Le vagin de Naomi
Allons bon, voilà la Mumu qui se met à faire un sexo-blog ou qui écrit une nouvelle érotique. Non, je ne swingue pas des chandeliers. Ma vie sexuelle n’est pas assez littéraire.
J’ai simplement terminé un livre de Naomi Wolf qui s’appelle Vagina. Je crois bien que c’est la première fois que je lis un livre avec vagin dans le titre. Ma vie littéraire n’est pas assez sexuelle.
Mais ce livre de Wolf, c’est tout de même quelque chose ! Oui, elle traite un peu de culture, d’histoire et de science aussi. Mais surtout l’auteur a trouvé une clé magique dont elle veut nous faire profiter: « le vagin a un cerveau ». Je m’explique. Wolf a découvert, que le cerveau et le vagin sont essentiellement un réseau, ou un système, mais pour le moment, pas beaucoup de gens le savent, « en dehors des scientifiques dans les laboratoires et les cliniques les plus avancés partout dans le monde ». Prises ensembles, ces « profondes connexions cerveau-vagin forment une passerelle vers la connaissance de soi et la conscience féminine ».
Je ne suis pas sûre d’avoir tout compris. Mais je sais à présent que Naomi Wolf a des orgasmes hallucinants. J’imagine que globalement cela devait être un sujet de préoccupation. Est-ce que Naomi Wolf a assez d’orgasmes ? Eh bien, oui, oh oui, oui, oh oui, oui, OUI, OUI, elle en a assez pour obtenir la valeur d’un livre.
Comment a t-elle compris le lien cerveau-vagin? Le jour où un nerf pelvien comprimé a empêché toute extase. Elle ne ressentait plus rien, même à l’intérieur d’elle-même, « son sens de la dimension poétique » avait disparu. Une opération du dos plus tard et la déesse de l’amour physique en technicolor façon extase transcendantale est de retour dans sa vie sexuelle. Ouf !
Comme tous les auteurs égocentriques – pléonasme? – Naomi pense donc que cette connexion cerveau-vagin a été négligée par tout le monde. Et qu’il est de sa mission de partager sa découverte. Donc, l’orgasme vaginal (ou clitoridien) vient du nerf pelvien qui transporte les messages du cerveau à la zone génitale. Et cela n’a rien à voir avec la culture, l’éducation, la religion, la liberté sexuelle, le féminisme, etc.
Soit… Mon problème avec ce livre ce n’est pas tant sur la façon dont elle considère l’orgasme – mais la façon dont elle pense ou plutôt ne pense pas. Ce livre est le canada dry du féminisme. Il est commercialisé « féminisme » , il ressemble à du féminisme, il a le titre du féminisme, mais il n’en est pas.
Elle semble se démener pour dire quelque chose qui va choquer, ou surprendre mais finalement d’autres l’ont fait avant elle et mieux. Son grand truc c’est de présenter ce matériel comme neuf, et de parler en quelque sorte au nom de toutes les femmes quand, elle est en fait infiniment privilégiée et protégée.
Le féminisme devient simplement une forme hautement médiatisée du narcissisme dépourvu de toute connexion réelle cerveau / politique. C’est un Californication au féminin, avec un petit passage à travers les études de certaines femmes reliant la créativité féminine avec l’éveil sexuel. Pensez Georgia O’Keeffe avec un soupçon d’Anaïs Nin et une touche de neursoscience /biologie niveau 3eme. Ce qui est assez facile à lire.
Mais aussi simpliste voire ridicule, à commencer par le titre d’un chapitre : Est-ce que mon vagin a une conscience ?
Mon esprit – mal placé bien entendu – n’a pu s’empêcher d’imaginer un vagin citer Freud avec la voix de Darth Vader puis dire wham-bam! Allez savoir pourquoi.
Wolf a certainement raison de vouloir que toutes les femmes aient une vie sexuelle extraordinaire. Mais il se trouve, que beaucoup trop de femmes sont malheureuses sexuellement. Comme elle l’explique, une grande partie de cette «souffrance sexuelle » systémique a été imposée sur les femmes, à travers le monde et à travers les siècles avec le viol et la mutilation génitale, militaire, judiciaire et rituelle.
Il y a aussi la menace posée à « l’hétérosexuelle heureuse» par la pornographie sur internet. La preuve n’est pas encore là, mais l’argument de Wolf est que le porno semble suivre un modèle de dépendance, de désensibilisation aux images de violence et de perte d’intérêt pour le sexe affectueux avec une partenaire dont on connaitrait un peu plus que le prénom.
Oui pourquoi pas.
Mais me voilà dans la perplexité totale. Quelle est donc cette grand nouvelle que Wolf souhaite transmettre? Je ne suis pas docteur, mes seules connaissances médicales je les tiens d’Urgences et Dr House. Jusque là je savais que les vagins ressentaient des choses, parce que bien sûr, c’est lié à des nerfs, quelque chose à voir avec la colonne vertébrale, la moelle épinière, la transmission des messages nerveux entre le cerveau et le reste du corps. Je crois même qu’il y a des nerfs dans le pied, sinon ma réflexologue s’est bien fichu de moi. Donc rien de nouveau sous la ceinture.
Le corps et l’esprit sont partie intégrante. Mais cela ne veut pas dire que les connections peuvent être si facilement conceptualisées et réduites. En focalisant sur la partie physique et sur les généralités, Wolf a oublié que si les vagins se ressemblent plus ou moins, les femmes qui sont autour sont différentes.
Et les hommes qui y sont invités le sont tout autant.
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7 commentaires
burntoast4460
Sans story telling, y a-t-il une vie sexuelle ? :) :)
murielle
et vice versa? :-)
Marie-Claire
J’ai eu peur de cliquer d’autant que j’étais au travail. J’ai attendu d’être chez moi au cas où ce soit osé :-) j’aime beaucoup les deux dernières phrases et je suis d’accord avec toi même si je n’ai pas lu le livre. Ce genre de livre avec les mots déesse ou approche holistique (j’ai lu le résumé) n’est pas pour moi.
Peyo
c’est aussi pour ce genre d’article que j’aime te lire. Tu sais aussi très bien manier l’humour et l’écriture. « Ma vie sexuelle n’est pas assez littéraire » puis « ma vie sexuelle n’est pas assez littéraire » sont deux très jolies phrases. Et les peintures….
Laurent
Quelle déception. Les écrits féministes ou ceux qui se disent féministes sont parfois très bizarres. Parler du plaisir féminin, je comprends mais faire une biographie sur son vagin, c’est TMI.
Nathalie
Bravo pour le choix des mots et le choc des images. Il y a quelques phrases très bien amenées dans ce billet.
Fred
He he. C’est très drôle.