Questionner,  Râler

Le choix des mots

La semaine dernière, la première ministre australienne Julia Gillard a bien secoué le leader de l’opposition, Tony Abbott, en égrénant quantité d’exemples sur sa « misogynie » et son « sexisme », lors d’une tirade de quinze minutes devant le Parlement. Depuis ce discours rondement mené, un dictionnaire australien a modifié sa définition de la misogynie pour refléter le fait qu’il est maintenant utilisé pour signifier « préjugé enraciné contre les femmes », et pas seulement la haine pathologique d’elles.

Cela dit je me demande si la nouvelle définition est correcte et si c’est une bonne idée.
Un mot est un mot et lui donner une nouvelle définition pour y ajouter un autre sens me semble inadéquat. Car le sexisme n’est pas la même chose que la misogynie. Quelqu’un peut aimer les femmes en personne et utiliser des stéréotypes sexistes contre elles: « les femmes et leur sac à main sans fond », « pipelettes », « mauvaises conductrices » ou « naturellement maternelles », etc. Il peut également ne pas soutenir la discrimination positive des femmes. Tout ceci est idiot – même si c’est parfois amusant – sexiste assurément mais pas misogyne.

Ce sexisme courant est regrettable, rarement acceptable, mais nous avons besoin d’un langage précis pour comprendre et combattre l’injustice de manière efficace. Amalgamer les deux termes va à l’encontre de ce combat.

Cela dit, Julia Gillard a correctement utilisé les deux termes. Elle a dit que Tony Abbott décrit l’avortement comme « la solution de facilité » et a cité sa campagne politique contre Gillard impliquant des affiches demandant aux électeurs de « se débarrasser de la sorcière ». Cette phrase en particulier, remonte à une tradition misogyne bien réelle – incitation à la haine des femmes en partant à la chasse aux sorcières… C’est de la misogynie pure et dure qui va au delà d’une réflexion sexiste.

C’est incroyable combien les discours modernes sont empreints de misogynie et combien on demande aux femmes d’accepter ces discours avec au mieux humour ou pire avec indifférence. Cette misogynie surgit souvent dans les luttes politiques sur le rôle des femmes, et cette volonté de les contrôler devient personnalisée, intrusive et souvent sexualisée. Le mépris et la violence qu’éprouvent certains hommes envers les femmes méritent certainement plus que de l’indifférence ou une pirouette. Parce que cette haine va à l’encontre des libertés de chacune en ne les considérant pas comme égales.

Enfin il y a quelque chose de très sombre et de dangereux dans le discours misogyne parce qu’il est la source d’un contrôle des femmes et de leur corps et accepte la violence verbale et physique comme une conséquence naturelle.

Ne confondons pas les deux termes. En assimilant sexisme et misogynie nous diminuerions la sévérité d’un crime qui fait des victimes chaque jour dans le monde entier.

Liberté Égalité et Sexualités sont de bien plus jolis mots.

 

7 commentaires

  • Anne Marie

    Malheureusement je pense qu’on s’habitue aux propos sexistes et qu’on ne relève plus parce qu’on est fatiguée de devoir chaque fois relever un propos, corriger un terme, alors on laisse tomber et on a tort. Le sexisme est pour moi le premier pas vers la misogynie. C’est important même si ce n’est pas tout à fait la même chose de continuer à combattre les deux et que peut être en assimilant les deux mots et donner un seul sens de centrer le combat.

    • murielle

      Je ne suis pas d’accord avec la deuxieme partie de ton analyse sur l’assimilation des deux termes. S’il y a deux termes il y a une raison pour cela. Mais je comprends ton point de vue. Et oui le sexisme peut être le premier pas vers la misogynie, pas toujours.

  • Laurent

    Très bonne observation et très bon article. Je crois que tu as raison sur le choix des mots, ne pas changer le sens afin de ne pas laisser place à l’interprétation et au malentendu.

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