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L’écrivain national

Il y a des livres que je commente pour Eklektika et dont je ne parle pas automatiquement ici. Histoire de ne pas toujours tout mêler, et puis parce que mon blog n’a pas vocation à être un blog de critique littéraire. Mais parfois il y a un livre ou un auteur que j’aime particulièrement.

C’est le cas avec Serge Joncour dont j’ai déjà parlé ici. J’aime son écriture, sa sensibilité et tout ça. À moins que ce soit sa barbe.

Ce qui est bien avec cet auteur, c’est qu’il ne connait pas les détours. Pas de longues phrases descriptives pour amener le sujet et l’histoire. L’écrivain national, c’est lui. Le narrateur-sujet s’appelle Serge. Entre réalité et fiction, ce Serge, nous raconte son séjour à Donzières, grand village ou petite ville imaginaire du centre de la France. 2000 habitants, c’est quoi ?

Écrivain en résidence, invité par le libraire avec l’aval de la médiathèque sur le budget de la mairie, il est l’écrivain national, moquerie à peine déguisée du maire lors de sa présentation.

9782081249158_LecrivainNational_cv.inddL’histoire :

Le jour où il arrive en résidence d’écriture dans une petite ville du centre de la France, Serge découvre dans la gazette locale qu’un certain Commodore, vieux maraîcher à la retraite que tous disent richissime, a disparu sans laisser de traces. On soupçonne deux jeunes « néoruraux », Aurélik et Dora, de l’avoir tué. Mais dans ce fait divers, ce qui fascine le plus l’écrivain, c’est une photo : celle de Dora dans le journal. Dès lors, sous le regard de plus en plus suspicieux des habitants de la ville, cet « écrivain national », comme l’appelle malicieusement monsieur le Maire, va enquêter à sa manière, celle d’un auteur qui recueille les confidences et échafaude des romans, dans l’espoir de se rapprocher de la magnétique Dora. Dans une atmosphère très chabrolienne, Serge Joncour déroule une histoire à haute tension : les quelques semaines de tranquillité que promettait ce séjour d’écriture se muent, lentement mais sûrement, en une inquiétante plongée dans nos peurs contemporaines.

Tout est quasiment dit avec cette description de l’éditeur.

Il aura suffi à Serge de feuilleter le journal local le jour de son arrivée pour que sa vie s’en trouve changée. Il aura suffi d’une photo illustrant un fait divers.

« Le garçon avait la tête basse et les mains dans le dos, menotté visiblement, un gendarme le tenait par le bras. La fille, contrairement à tous les autres, avait le visage tourné vers la droite, elle avait repéré le photographe et fixait l’objectif avec une insistance détachée.

En l’examinant bien, le trouble venait justement de son regard. De fait, elle regardait quiconque regardait la photo, un regard tranchant où je devinais autant de défiance que de séduction. […] « C’était sans doute absurde de prétendre qu’une parfaite inconnue puisse avoir besoin de moi, mais là, sur le coup, c’est pourtant ce que je ressentais, avec la lumineuse évidence propre aux coups de foudre. »

Aurélik est en prison, Dora, elle, est libre.

« …elle vend des livres d’occasion sur le marché, et sur Internet aussi. On ne sait pas bien où elle les trouve ses bouquins, mais bon elle aime ça, elle lit pas mal… »

Dans un jeu de rôles qui mêle sans cesse fiction, fantasme et réalité, l’écrivain devient enquêteur presque malgré lui. L’ennui, la solitude, le désœuvrement, l’envie de tomber amoureux le poussent à s’intéresser à l’affaire.

« Déjà j’envisageais les différentes hypothèses, un homicide, une simple disparition, un accident camouflé, à moins que ces deux jeunes n’aient vraiment appartenu au milieu, ou qu’ils aient été piégés par une sorte de mafia de l’Est. De nouveau je m’arrêtais sur les photos, j’essayais de supposer le déroulement des événements, de ressentir un peu l’effroyable séquence, j’imaginais ces mêmes visages paisibles et doux, défigurés par la violence ou la panique. »

Tout en menant l’enquête, Serge va remplir ses devoirs d’écrivain; aller aux séances de dédicaces, animer les ateliers d’écriture et rédiger un feuilleton dans le quotidien régional.

Et de raconter avec beaucoup d’humour, d’autodérision et de réalisme, ses activités. Le lecteur se voit ainsi décrit, parfois critique, parfois agaçant, parfois sympathique, parfois timide face à l’écrivain qui lui non plus n’en mène pas large surtout quand il doit diriger un atelier avec des personnes illettrées :

« Je ressentais la perdition totale de tous ces êtres face au monde écrit, face au monde tout court, je ressentais l’enfer que c’était de ne pas pouvoir déchiffrer l’environnement, la détresse de celle qui ne pouvait pas lire le mode d’emploi des biberons de son bébé, de celui qui n’arrivait pas à suivre les devoirs de ses enfants, qui du coup avait le sentiment d’être nul face à eux … »

Puis, Serge rencontre Dora.

« Quand on se sent à ce point ensorcelé par quelqu’un, j’ai à peu près compris de la vie qu’il faut savoir se retenir, ne pas trop afficher son désir, au contraire, il faut jouer la distance, l’indifférence, ne surtout pas faire l’aveu de son attirance, sans quoi on court le risque d’être déprécié, d’avoir l’air faible ou inquiétant. Ce n’est pas rassurant de voir l’autre trop vite conquis, on se dit qu’il manque de discernement.  »

La suite ? Je vous laisse la découvrir par vous-mêmes.

Histoire d’amour, thriller, suspense et auto fiction ; en mélangeant les genres, Joncour a réussi un joli ovni littéraire qui traite toujours aussi bien de l’écriture et de l’amour.

Finalement, lire Joncour c’est l’amour sans le faire.

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