D’ailleurs, les poissons …

Written by murielle

Une semaine a passé. Déjà.

Histoire de ne pas rentrer dans les débats futiles sur la « guerre » et ce qu’il faut faire contre ces « barbares » (sic), histoire de ne pas flancher parce qu’après tout j’ai de la chance de ne pas avoir été là à ce moment là, histoire de ne pas me mettre en colère et prononcer une parole malheureuse contre ceux qui ne peuvent pas s’empêcher de ramener la tragédie à leur petite personne, histoire de ne pas réagir face à ceux qui font dans la surenchère, histoire de ne pas être injuste envers ceux qui font comme ils peuvent pour comprendre l’incompréhensible au risque d’énoncer plus d’inepties et lieux communs que Drucker et Morandini réunis, je vais continuer à très peu parler de l’actualité.

De toute façon, les cauchemars sont souvent indicibles.

Et sans transition, je vais plutôt parler de ce roman qui m’a fait passer des soirées délicieuses la semaine dernière D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds de Jon Kalman Stefansson.

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L’histoire : Ari regarde le diplôme d’honneur décerné à son grand-père, le célèbre capitaine et armateur Oddur, alors que son avion entame sa descente vers l’aéroport de Keflavík. Son père lui a fait parvenir un colis plein de souvenirs qui le poussent à quitter sa maison d’édition danoise pour rentrer en Islande. Mais s’il ne le sait pas encore, c’est vers sa mémoire qu’Ari se dirige, la mémoire de ses grands-parents et de leur vie de pêcheurs du Norðfjörður, de son enfance à Keflavík, dans cette ville «qui n’existe pas», et vers le souvenir de sa mère décédée.

Revenir à Keflavík qui n’existe pas…
mais se rendre là-bas semble toujours revenir à quitter le monde pour rejoindre un lieu qui n’est pas.

C’est un roman à la Hemingway, celui des grands sentiments, des hommes et des femmes bruts comme des diamants qui n’attendent que d’être polis, des paysages qui durcissent les âmes et les cœurs et de la nature humaine qui rend les corps faibles et frémissants.

Trois générations se racontent, trois époques pour retracer l’histoire d’hommes et un peu de femmes mais aussi l’histoire d’un pays toujours très mystérieux, l’Islande.

«  Nulle part ailleurs en Islande, les gens ne vivent aussi près de la mort. »
Le vent insistant semblait provenir de deux directions en même temps, les bourrasques salées, chargées de poussière et d’embruns, nous frappaient tour à tour, le ciel était si loin que nos prières ne l’atteignaient jamais et s’arrêtaient à mi-chemin avant de retomber comme des oiseaux défunts ou changées en grêle, et l’eau potable avait un goût de sel, comme si nous buvions la mer. »

C’est un livre de regrets, de tristesse, d’amours déçus ou perdus, de violence et de renaissance. C’est un roman d’affirmation littéraire qui nous rappelle que la lecture d’une belle histoire est la seule sensation semblable à l’étreinte de l’être aimé…  Avant qu’il ne reste que des souvenirs…

C’est un livre tendu, puissant, qui vous prend et vous emporte dans l’amour des mots comme le seul rempart provisoire contre la mort qui éteint tout.

« La vie naît par les mots et la mort habite le silence. C’est pourquoi il nous faut continuer d’écrire, de conter, de marmonner des vers de poésie et des jurons, ainsi nous maintiendrons la faucheuse à distance, quelques instants. »

 

4 thoughts on “D’ailleurs, les poissons …

  1. Nathalie says:

    Tu m’as donné envie de le lire! Et de l’offrir parmi tant d’autres dont tu as parlé depuis quelques semaines. Merci pour tes idées cadeaux de Noël!!

  2. Laurent says:

    J’ai deux choses à dire sur cet article.
    J’aime beaucoup ce que tu as écris et oui ce roman tout comme les autres romans de Stefansson est à lire ! C’est un poète, un raconteur et ses mots sont magnifiques. Je vis en Islande depuis maintenant plus de 10 ans et je comprends mieux ce pays grâce à lui.
    Et comme toujours, tu es la bienvenue quand tu veux dans mon nouveau pays…

  3. On m’a demandé ce que je voulais comme cadeau… je suis donc ici pour relever le titre de ce bouquin ;)

    Je n’avais pas laissé de commentaire la première fois, mais je n’arrêtais pas de repenser à ce billet

    Merci Murielle pour ce futur voyage ;)

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