Caméra dessinée sur fond jaune
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Quand vient la nuit

quand-vient-la-nuitL’histoire :

Bob Saginowski, barman solitaire, suit d’un regard désabusé le système de blanchiment d’argent basé sur des bars-dépôts – appelés « money drop » – qui sévit dans les bas-fonds de Brooklyn. Avec son cousin et employeur Marv, Bob se retrouve au centre d’un braquage qui tourne mal. Il est bientôt mêlé à une enquête qui va réveiller d’anciens drames enfouis du passé… 

Un accent de Brooklyn qui nous fait nous asseoir bien droits dès le début. C’est comme si le personnage de Ray Liotta des Affranchis s’était gargarisé au bourbon et avait ensuite imité Christopher Walken.

Cette voix émane de l’anglais Tom Hardy, qui joue Bob, barman chez Marv ‘. Cette institution locale, où une grande partie du film va se dérouler, est l’endroit désigné où les gains mal acquis dans le quartier sont cachés dans un coffre-fort verrouillé jusqu’à ce que les choses se calment.

Marv, qui est connu comme le cousin Marv par à peu près tout le monde, voit Bob comme un employé d’abord, comme un parent par le sang ensuite. Il est joué par James Gandolfini dans sa dernière apparition à l’écran – il n’y a plus, hélas, aucun autre film dans les tiroirs. Il est superbe comme toujours. La solennité costaude de l’acteur a quelque chose de menaçante ici, avant même de réaliser ce qu’il complote : organiser le vol de l’argent qu’il est supposé blanchir dans son propre bar par quelques cas désespérés.

Bob, qui n’est pas au courant de cette escroquerie exceptionnellement risquée, semble lent à comprendre. De plus il est occupé avec un autre petit projet plus personnel. Rentrant à la maison un soir, il entend un aboiement dans la poubelle d’une voisine, et découvre un chiot pitbull blessé qui été abandonné à l’intérieur. La poubelle – mais pas le chien – appartient à une jeune femme du nom de Nadia (Noomi Rapace), qui est passablement effrayée par l’inconnu barbu qui fouille dans ses ordures. Rassurée par la manière douce voire même réservée de Bob, elle l’aide à dispenser les premiers secours à l’animal à la condition qu’il devienne sa responsabilité, et pas la sienne.

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Bien entendu, il y aura du drame et de la violence. Je ne me souviens pas d’un film où un chien a été le personnage central dans un grand film (à part Marley & Moi, peut-être), mais Quand vient la nuit est à la fois franc et très efficace dans ses manipulations, tirant sans vergogne sur la corde sensible.

L’auteur de polars, Dennis Lehane (Mystic River, Gone Baby Gone) a adapté sa nouvelle appelée Animal Rescue. Il en a fait un script fantastique d’humour noir qui marche sur le mince fil entre la vie et mort. Le père de Marv, qui est sous assistance respiratoire en est un bon exemple.

Il dispose également d’un réalisateur, le Belge Michaël R Roskam, avec les qualités parfaites pour fouiller dans la psyché masculine (mâle?). Son dernier film, Bullhead, était sur un cabot à forme humaine, joué par Matthias Schoenaerts que l’on retrouve ici aussi.

Lehane aurait pu nous donner une pièce de théâtre s’il l’avait voulu. Parce que le bar de Marv a quelque chose en commun avec la brocante dans American Buffalo de David Mamet, un endroit où des vies se dévoilent dans la nuit, épicentre de violence et de trahison. Mais le film n’est pas pour autant statique ou théâtral. Il est coupé et marqué avec une rythmique, une confiance « bluesy », comme un jeu de poker : attendant son heure, et gardant, caché des autres, un grand nombre de cartes narratives.

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Tout n’est pas parfait dans ce film noir. Matthias Schoenaerts n’est pas toujours convaincant en mec instable,  John Ortiz (l’ami de Bradley Cooper dans Happiness Therapy) joue un flic cynique mais son implication se révèle être périphérique au mieux. Une toujours impeccable Noomi Rapace apporte son magnétisme brut, mais elle a un trop petit rôle. Enfin, Ann Dowd – que l’on peut voir dans les séries TV The Leftovers et Olive Kitteridge n’a pas le temps de marquer les esprits en tant que Dottie, sœur de Marv.

 

Ce n’est pas non plus le film vitrine pour montrer la variété de talents de James Gandolfini – Enough Said / All about Albert était peut-être le plus complet. Mais il permet pour la dernière fois de voir le cynisme et la violence téméraire en quelques coups discrets habiles d’un acteur dont la stature de dur à cuire iconique peut difficilement être surestimée.

Cependant, c’est la performance d’Hardy, qui domine et qui se faufile en vous. Je déteste comparer les acteurs mais après son travail remarquable dans Locke, il réussit ici une performance « Brando-esque » sans faire un grand spectacle de son métier. C’est un tour de force dans la discrétion et la sobriété. Lehane, Roskam et leur nouvelle star construisent un personnage avec soin et amour, un peu comme s’ils avaient un chiot eux aussi.
Vous ne savez pas s’il va mordre ou être mordu, mais il n’y a absolument aucun doute que vous serez de son côté.

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