Silence – Martin Scorsese

Written by murielle

Le dernier film de Martin Scorsese porte comme toujours ses thèmes préférés : le mal, la culpabilité, la rédemption. Silence est peut-être celui qui jusqu’à présent est le plus abouti sur la foi, la croyance ou la spiritualité, c’est selon…

Après La Dernière Tentation du Christ (1988), Le temps de l’innocence (1993), il offre une parabole vivante et concentrée sur la foi dans le Japon du 17e siècle qui trouve une belle place dans le cinéma spirituel.

Silence-film-posterLe synopsis :

XVIIème siècle, deux prêtres jésuites se rendent au Japon pour retrouver leur mentor, le père Ferreira, disparu alors qu’il tentait de répandre les enseignements du catholicisme. Au terme d’un dangereux voyage, ils découvrent un pays où le christianisme est décrété illégal et ses fidèles persécutés. Ils devront mener dans la clandestinité cette quête périlleuse qui confrontera leur foi aux pires épreuves.

Adapté du roman de Shusaku Endo, le film est sur la foi, oui, mais encore plus sur la nécessité pour la religion de s’adapter à quand et où elle est pratiquée. Le martyre a été ordonné pour le Christ et non destiné aux mortels, c’est pourquoi les mortels, même les prêtres, doivent s’adapter à leur environnement. Ils vont peut-être internaliser leur foi personnelle, mais cette intériorisation peut ainsi couper le silence autour d’eux.

La première scène s’ouvre avec une vision presque aussi littérale de l’enfer que l’on pourrait imaginer. Pas de flamme, mais une étendue volcanique escarpée près de Nagasaki appelé Unzen. À travers les vapeurs de soufre et d’eau, nous voyons des hommes européens, les mains attachées.  Leurs robes sont déchirées et de l’eau brûlante est versée sur leur peau. En voix off, il est expliqué que les louches utilisées sont perforées de sorte que chaque éclaboussure tombe sur la peau comme la braise incandescente.

L’homme qui raconte cette torture atroce commise par les Samouraïs – sous l’ordre direct des seigneurs féodaux du Japon pour éradiquer le christianisme du pays – est le Père Cristóvão Ferreira (Liam Neeson), un missionnaire jésuite.

Les deux missionnaires portugais Rodrigues (Andrew Garfield) et Garupe (Adam Driver)  estiment que c’est leur devoir de se rendre au Japon, d’essayer de trouver Ferreira et de tenter de sauver son âme de la damnation. Ce sont les derniers prêtres envoyés au Japon pendant l’âge de la colonisation : « une armée de deux« . Arrivés clandestinement dans un petit village au bord de l’océan, Rodrigues et Garupe sont retrouvés par un petit groupe de chrétiens japonais qui ont pratiqué leur foi dans la solitude.

Les prêtres se réfugient dans une cabane sur la montagne où ils pratiquent la confession, donnent l’absolution et ne peuvent s’aventurer dehors de peur d’être capturés. La parole de leur présence se propage et bientôt Rodrigues et Garupe se rendent dans les villages voisins pour réengager les villageois avec l’Évangile.

La pratique plus visible du christianisme rend les villages vulnérables aux rafles de l’Inquisiteur. Lorsque les villageois sont arrêtés, ils sont forcés d’apostasier en marchant sur une idole chrétienne ou en crachant sur la croix. S’ils ne le font pas, ils sont torturés publiquement et tués.

C’est là qu’intervient la rupture entre le Père Garupe et le Père Rodrigues. Rodrigues incite les villageois à sauver leur vie et à apostasier, épargner leur vie et pratiquer leur foi intérieurement « posez le pied, posez le pied, posez le pied, s’il le faut« , mais Garupe est résolument contre « hérésie« . Cette fracture montre le spectre de l’adaptation et l’acceptation dans la religion.  Il y a le chrétien inflexible, le chrétien plus souple qui doute, et le chrétien complètement assimilé et silencieux.

Consumés par l’idée de sacrifice, ces deux missionnaires finissent cassés. Silence devient une déclaration puissante et universelle sur le pouvoir dangereux de l’inquisition.

« Le poids de ton silence est terrible« , murmure Rodrigues à Dieu, et ce poids semble réel et tangible.

Les véritables personnages sont surtout les acteurs japonais. De Kichijiro (Yōsuke Kubozuka) qui devient le Judas personnel de Rodrigues, à l’aîné Ichizo (Yoshi Oida), à qui le prêtre apporte à la fois le salut et la souffrance. L’interprète-tourmenteur bouddhiste (Tadanobu Asano) propose un duo magnifique avec Inoue l’Inquisiteur (Issey Ogata).

La scène dans laquelle Inoue paraît se défaire physiquement est incroyable de justesse, tandis que ses observations sur « l’amour persistant d’une femme laide » sont aussi amusantes, qu’insultantes et incisives.

Je pourrais également parler du bruit de la nature au tout commencement et à la fin du film, du travail du directeur de la photographie, Rodrigo Prieto – les couleurs et lumières qui nimbent les scènes donnent vie à des tableaux magnifiques.

Comme ses personnages, Silence trébuche souvent, s’efforçant de toucher des vérités éternelles, allant même jusqu’à tester notre patience.

Mais le résultat est là. C’est l’un des films les plus profonds de la carrière de Martin Scorsese. Il évoque quelque chose de familier à ceux sont dans la réflexion. Silence est le genre de film que l’on commence par respecter ou admirer avant de l’aimer et d’être bouleversé. Il remue et provoque la réflexion.

Le silence comme une conversation interne. Envisager la foi comme ultime rempart contre l’incompréhension du monde, comme une vérité personnelle que l’on ne peut imposer aux autres. Continuer à croire en silence.

Même s’Il a gardé le silence toute ma vie jusqu’à ce jour, tout ce que je fais, tout ce que j’ai fait parle de Lui. C’est dans le silence que j’ai entendu Sa voix.

 

 

1 thought on “Silence – Martin Scorsese

  1. Un film à voir, sans doute. J’ai vu récemment « El viajante », c’est le titre qu’on lui a donné en espagnol (c’est-à-dire « le voyageur de commerce »), un film persan très recommandable aussi. Heureuse journée équinoxiale.

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