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La prisonnière des Sargasses

La prisonnière des Sargasses est une préquelle de Jane Eyre (une œuvre réalisée après une œuvre donnée, mais dont l’action se déroule avant du point de vue de la fiction). Cest un roman de Jean Rhys, publié en 1966.

Classique beaucoup lu en Angleterre et méconnu en France, il narre l’histoire d’Antoinette Cosway. Riche héritière créole de plantations, Antoinette raconte son enfance au domaine Coulibri, à la Jamaïque. Entre l’indifférence de sa mère et les révoltes des esclaves, son destin bascule : elle est envoyée dans un couvent qu’elle quittera à l’âge de dix-sept ans pour épouser dans un mariage arrangé, Mr Rochester, un anglais distant, égoïste et arrogant. Poussée par la haine qu’il lui porte, elle sombrera dans l’alcoolisme et la folie meurtrière.

Si le nom de Rochester vous est familier c’est parce qu’il est le sombre personnage masculin de Jane Eyre, le célèbre roman éponyme de Charlotte Brontë.

la-prisonniere-des-sargasses L’héroïne Antoinette Cosway (Bertha Mason dans le roman de Brontë) était donc la première femme d’Edward Rochester, employeur puis ensuite mari de Jane Eyre.

Ce court roman n’est pas seulement un grand roman, il est de nombreux livres en un seul. Faite de multiples couches complexes, cette histoire montre de façon vivide combien ses personnages ne peuvent échapper à leur passé et leur destin tragique. Dans cette évocation poignante de la romance amère entre Antoinette et Mr Rochester, Rhys crée une relation qui est intense avec la rage du désir et marquée par la tragédie.

Situé dans des paysages jamaïcains sauvages et magiques, La prisonnière des Sargasses dépeint le trouble et la confusion qui règnent sur les successions des plantations de sucre dans les Caraïbes, à la suite de l’émancipation des esclaves.

Non seulement la plupart de la population noire est plus pauvre que jamais, mais la pauvreté des blancs explose aussi. Jean Rhys montre que le mouvement de libération n’a pas été une progression et un changement du colonialisme à une indépendance raciale et politique, mais plutôt d’une forme d’esclavage à une autre.

Elle explore également les tensions qui existent entre la culture orale et écrite, et à travers la narration d’Antoinette, pousse le lecteur vers une compréhension et une acceptation de la « femme folle » dans le grenier.  Sa désintégration psychologique et sa descente vers la folie est un voyage qui devient finalement l’inverse du voyage de la bonté salutaire de l’innocente Jane Eyre. Il y a là, un procédé négatif-positif comme en photographie.

Certes ceci est un roman. Mais comme tous les romans dont l’histoire se mêle à l’Histoire, ce roman devient aussi un livre qui donne la parole à des vies négligées, réduites au silence et non reconnues dans l’Histoire, en explorant les différentes inflexions de la marginalité: le sexe, la classe sociale, la race et la folie.

Lorsque les événements historiques, enregistrées dans le discours écrit, ont façonné l’opinion de beaucoup de gens des anciennes colonies britanniques (dont l’éducation était exclusivement faite dans une perspective « eurocentrique »), la redécouverte d’histoire telle que La prisonnière des Sargasses, a un rôle crucial à jouer en permettant l’accès à des événements et des expériences qui n’ont pas été préalablement enregistrés. C’est une œuvre majeure dans ce sens.

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