Pride – Un film merveilleux

Written by murielle

Cartes sur la table : j’éprouve un amour durable et loyal pour les films britanniques qui mélangent les faits avec la fiction « sentimentale » sans être sentimentaliste.  Je suis donc prédisposée à embrasser n’importe quel film qui célèbre les allégeances désordonnées qui ont surgi entre les classes et les sexes pendant la grève des mineurs au Royaume Uni.

Ajoutez à cela la présence de Paddy Considine et franchement je suis là, première à l’appel, poussez-vous devant que je m’y mette et regarde Pride

Si les comédies de Richard Curtis sont trop sucrées pour vous, alors Pride vous plaira. Et je peux vous assurer que cette histoire turbulente de l’union improbable entre grévistes mineurs gallois et «out and proud» homosexuels londoniens est l’un des films les plus irrésistiblement édifiants de l’année – et ce pour tout public. Je vais employer tous les superlatifs possibles tant le film est formidable, respectueux de l’histoire et des histoires.

pride-filmL’histoire :

Été 1984 – Alors que Margaret Thatcher est au pouvoir, le Syndicat National des Mineurs vote la grève. Lors de leur marche à Londres, un groupe d’activistes gay et lesbien décide de récolter de l’argent pour venir en aide aux familles des mineurs. Mais l’Union Nationale des Mineurs semble embarrassée de recevoir leur aide. Le groupe d’activistes ne se décourage pas. Après avoir repéré un village minier au fin fond du pays de Galles, ils embarquent à bord d’un minibus pour aller remettre l’argent aux ouvriers en mains propres. Ainsi débute l’histoire extraordinaire de deux communautés que tout oppose qui s’unissent pour défendre la même cause.

Alors qu’aujourd’hui la politique est plus proche des 50 nuances de gris, l’acteur devenu dramaturge Stephen Beresford nous rappelle qu’il y a une époque où tout était plus noir et blanc. Par exemple quand la vénalité du gouvernement de Thatcher a demandé à chacun «Which Side Are You On»?

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L’histoire d’un groupe de gays et lesbiennes de Londres qui décident de lever des fonds pour les mineurs en grève à cause de leur haine mutuelle de Margaret Thatcher est improbable mais vraie. Dirigés par le militant charismatique et déterminé Mark Ashton, ils se sont d’abord heurtés à la résistance et la suspicion des mineurs avant de trouver un point d’entente.

Pride non seulement reconnaît mais embrasse le fait que l’opposition a été déchirée par les désaccords et les tactiques du « diviser pour mieux régner ».  Lorsque Mark exige l’allégeance aux mineurs, un camarade lui rappelle qu’il était « tabassé tous les jours » par ceux-là mêmes qu’il est maintenant invité à soutenir.

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Malgré le montant élevé des dons, la plupart des mineurs et leurs épouses restent froidement hostiles aux nouveaux venus. Pourtant, pour toutes les factions, le ton donné est à la conciliation et la célébration; ainsi quand un groupe séparatiste lesbien émerge dans les rangs de LGSM, nous rions avec elles plutôt que d’elles.

Tout ceci au milieu des angoisses croissantes sur le sida, quand les malades étaient désignés par un numéro, jusqu’au moment où les chiffres ont dépassé le millier. C’était également l’époque du chef de police de l’agglomération de Manchester,  James Anderton, et de ses tirades anti-homosexuels « le jugement de Dieu sur un cloaque humain qui tourbillonne dans le péché », dans les journaux de Rupert Murdoch qui offrait une tribune libre à Thatcher et ses amis.

Beresford et le réalisateur Warchus ont choisi de respecter et responsabiliser quiconque est prêt à combattre le bon combat : « fight the good fight ». La Gay Pride a été (est) importante et il fallait qu’elle soit représentée comme un événement politique, et non pas comme un carnaval.

En effet, plus tard, le groupe mènera leurs efforts à un niveau supérieur grâce à l’organisation à grande échelle d’un concert Pits and Perverts à Londres. Le concert lui-même a été un énorme succès financier – ils ont levé plus de £ 5650 (l’équivalent de plus de £ 20 000 en argent d’aujourd’hui) pour les mineurs en grève et leurs familles.

Mais il fut également le théâtre d’une percée politique véritablement historique.

« Vous avez porté notre insigne, «Coal no Dole»* , et vous savez comme nous, ce que le harcèlement signifie. Maintenant, nous allons porter votre badge ; nous vous soutiendrons. Cela ne changera pas du jour au lendemain, mais maintenant 140.000 mineurs savent qu’il existe d’autres causes et d’autres problèmes. Nous connaissons les noirs et les homosexuels et le désarmement nucléaire, et rien ne sera jamais pareil ».

 

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Et les mineurs furent fidèles à leur parole. Non seulement ils ont apporté leurs bannières syndicales à la Gay Pride de1985 à Londres, mais ils ont aussi mis la pression pour les droits des homosexuels à la Conférence du parti Labour cette même année alors qu’auparavant le syndicat des mineurs s’opposaient à la motion.

Bien sûr,  de temps en temps, quand la musique de Bronski Beat ou un chant syndicaliste résonne (une scène magnifique dans la salle des fêtes du village), on se sent légèrement manipulé ; « attention moment d’émotion! ». Et le pire c’est que ça marche. Parce que cette scène où les femmes chantent « Bread and Roses«  (cliquez sur le titre) avant d’être jointes par le chœur des hommes est magnifique, les voix, la mélodie et surtout les paroles. (Poème américain dédié aux femmes et repris comme chant syndicaliste surtout dans les mouvements de femmes).

As we come marching, marching in the beauty of the day,

A million darkened kitchens, a thousand mill lofts gray,

Are touched with all the radiance that a sudden sun discloses,

For the people hear us singing: « Bread and roses! Bread and roses! »

 

As we come marching, marching, we battle too for men,

For they are women’s children, and we mother them again.

Our lives shall not be sweated from birth until life closes

Hearts starve as well as bodies; give us bread, but give us roses!

 

As we come marching, marching, unnumbered women dead

Go crying through our singing their ancient cry for bread.

Small art and love and beauty their drudging spirits knew.

Yes, it is bread we fight for — but we fight for roses, too!

Mais les touches d’ironie pince-sans-rire sapent la guimauve, avec des scènes de comédie pure (les scènes de boîtes de nuit) et des plaisanteries « régionales » et culturelles qui passent au dessus de la tête de ceux qui ne connaissent pas le Pays de Galles.

On rit franchement, on est tout aussi ému et ceci grâce à un casting incroyable dont le formidable Ben Schnetzer qui maîtrise la pointe d’accent irlandais à la perfection ou Dominic West touchant et drôle dans une scène de danse. On s’attache à eux, on souhaite qu’ils soient heureux et qu’ils vivent pour toujours…

Pride est vraiment une histoire inspirante qui restaure – un petit peu – sa foi en l’humanité. Son attrait réside dans son humour, et dans sa célébration joyeuse de la décence morale, de la tolérance et du respect dans un des moments les plus controversées de l’histoire sociale britannique contemporaine.

Deux seules remarques un peu négatives.

Les sous titres parfois approximatifs. Mark Ashton explique l’importance des mots – et insultes – et qu’il faut se les ré-approprier, d’où toute une série de mots associés à l’homosexualité, malheureusement mal ou non traduits. Ainsi au début quand la seule lesbienne du groupe, Steph, se définit comme « dyke », c’est traduit « lesbienne » or la traduction est « gouine ». Ce qui est plus fort et plus amusant car elle revendique ce mot à chaque fois. C’est important dans un film dont le sujet est d’être gay et fier de l’être, de traduire correctement le vocabulaire – insultant – de « faggots », « shirt lifters », « benders », etc.

Enfin Mark Ashton était un militant de la cause gay mais il était aussi communiste. Et c’est son engagement politique qui l’a fait devenir porte parole des LGSM (Lesbians and Gays Support the Miners). Dans ce maelström historique Ashton a été l’un des premiers à réaliser la connexion entre les deux groupes qui étaient à la fois sous l’attaque de Thatcher, son gouvernement, les journaux et la police brutale et réactionnaire.  Or le film ne parle pas du fait qu’il était secrétaire général de la Ligue des Jeunesses Communistes à cette époque. Et que ceci a joué aussi sur son engagement.

Mais peu importe, parce que l’important est que Pride est un réussite. Les rires et les silences dans la salle l’ont prouvé. Allez le voir!

*coal not dole = le charbon pas l’allocation chômage

9 thoughts on “Pride – Un film merveilleux

  1. Audrey says:

    Je l’ai vu ce soir. J’ai adoré! J’ai ri, j’ai pleuré, j’ai été touchée et émue par leurs histoires. C’est bien de ne pas dire la fin mais tu aurais pu parler de la galloise qui est devenue MP.

    • Oui il y a tellement à dire mais je trouvais déjà l’article trop long.J’ai vu depuis un interview de la vraie MP sur youtube et elle est aussi sympathique et franche que dans le film. Puis elle raconte combien les couples avaient tenu bon dans la lutte avec les maris qui ont beaucoup poussé leurs épouses à faire quelque chose de leur vie quand la grève a terminé, que ce soit les études, etc.

  2. Fred says:

    Tu nous refais l’histoire du film et de l’Angleterre avec cet article!! Non je plaisante, c’est tellement riches d’anecdotes, de détails historiques et d’évènements qu’il en faudrait encore une tartine pour tout dire. Normal que tu n’ais pas tout dit. C’est bien justement de ne pas dire ce qui arrive aux protagonistes pour inciter les gens à aller voir le film. Il est super. La salle était comble et les rires se sont fait entendre tout comme des reniflements à certains moments.

    • Oui, ici il y a même eu une tentative d’applaudissement par qqn :-) Il y a avait longtemps que je n’avais pas vu quelque chose qui soit aussi drôle et aussi émouvant à mesure égale sans tomber dans la caricature.

  3. Nathalie says:

    Je sais que c’est ridicule mais revoir la bande annonce me fait pleurer à nouveau. J’ai adoré ce film, comme tu dis c’est une comédie sentimentale mais pas guimauve, c’est tellement plein de faits sociaux, de politique et d’intelligence que c’est un film parfait. Celui qui joue Mark Ashton est incroyable; Il a l’allure, sa démarche fière,un peu cambrée, la tête haute, tout montre sa confiance en ses idées et en lui face aux insultes et aux combats. Le vrai était pareil parait-il. Quel courage et culot! Je suis tombée amoureuse de ce film et de tous les personnages, surtout de Dai et son humanité.

    • Oui celui qui joue Mark Ashton a le « swag ». Il a une confiance en lui et ses idées incroyables. Pareil pour Dai, dès le début il est ouvert et son premier discours sur les mais qu’on ne savit pas exister, etc dans la boite gay pour remercier pour les dons est super. Là aussi il y a avait un entretien sur youtube avec le vrai Dai qui est aussi sympatique que Paddy lovely Considine.

  4. Benoit says:

    Toi qui aimes les anecdotes. La fille que tu as aimée qui chantait Bread and Roses était une des entrantes dans l’émission The Voice en Angleterre.

  5. Peyo says:

    ça y est je l’ai vu. Comme j’ai lu ta critique avant j’ai pu saisir les subtilités qui manquaient parfois à la traduction. Je pense aussi que les blagues régionales sont équivalentes au basque-français.
    le film est super bien, historique mais aussi un film de bons sentiments sans être dans l’excés. Il est formidable oui.

    • Oui un parisien lirait le basque il penserait qu’il n’y a que des x et des k. Le gallois raffole des w et y. Donc il y a des mots qui n’ont quasiment aucune voyelle. Le y compte comme une consone en angleterre.

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