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Des voix…

… des livres et deux films

Il y a l’expérience très douloureuse d’entendre des voix – celles qu’on appelle les «hallucinations auditives verbales» et qui sont l’une des caractéristiques les plus communes de la schizophrénie et autres troubles psychiatriques.

Mais pour d’autres, entendre des voix n’est pas si rare que l’on croit, et n’est pas réservé aux psychoses. C’est une zone de pensée riche et peu explorée quand elle ne relève pas des maladies psychiques.

Parler à soi-même ou avoir des amis imaginaires est rarement perçu comme un trait de santé mentale. Alors pourquoi ces connotations négatives? Une étude menée par des universitaires à l’Université de Durham a été mise en place pour examiner le phénomène d' »entendre des voix » à tous points de vue: médical, spirituel et littéraire.

Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont demandé aux lecteurs et écrivains du Festival International du Livre d’Edimbourg de partager le pourquoi, le comment et le quand ils entendent des voix alors que personne ne parle.

Pour ma part, je n’entends jamais de voix dans ma tête, à part la mienne, ce qui est déjà assez pénible comme ça.  J’espère ne pas être la seule familière avec l’expérience de me parler en silence ou à voix haute. Je suis dans la rue et je réalise que j’ai oublié de prendre mon téléphone « merde merde merde ». Ou j’ai un rendez-vous important et je simule l’entière conversation, les directions qu’elle peut prendre, les questions et les réponses, je me pose des pièges et je me félicite quand je m’en sors bien.

Mais tout va bien dans ma tête, c’est le phénomène que les psychologues appellent «parole intérieure», Lev Vygotski a fait valoir que le discours intérieur était élaboré par l’internalisation du discours à haute voix. Non, ne soyez pas si impressionnés par mon savoir. Moi non plus je ne connaissais pas Lev jusqu’à aujourd’hui;  j’ai seulement effectué une bonne recherche documentaire.

Ce qui est fascinant – enfin ça l’est pour moi – c’est que le discours intérieur est accompagné par de minuscules mouvements musculaires dans le larynx et qu’une partie du cerveau (l’Aire de Broca) agit de la même manière, que le dialogue soit interne ou externe.

Harvey- James Stewart
Harvey- James Stewart

Dans Une Poignée de Cendres d’Evelyn Waugh, le protagoniste, Tony Last est pris au piège dans la jungle brésilienne par son ravisseur, M. Todd, qui l’oblige à lire à haute voix les œuvres complètes de Charles Dickens, dans l’ordre, encore et encore sans aucun espoir d’en réchapper. C’est une idée formidable et fantastiquement sombre : le grand romancier victorien comme complice du sadique.
Il relie également Dickens à la possibilité qu’il y ait quelque chose de potentiellement oppressif, même emprisonnant, dans l’expérience de la voix humaine. Waugh suggère que la voix peut tyranniser l’esprit.

Ce qui est fantastique avec Dickens, c’est qu’il fut célèbre de son vivant et a fait des tours de lecture comme d’autres feraient des concerts. Il faisait les imitations vocales de ses propres personnages pour donner à ses romans une vérité. La légende veut que l’imitation de ses personnages chéris ont hâté sa mort, mais aucun autre auteur de l’époque victorienne pourrait lui être comparé pour la célébrité, la fortune et l’art vocal pur. Entre 1853 et sa mort en 1870, Dickens a effectué environ 470 représentations.

 

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Entendre des voix et inventer des caractères sont aussi des aspects indissociables de la créativité. Dickens a compris que pour écrire il devait convoquer des voix :

« Chaque mot dit par ses personnages a été nettement entendu par lui ».

La plupart des lecteurs modernes sentent instinctivement que l’expérience littéraire et l’écriture ont beaucoup en commun avec l’acte d’entendre. Lire de la fiction est un processus qui permet aux voix des personnages de résonner dans l’oreille interne. Finalement on absorbe le bruit et les voix imaginées : c’est la magie de l’écriture, boucles d’encre sur une page.

Après tout, et ceux d’entre vous qui lisez des histoires aux jeunes enfants, le savent, on entre dans l’histoire; on devient les personnages, on change les voix, on s’approprie les caractères. En ce moment, Max et les Maximonstres est un favori chez mon neveu. (À propos, saviez vous qu’il est maintenant indisponible en français?!)

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Bien entendu il est Max et je suis tous les monstres. Et je remercie à chaque opportunité qu’il m’est donné de lire ou de jouer avec lui, feu Maurice Sendak et Spike Jonze pour avoir donné des voix à ses « vilde chaya ».

C’est fascinant d’apprendre combien la créativité littéraire est différente, selon les romanciers par exemple, comment ils vivent leurs caractères primaires et secondaires. Tandis que les écrivains ont le sentiment d’habiter la vie intérieure de leur protagoniste et de vivre le monde à travers leurs yeux, ils expliquent que les personnages secondaires ont tendance à être connus uniquement visuellement.

Un résultat particulièrement surprenant a été que beaucoup d’auteurs sont incapables de « voir » les visages de leurs protagonistes. Le personnage principal enregistre souvent un vide – ou comme une photo pixelisée… Au fil du temps, cependant, les écrivains interrogés déclarent avoir remarqué des transformations dans le dialogue, avec des qualités d’empathie et d’imagination, et même la polyphonie de la voix intérieure.

Ces changements viennent peut-être avec l’expérience – à la fois consciente et inconsciente – comme si la voix intérieure commençait à contenir les échos d’autres voix, celles de la vie réelle et de la littérature mélangées.

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Oh et les deux films qu’il FAUT voir sont la très belle interprétation de Max et les Maximonstres (« en chacun de nous il y a Max »  mais aussi KW) et le sublime Harvey avec le meilleur acteur qui ai jamais vécu James Stewart. (Le film est facile à trouver en ligne en VF).

 

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