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Quentin Crisp

Nostalgique de l’Angleterre, je cherchais dans mes dvds un film anglais et je suis tombée sur An Englishman In New York. Avant d’être une chanson de Sting, an englishman in New York était Quentin Crisp. Et plutôt que de parler du film, j’ai eu envie de parler de ce personnage.

Avant de changer de nom, Quentin Crisp était Denis Charles Pratt. Né le 25 décembre 1908 à Sutton, dans la grande banlieue de Londres, il est le quatrième enfant d’un avocat et d’une ancienne gouvernante. Dans cet environnement de classe moyenne où rien ne se passe, il s’ennuie et, enfant, il commence à se déguiser. Il emprunte des habits de femme, se maquille, provoque le mépris de sa mère et la colère de son père. A l’école, ses manières efféminées suscitent les railleries homophobes des autres élèves.

À 18 ans, il étudie le journalisme au King’s College, à Londres, abandonne et prend des cours d’arts plastiques à la Regent Street Polytechnic. C’est le début du XXe siècle, et l’homosexualité est interdite en Angleterre. Quand toute activité homosexuelle et extravagante est interdite et sévèrement punie, il change de nom, devient Quentin Crisp, sort maquillé, les ongles vernis de rouge et porte des chemises en dentelle.

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Il fréquente le Soho louche, les bars interdits où les liaisons homosexuelles se font et défont dans l’obscurité des backrooms ou dans les ruelles malgré les agressions et les passages à tabac. Quentin Crisp se prostituera pendant six mois, espérant y trouver de l’affection, jugeant que quinze shillings sont une belle preuve d’amour. Il devient de plus en plus extravagant, teint ses cheveux en rouge cramoisi, porte des sandales pour montrer le vernis de ses ongles de pied. Dans la rue, sa simple présence choque la rigoureuse morale britannique et, quand il ne se fait pas insulter ou casser la figure, certains viennent lui demander ce qu’il fait dans la vie, par curiosité. Car justement, dans le Londres des années 30, frappée par la crise il cultive une personnalité extraordinaire, extrêmement excentrique, insolente et atypique.

À la veille de la Seconde Guerre mondiale, Quentin Crisp essaye de rejoindre l’armée mais il est exempté, le rapport médical prétendant qu’il souffre de « perversion sexuelle’ En 1942, il démissionne de son travail d’ingénieur pour devenir mannequin. Pendant presque trente ans, il vivote, devient modèle vivant pour les étudiants des beaux arts et est une petite célébrité de la vie londonienne arty.

Mais ce n’est que dans les années 1970 que Quentin Crisp devient connu du grand public, après la publication de son premier livre Fonctionnaire du nu. Ses mémoires expliquent son exhibitionnisme provocant et son refus de dissimuler son homosexualité. Le succès de l’adaptation à la télévision américaine avec John Hurt dans le rôle titre lance l’écrivain, qui devient acteur et conteur. Il fait même un one man show qui dure pendant deux ans.

Il s’installe à New York en 1981. Devenu un étranger résidant à New York, il mène une vie comparable à celle qu’il avait à Londres, fait des tournées et collabore à des revues. Il se nourrit de cacahuètes et de champagne glanés aux vernissages, et se fait inviter à dîner tous les soirs au même endroit, le Cooper Square Restaurant, dans l’East Village. Il répond à chaque invitation et révèle que son idéal serait d’avoir 365 amis pour pouvoir en voir un différent chaque jour.

À New York comme à Londres, il refuse d’être sur la liste rouge et des anonymes l’appellent tous les jours au téléphone pour demander conseil. Il répond toujours de la même manière, décrochant en disant « Allo, Dieu ? », « Juste au cas où, on ne sait jamais »...

 

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Lui qui se décrit comme une fée à la retraite est un maître dans l’art de la conversation et sa touche so british charme les new-yorkais. C’est avec la communauté gay que les relations sont tendues. Dans des interviews, il affirme que l’homosexualité est une maladie, que coucher avec un autre homme est dégradant et que le sida, qui fait déjà des ravages, est « un phénomène de mode« . Il est devenu un paradoxe et est en décalage avec les militants homosexuels de Act Up qui font de leur combat un mouvement politique et collectif. Lui qui a connu l’homosexualité interdite et individuelle ne se reconnait pas dans ce mouvement.

Il sera souvent invité dans les talk-shows dans les années 90 tant son humour ironique et ses idées parfois un peu réactionnaires sont prisés dans les média.

Celui qui adorait New-York, décède en 1999, sous le ciel gris et sale de Manchester, la veille d’une nouvelle tournée en Angleterre. Ses cendres seront dispersées à New-York.

C’est grâce à la télé anglaise que j’ai découvert Quentin Crisp, avec des interviews et ensuite les deux téléfilms basés sur ses écrits. J’ai découvert un homme qui s’est inventé, réinventé et a réussi malgré tout. Son audace et courage ont bravé les interdits et c’est admirable. C’est un homme parfois seul, parfois incompris, parfois mal-aimé mais qui est resté fidèle à lui-même « right or wrong » jusqu’au bout.

4 commentaires

  • Françoise

    Merci beaucoup pour votre article. J’aime bcp Sting, et je ne connaissais pas celui qui lui a inspiré son très beau Englishman in New York.
    Je viens de découvrir au gré de mes pérégrinations sur la toile A Thousand Years … autre superbe morceau de Sting

    Enjoy !

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