Réflexion légère sur l’humour, le talent et quelques théories
Mais qui sont tous ces gens qui passent à la télé et qui ont pour profession comédiens/comiques/ spécialistes es humour? Ils rient beaucoup, parlent fort, se donnent des coups de coude, des tapes dans le dos, ils disent « tu » à tout le monde et rient encore plus fort, même à leurs propres blagues. A croire qu’ils essaient de se (nous?) persuader que ce qu’ils disent est super vachement marrant.
Les comiques sont partout. Il n’y a pas une émission sans son rigolo de service, en chroniqueur, en « sniper » ou en invité, quand ce n’est pas le présentateur lui-même qui s’essaie à l’humour. Enfin quand je dis humour, je ne sais pas, parce que je ne le saisis pas vraiment. Cette obsession à faire rire devient tédieuse. Il faut rire tout le temps, de tout et avec tout le monde. Ces émissions de télé où les « hôtes » sont devenus vedettes, où les clowns s’auto-congratulent et le public fait semblant de s’amuser me fatiguent. Certes il y a deux ou trois noms qui s’en tirent plutôt bien, qui ont un certain talent mais combien d’autres semblent sortis d’un tirage au sort pour le meilleur animateur de supermarché pendant la foire au vin.
La télé est devenu le miroir déformant de la vie. On surjoue, on rit grassement, lourdement et on se moque. Murray Rothbard, un économiste ultra-libéral dont je ne partage aucune idée avait tout de même une aptitude pour l’observation ironique: « Les gens ont tendance à se spécialiser dans ce qu’ils font de pire ». Ce qui est souvent vrai. Les comédiens pas drôles qui s’obstinent à vouloir tourner la comédie du siècle ou à rire des autres mais surtout pas d’eux-même, le gestionnaire avec zéro compétence dans les relations humaines qui se porte volontaire comme délégué du personnel, le journaliste engagé qui cire les pompes des puissants et attaquent les sans grade, le professeur qui ne connait pas le mot pédagogie, l’éditeur qui choisit la réputation, le copinage et le copiage plutôt que le talent, etc.
Est-ce que vous connaissez le principe de Peter? Pour faire court: « dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence » avec le corollaire suivant: « avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d’en assumer la responsabilité. » Ces gens-là parviennent à obtenir une promotion jusqu’à ce qu’ils soient dans un rôle où leur rendement est trop médiocre pour mériter une promotion accrue – de sorte que, au fil du temps, une société, se remplit avec du personnel qui ne peut pas bien faire le travail.
Eh bien je crois fermement à ce principe. Mais Rothbard semble avoir eu un problème différent à l’esprit: si un talent est toujours venu naturellement – ou si cela fait des années que vous ne « challengez » plus votre talent – vous concluez que cela n’a rien de spécial. Vous ne vous remettez pas en question dans ce que vous savez faire. Et donc, dans vos efforts pour parvenir à quelque chose d’impressionnant, ou pour obtenir un sentiment d’accomplissement, vous gravitez vers tout ce que vous ne pouvez pas faire. Vous vous essayez à quelque chose de nouveau dans l’espoir de briller. Et vous allez vous promenez dans des endroits où vous ne devriez pas mettre les pieds.
Mais si vous voulez être bon, vraiment bon, voire exceptionnellement bon, n’est-ce pas mieux de se concentrer sur le développement de votre talent, plutôt qu’à s’essayer dans le colmatage des choses où vous êtes médiocre? Et c’est là que Rothbard se trompe. L’humain est beaucoup plus complexe qu’il ne l’imagine. Il y a ceux qui sont proche du trouble délirant de la mégalomanie – particulièrement présent dans les média et les arts – qui pensent qu’ils sont bien meilleurs qu’ils ne le sont. Leur confiance en eux est incroyable, leur ego surdimensionné et en aucun cas ils ne pensent que leur talent est à développer. Ils se pensent au top et que personne ne se permette de les juger ou les remettre en question. Et ils excellent dans la médiocrité.
Et puis il y a les autres. Ceux qui ne s’estiment aucunement talentueux. Ceux qui pensent que ce qu’ils font pourrait être fait par d’autres. Les « si je peux le faire, toi aussi tu peux ». Ils ne perçoivent pas leur point fort, ne savent pas qu’ils ont ce « je ne sais quoi », rare et unique.
La difficulté la plus profonde est d’apprendre à voir ses compétences uniques pour ce qu’elles sont et, quand il s’agit de négociations par exemple dans le paiement de son activité ou dans les rapports amoureux, de résister à la sous-évaluation. Plus facile à dire qu’à faire. Mais le plus tôt on apprend à se connaître et reconnaitre sa valeur et son talent et plus grand est le temps pour en profiter et faire profiter les autres.
Quant à tous ces comiques et présentateurs télé qui polluent les écrans avec leur humour cracra ou faussement ironico-cynique, je leur souhaite un destin à la Coluche, et qu’à défaut de son talent, ils rencontrent un camion.
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5 commentaires
burntoast
Entièrement d’accord, c’est ce que je pense aussi. Quand on se souvient de l’élégance de Poiret et Serrault, qui n’auraient jamais ris de leurs propres blagues.
J’ai lu récemment un interview du patron de Canal Plus, un mégalome, d’un cynisme confondant, dont le seul but est le tiroir-caisse (pour lui et pour les actionnaires). Il est à jeter des seaux de merde sur le piblic de 20h, s’il le faut. On n’en est pas loin.
Benoit
Je ne connaissais pas Rothbard ni le principe de Peter. Merci pour ça :-)
Laurent
Je me demande quels sont les quelques humouristes qui trouvent grace à tes yeux.
Dans les français je ne sais pas du tout qui tu peux aimer.
Nathalie
Quant à tous ces comiques et présentateurs télé qui polluent les écrans avec leur humour cracra ou faussement ironico-cynique, je leur souhaite un destin à la Coluche, et qu’à défaut de son talent, ils rencontrent un camion.
T’es dure!
Fred
J’ai en tête la nouvelle émission de Mouloud Achour sur Canal et le petit journal. Du faux ironique, du copinage, du cool geek et de la merde.