Yellow birds
Aucune originalité dans le choix du roman de Kevin Powers, Yellow Birds. Tout le monde en parle, tout le monde en dit du bien. Et tout le bien qui en est dit est justifié.
Nous n’étions pas destinés à survivre. En vérité, nous n’avions pas de destin. La guerre prendrait ce qu’elle pourrait. Elle était patiente. Elle n’avait que faire des objectifs, des frontières. Elle se fichait de savoir si vous étiez aimé ou non. La guerre s’introduisit dans mes rêves cet été-là, et me révéla son seul et unique but : continuer, tout simplement continuer. Et je savais qu’elle irait jusqu’au bout.
Le soldat à prononcer ces paroles est John Bartle, un jeune engagé volontaire dans l’armée américaine d’occupation en Irak. Tout comme l’auteur Kevin Powers.
L’histoire:
Barde, 21 ans, est soldat en Irak, à Al Tafar. Depuis l’entraînement, lui et Murph, 18 ans, sont inséparables. Barde a fait la promesse de le ramener vivant au pays. Une promesse qu’il ne pourra pas tenir… Murphy mourra sous ses yeux et hantera ses rêves de soldat et, plus tard, de vétéran.
Yellow birds nous plonge au cœur des batailles où se déroule la vie du régiment conduit par le sergent Sterling. On découvre alors les dangers auxquels les soldats sont exposés quotidiennement. Et le retour impossible à la vie civile.
Dans la création de ses trois personnages, Kevin Powers nous donne une représentation sensible et perspicace des hommes en guerre: le mystérieux, vulnérable Murph et le brutal mais énormément endommagé Sterling sont merveilleusement dessinés, et ce n’est pas un hasard que le nom du personnage central fasse penser au Bartleby de Melville, un autre homme engourdi au point qu’à la fin, tout ce qu’il peut faire, c’est de refuser d’exécuter les quelques simples gestes qui le préserveraient.
Raconter la guerre est impossible. Parce que la guerre n’est pas un pays, la guerre n’a pas de camps. Ce n’est pas un groupe contre un autre, la guerre est en chaque homme, elle est une donnée intrinsèque. Essayer de décrire les expériences que relativement peu d’hommes font est un problème récurrent : la guerre, la folie, la violence extrême, les souffrances, les visions spirituelles. Mais le fait est que, si ces expériences ne peuvent pas être entièrement transmises par les mots, le travail de témoignage – pour créer ce que Powers nomme « la cartographie de la conscience d’un homme » – est essentiel.
Chaque guerre a son roman, Voyage au bout de la nuit, Sueur de sang, Ceux de 14, Le soleil est aveugle, The soldier’s return, etc. Yellow Birds est un roman qui peut se tenir « fièrement » à côté de À l’ouest rien de nouveau de Erich Maria Remarque et À propos du courage de Tim O’Brien.
La vision finale seule, dans laquelle le corps d’un jeune homme torturé et brisé – mais aussi transfiguré – est emporté par le courant lent du Tigre est à la fois très risquée et magnifique, la marque d’un écrivain fantastique. Et de se dire, « bon sang, c’est ça la littérature ! »
A Yellow Bird / With a yellow bill / Was perched upon / My windowsill / I Hured him in / With a piece of bread / And then I smashed / His fucking head…
Un oiseau jaune / Au bec jaune / S’est penché / Sur ma fenêtre / Je lui ai donné / Un morceau de pain / Et je lui ai éclaté / Sa putain de tête…
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8 commentaires
Fred
Je ne crois pas avoir lu de livres sur la guerre, à part A l’ouest rien de nouveau. Je suis plus porté sur les films comme Platoon, Apocalypse Now, Hamburger Hill, The Deer Hunter, Jarhead, Brothers et plein d’autres.
murielle
3000 extra points pour The Deer Hunter :-)
snake0644
Oui, les critiques en disent beaucoup de bien. Je vais le lire.
Pour Céline je serais plus réservé. La qualité de « grand écrivain » (et il l’est assurément), n’autorise pas de dire des choses assez immondes sur un groupe dont la religion ne lui plaisait pas, et surtout à encourager leur suppression, sans se mouiller personnellement. J’aurais compris, à la rigueur, qu’il demanda à participer au « travail » d’un camp de concentration, mais il n’a même pas eu ce courage.
murielle
Oui je comprends pour Celine. Qu’on l’aime ou pas est une autre question, c’est tout le débat de faire la différence entre l’artiste et son oeuvre, parce qu’il y a tout de même un bon lot de salopards dans les artistes…
Je pense simplement que son roman est un roman sur la guerre, celle de 14, cet « abattoir international en folie ».
Dylan
Glad you liked it. Told you so
murielle
:-)
Nathalie
Une description du livre qui donne envie!
Laurent
Y’a pas une seule critique contre ce livre. Je ne savais pas que c’était aussi bien