-il possible pour Russell T Davies d’écrire quelque chose d’aussi bien avec des acteurs aussi bons qu’Aidan Gillen ou Charlie Hunnam?

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Après tout, Queer as Folk était sorti du placard à un moment où les militants se battaient pour réduire l’âge du consentement pour les hommes gays et l’homosexualité était la « patate chaude » des politiciens anglais.

Maintenant hommes et femmes peuvent faire beaucoup de choses – se marier entre eux, ouvrir un compte joint, avoir des bébés et on se demande ce qui reste encore de presque révolutionnaire à accomplir.
Ou, comme le dit un des personnages dans la série « Le monde entier est maintenant un bar gay. »

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Quid du tofu? Eh bien, dans les 10 premières minutes – Henry a utilisé les mots tofu, banane et concombre comme des métaphores pour décrire les différentes étapes de la tumescence masculine.

 

Mais une fois les quelques premières minutes passées, c’est une toute autre histoire. Loin du graphisme sexuel et plus proche d’une série qui mélange à la perfection la comédie et le drame humain très émouvant.

Au cœur de l’histoire, il y a Henry – 46 ans, un travail ennuyeux, une vie de couple ennuyeuse, il est insatisfait avec le sexe et avec la vie. Il est égoïste, immoral, plaintif et médiocre. Il n’est peut être pas sympathique, mais vous pouvez certainement sympathiser avec lui. Puis il sait raconter une histoire, dont une anecdote sur la façon dont Ryan Reynolds est, en fait, gay. Henry est absolument crédible et réel et surtout brillamment interprété par Vincent Franklin.

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Henry est certes obsédé par le sexe – celui qu’il vit par procuration et dans ses fantasmes – mais son histoire virevolte avec plusieurs personnages intéressants, des situations impérieuses et de grandes lignes comme la sexualité influencée par la pornographie chez les très jeunes, le deuil, les jeunes filles qui renient le féminisme, le racisme, la définition de la famille, l’envie d’une foyer, la honte et la peur d’une sexualité « différente », etc

Cucumber est bien plus qu’une série sur les gays pour les gays. Avec le talent de Davies, elle est une tragi-comédie qui traite du désespoir de l’âge moyen, parfois horriblement dramatique, mais aussi très drôle avec des scènes presque surréalistes, pour devenir quelque chose d’universel. Les doutes, les complexités et les peurs ne sont pas si différents.
Mais Cucumber montre aussi ce qu’est être homosexuel.

Il est très facile de supposer qu’une fois que vous êtes « out et proud », en particulier avec les protections juridiques modernes et généralisées de « l’acceptation sociale », vous entrez dans un monde heureux couleur arc en ciel et tout va bien. Ce qui n’est pas le cas. Se dire homo est autant un voyage intérieur d’acceptation personnelle qu’il est de l’image extérieure. Chaque enfant est élevé comme un enfant hétéro. Leurs parents sont majoritairement hétéros, et les attentes sociétales sont hétéros. Bousculer cette hétéro normativité qui a été internalisée est un acte énorme.

Parce que la culture gay a été obtenue dans la bataille pour l’égalité des droits, les gens qui ne se considèrent pas comme des combattants de cette lutte, ou qui ne sont pas dans les normes culturelles gay, peuvent connaître un moment très difficile pour trouver leur chemin dans ce monde. C’est ce que montre Henry dans un épisode final très juste et humain : « Je vais enfin l’accepter« . « Quoi donc? » lui demande Freddie. « Être gay« , répond-il.
Et avec cette simple phrase, toute la série prend son sens.

Pour paraphraser un commentaire d’un des acteurs, vous n’avez pas besoin d’être danois pour comprendre Hamlet et vous n’avez pas besoin d’être mancunien ou gay pour comprendre Cucumber.

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Cucumber est suivi de Banana qui se concentre sur les jeunes LGBT de Manchester, génération Grindr, qui sont à la périphérie du récit de Cucumber. Les deux séries sont principalement liées à travers le personnage de Dean qui travaille dans l’entreprise d’Henry. Dean est jeune, ouvert et confiant sur sa sexualité; il ne connaît pas les tabous de l’ancienne génération. Sa vie sexuelle, ses sentiments… et ses finances sont compliquées et chaotiques. Il partage un loft avec Freddie, jeune homme bisexuel, objet de désir et parfaitement conscient de son pouvoir érotique.

 

 

6 thoughts on “Cucumber

  1. Laurent says:

    Je suis maintenant perturbé par l’idée du concombre et du tofu.

  2. Roger Peyrefitte avait écrit presque tout un livre pour comparer les bananes d’Amérique Latine et l’objet de ses désirs. C’était lassant au bout d’un moment.
    Je ne sais pas si j’aimerais regarder ce genre de série. Il est vrai que dans Glee – que regardait ma femme – on trouve beaucoup de références au monde gay.
    On avait vu quelques saisons de L World je n’avais pas été enthousiasmé.

  3. Nathalie says:

    Je ne suis pas sûre non plus. Je me souviens de Queer et autant je trouvais que c’était une bonne série autant regarder des scènes de sexe me gênent. Je ne suis pas prude mais je préfère la suggestion que voir des verges et des fesses pendant quasiment toute l’heure :-)

  4. Benoit says:

    Je crois que même s’il y a des scènes de sexe, le sujet vaut d’être vu. J’ai vu la série et je trouve ce que Murielle dit très juste concernant toute une tranche de personnes qui sont gays mais ne trouvent pas toujours leur place parce qu’ils sont encore partagés psychologiquement et socialement sur leur sexualité, ils sont gays mais aussi presque asexuels. Ils ne sont pas actifs sexuellement par peur et par honte, ils ne sont ni beaux, ni jeunes, ni expansifs. Ils sont trop vieux pour faire des rencontres dans des bars ou en ligne, etc. C’est un peu ce que montre cette série et Henry en devient presque attachant parce qu’il ne trouve pas sa place tout en asumant son homosexualité.
    J’ai beaucoup aimé.

  5. Eric says:

    Je ne sais pas si j’aurais l’occasion de voir cette série mais la façon dont tu en parles fait envie parce qu’il y a de la sensibilité et de l’empathie. Je crois que les films ou séries ont trop souvent tendance à mettre tous les gays dans un même moule ou dans des trucs spécifiques et on oublie qu’il y a autant de personnalité, d’histoires d’éducations et de générations chez les homos aussi.

  6. Peyo says:

    Où est-ce que je peux le voir? Je ne connais pas Queer as Folk et je ne regarde pas de séries télé gays, mais celle-ci semble pas mal. Histoire de connaître autre chose.

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