Écrire

Thomas

Thomas était encore en retard à son rendez vous.  Il avait beau se lever chaque jour toujours plus tôt, son rituel du matin le mettait toujours en retard.

Se lever.

Se doucher.

Tremper son coeur d’or pendant dix minutes dans une solution composée d’un volume d’ammoniaque pour deux volumes d’eau .

Frotter avec un chiffon doux

Laisser sécher

S’habiller

Prendre son petit déjeuner. Eviter les aliments oxydants.

Enfin, préparer son itinéraire de la journée.

Il lui fallait en effet prendre les dispositions nécessaires pour éviter les nouveaux chercheurs d’or, ces mercenaires sans coeur qui avaient sali la profession en s’attaquant aux humains. Il était loin le temps des orpailleurs qui fouillaient les alluvions des rivières.

C’était la crise. Plus de paillettes cachées dans le sable. Les nouveaux chercheurs s’attaquaient maintenant à celles et ceux qui avaient un coeur d’or.

Thomas en faisait parti. Mari aimant, père adoptif d’une fratrie, bénévole de plusieurs associations caritatives, propriétaire de chiens et chats abandonnés, depuis son opération chirurgicale, il dédiait son temps libre aux autres. Mais être bon et généreux ne lui avait apporté que des ennuis. Jalousie des uns, envie et convoitise des autres.

Depuis quelques temps Thomas se se sentait en danger.  Il se savait menacé. Alors chaque jour, il choisissait un itinéraire différent, il changeait les trajets donnait ses rendez vous dans des endroits improbables et toujours en public.

Ses enfants savaient sauter de la voiture en marche, roulé-boulé, pour aller à l’école, ses chiens savaient que leur sortie serait courte et ils avaient appris à faire leurs besoins sans s’arrêter. Sa femme avait fait une croix sur les dîners en amoureux au restaurant. Chacun dans la famille s’était adapté à la vie de Thomas. Tous étaient malheureux.

Rester sur ses gardes sans cesse. Devenir méfiant, ne plus faire confiance en personne, c’était le quotidien de Thomas.

Il allait devoir stopper ses activités bénévoles. Le risque de se faire voler son coeur était trop grand. Peut-être l’un de ses collègues était-il prêt à le trahir en échange d’une pépite de son coeur. Le risque était partout. Son coeur d’or ne lui avait causé que des problèmes. Pourquoi avoir accepté le don d’organe ? Il avait seulement vingt ans quand son coeur avait laché, il avait toute la vie devant lui et il avait accepté sans hésitation cette opération révolutionnaire qui lui donnerait un coeur neuf, une vie nouvelle. Il avait reçu le coeur d’or.

Il pensait souvent à sa voisine de chambre d’hôpital qui elle aussi avait eu un transplant. Amelie travaillait maintenant à la City à Londres. Elle était heureuse.

Elle avait reçu le coeur de pierre.

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