Whiplash
En 1936, le tout jeune musicien, Charlie, vient se frotter aux grandes gloires de l’orchestre de Count Basie au Reno Club. Il est sûr de lui, croit maîtriser son instrument et a décortiqué sans relâche les solos enregistrés de Lester Young, alors chez Basie.
Il se jette à l’eau. L’orchestre joue I got Rhythm, de Gershwin. Il se perd alors dans un solo improvisé et le batteur de Count Basie, Joe Jones, du gros bout de sa baguette, frappe un coup violent sur la cloche de sa cymbale qui atterrit à ses pieds. Le public rit et applaudit. Le jeune musicien sort de la scène humilié. Charlie n’est pas encore Charlie Parker. Il va prendre une résidence dans une station balnéaire et utiliser son temps libre pour « woodshed » ; un vieux terme de jazz pour dire pratiquer intensivement.
Un an plus tard, Parker revient à Kansas City et fait une performance qui – comme le dit un personnage dans Whiplash – « est le meilleur putain de solo que personne dans cette salle n’ait jamais entendu ».
Le film, réalisé par le jeune Damien Chazelle, n’est pas une histoire sur les rôles joués par la misère et l’humiliation pour forger un grand artiste. C’est une histoire sur ce qui se passe quand les gens croient que c’est la façon dont les grands artistes doivent être forgés : le mentor frappe sans cesse avec le marteau quand l’élève a son âme sur l’enclume.
L’histoire :
Andrew, 19 ans, rêve de devenir l’un des meilleurs batteurs de jazz de sa génération. Mais la concurrence est rude au conservatoire de Manhattan où il s’entraîne avec acharnement. Il a pour objectif d’intégrer le fleuron des orchestres dirigé par Terence Fletcher, professeur féroce et intraitable. Lorsque celui-ci le repère enfin, Andrew se lance, sous sa direction, dans la quête de l’excellence…
Fletcher aime à raconter l’histoire de cymbales dans ce Reno Club, bien que dans sa version, Jones lance la cymbale comme un disque directement sur la tête de Parker. Ce qui justifierait ainsi sa violence. Voilà à peu près le style de ses propres sessions de pratique : pensez Full Metal Jacket plutôt que Professeur Holland.
JK Simmons, un acteur chevronné, souvent cantonné dans des seconds rôles, de Spider-Man à Juno, saisit ce rôle avec un brio carnivore. Il dirige avec son poing, arrachant la musique chaque fois que l’un de ses élèves est à contre-temps ou joue faux, giflant et dévorant verbalement le coupable devant ses camarades de classe.
Pour Fletcher, la ténacité, la virilité et la perfection sont indivisibles, et par conséquent, Andrew joue jusqu’à ce que ses mains saignent. Ce que ces deux font est non seulement de la batterie, c’est aussi du « cymballisme phallique ».
JK Simmons donne une performance parfaite, mais à égalité avec Miles Teller qui, à chaque étape nous montre un jeune homme intense qui trouve dans la musique l’ordre et le sens qui manquent au monde autour de lui. Un rôle qui change surtout de ceux sans relief de Divergente et de l’insipide Two Night Stands.
Comme Fletcher, Andrew répond au mythe populaire des artistes ambitieux et sous pression, bien que beaucoup de ce que fait Andrew au cours du film – par exemple, se hisser hors d’une voiture après un accident, afin de se rendre à un concert à l’heure – peut difficilement être défini comme ambitieux…
Chazelle, qui a filmé Whiplash en 19 jours, semble vouloir manœuvrer la poursuite de grandeur musicale d’Andrew vers une fin heureuse plutôt conventionnelle. Mais soudain il tire le tapis de dessous ses pieds, et le film bascule dans un acte final électrifié beaucoup plus satisfaisant.
C’est dans ces derniers moments que le film lui-même commence à se comporter comme la musique de jazz, une coupe méticuleuse qui laisse place à des coups de balais légers puis frénétiques et des gros plans affamés de baguettes frappant la peau et le métal.
Que l’on aime ou pas la musique, la batterie ou le jazz, le film est à voir. Il y a de la sueur, des cris, des larmes, du sang et du rythme. Que demander de plus. Une histoire ? Elle est également présente.
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4 commentaires
Nathalie
Fred voulait le voir donc je l’ai suivi un peu à contre coeur mais même si on n’aime pas la philosophie qui est derrière, c’est un très bon film, avec de belles photos, de beaux solos de musique et une très bonne énergie. Je ne suis pas déçue.
burntoast4460
Difficile d’accéder au blog ! Un peu du même avis qu’Audrey.
burntoast4460
Mais je ne prononce pas les qualités du film, qui est certainement bon pour son public particulier.
Audrey
Ah! Te voilà de retour! C’est un film que je n’irai pas voir. Trop de testostérone et de réflexions machistes pour moi. EN plus je n’aime pas le jazz :-)