une histoire secrète

Written by murielle

Les actualités sont toujours cruelles. La semaine dernière ce fut le co-pilote allemand qui a crashé un avion dans les Alpes emportant avec lui ses collègues et les passagers, 150 morts. Il souffrait de dépression, il était en arrêt maladie et évidemment il n’était pas autorisé à piloter.

Je ne reviendrai pas sur le pourquoi du comment, tous les journaux en parlent, beaucoup et souvent mal. Lubitz avait déjà souffert d’une dépression sévère en 2008 et peut être caché des problèmes persistants. Son histoire personnelle a suscité des appels  pressant ceux aux antécédents médicaux d’être empêchés de voler pour les compagnies aériennes commerciales. Dans un signe de la nervosité ambiante à la lumière de la tragédie, samedi des pilotes commerciaux offraient des garanties personnelles aux passagers. Une femme a tweeté: « le pilote sur mon vol Delta annonce que lui et co-pilote sont ex-militaires et ont tous deux, épouses et enfants et sont très heureux. »

Il convient de signaler que la règlementation européenne est déjà en place, puisque les pilotes peuvent voler pour les compagnies aériennes commerciales un minimum de quatre semaines après que les symptômes de dépression ont été résolus. Les pilotes sont également autorisés à voler s’ils sont exempts de symptômes, et avec les antidépresseurs approuvés.

Ce qui est arrivé la semaine dernière est un cas isolé. Ce pilote n’avait pas l’autorisation de travailler, la responsabilité se trouve ailleurs. Blâmer les dépressifs et la dépression, choisir de mettre de coté ceux qui en souffrent montre encore une fois combien les maladies psychiques sont méconnues.

Une personne qui souffre de dépression c’est une personne normale, elle est comme vous et moi. Elle est moi. J’ai souffert de dépression. Et à aucun moment je n’ai eu d’idées noires, je n’ai eu envie de me tuer ou tuer les autres, je ne me suis jamais mise en danger ni mis en danger les autres, j’ai conservé une vie sociale, amicale, personnelle, professionnelle, et tout le reste. La différence? Elle était dans les moments de solitude, les moments de découragement, les larmes qui venaient trop facilement et un sentiment de lassitude. Combien de personnes comme moi en France et dans le monde?

Trop souvent, média et lambda font le raccourci entre dépressifs et dépression avec violence et meurtres. À croire qu’un dépressif est un danger pour la société dès qu’il met le nez dehors. Voire même en restant chez lui, avec le gaz, les couteaux de cuisine et le reste… La dépression est une maladie horrible, potentiellement mortelle – mais la vie qu’elle menace est presque toujours celle de la personne qui en souffre.

Le fait que Lubitz avait caché sa dépression à ses employeurs suggère que la stigmatisation est encore trop présente. Par exemple, imaginez, que vous ayez souffert un épisode de dépression et vous vouliez expliquer cela à vos employeurs et demander un certain temps pour se remettre. J’imagine que cette admission sera plus difficile à faire aujourd’hui qu’elle ne l’a été avant cette couverture de presse.

L’implication que les personnes dépressives sont irresponsables est incroyablement contre-productif et dommageable. Par principe, je ne citerai pas les personnages célèbres qui furent dépressifs et qui ont mené une vie extraordinaire. Il y a des milliers d’exemples. Tout comme est exemplaire la vie des personnes ordinaires qui font leur bout de chemin malgré le chien noir ou le nuage pluvieux qui les accompagne.

Il en va de la responsabilité de tout le monde de résister ou combattre l’ignorance, de lutter contre la stigmatisation qui conduit au silence dangereux. Vivre sa dépression ne doit pas être, rester ou devenir une histoire secrète. La maladie psychique est encore, à certains égards, mystérieuse. Même la science et la médecine ne savent pas tout du cerveau humain. Alors en attendant, évitons de jouer le jeu de la bêtise et de la stigmatisation. Réfléchir avant de dire.

 

 

13 thoughts on “une histoire secrète

  1. C’est clair ! De toute façon pour moi tout le monde est en dépression, il y a ceux qui le reconnaisse ou qui leur tombe dessus comme un couperet de trop longtemps larvée, et ceux qui ne veulent pas le reconnaitre juste pour l’apparence car c’est juste un truc pour les faibles. Pourtant je pense que c’est au contraire un signe de bonne santé mentale qui permet justement de faire le point sur soi-même et d’apprendre à s’accepter ou balayer trop de choses qui nous polluent le cerveau inutilement pour faire place à une nouvelle place de nous-même.
    Mais dans l’exemple que tu cites il y a un autre problème qui rentre en jeu c’est cette porte condamnée suite à de nouvelles lois appliquées d’après les attentats du 11 septembre.

    • Oui, la porte blindée est quelque chose de fort, on ne sait plus si on doit se protéger de l’intérieur ou de l’extérieur.

    • Laurent says:

      Je suis entièrement de ton avis. La dépression peut aussi aider à être un meilleur travailleur – je ne trouve pas le bon mot – parce que c’est un état qui fait douter et par conséquent on fait encore plus attention, on pose le pour et le contre, on analyse beaucoup plus, on porte de l’attention aux détails.
      C’est un avantage dans une entreprise d’avoir quelqu’un qui vérifie son travail et qui travaille en profondeur. Il y a tellement de fois où un personnel fait du mauvais travail, ne paye pas attention, fais trop de fautes, ou reste en surface. Dans ma ligne de travail, mon meilleur designer et developer avait eu une dépression. Cela ne l’empêchait pas de bien bosser, d’être un bon collègue et surtout de faire les meilleurs projets.

  2. Fred says:

    Même si les gens en parlent peut être plus facilement dans leur entourage, c’est clair qu’ils hésitent toujours à en faire part au travail. La peur d’être déconsidérés, ou qu’automatiquement ce sera plein de jours d’arrêts maladie, etc. La dépression est encore trop méconnue.
    Par expérience, les personnes qui sont dépressives et se traitent (médication, psy, etc) sont souvent très au fait de leur « maladie » et par peur de mal faire sont par conséquent beaucoup pus rigoureuses, plus attentives au détail, plus respectueuse des consignes, etc etc…
    Et si un jour le stress est trop grand, pourquoi ne pas changer les horaires ou améliorer les conditions de travail, une personne travaillera toujours mieux dans la gentillsesse et la compassion que dans la dureté.

  3. Nathalie says:

    Je ne me souvenais pas vraiment de Winnie l’Ourson et j’ai trouvé ceci qui m’a mieux fait comprendre le choix de tes illustrations. L’explication est simpliste mais ce serait bien de relire ce livre sans la version Disney!
    https://jurysalem.files.wordpress.com/2014/08/bour.jpg

    • Voilà c’est ça. J’ai pensé à Bourriquet parce qu’il me fait penser à moi parfois avec la même chance d’avoir des (e) qui sont dans la même attitude. Si j’ai un « jour sans », il y a des encouragements et le reste du temps, tout va bien.

  4. Peyo says:

    Oui, vivre sa dépression comme une histoire secrète n’est pas la solution. Mais si la famille a déjà du mal à comprendre et accepter la dépression d’un membre, que les amis ne savent pas comment se comporter, alors l’employeur est loin d’être le mieux placé. Il faudrait qu’il y ait une vision du travail différente qui ne soit pas basée sur le rendement uniquement. Faut voir comment ce sont comportés les entreprises comme orange après la vague des suicides, rien n’a changé, les ressources humaines ne savaient toujours pas comment gerer les souffrances au travail.

  5. Alain says:

    Je ne suis pas d’accord sur tout. Si une personne souffrant de dépression est à risque, il est normal de ne pas l’embaucher dans des professions qui ont la responsabilité de vies humaines. L’embauche devrait être plus sévère et plus controlée. Je n’ai pas envie d’être dans un avion où le pilote va peut-être se faire hara kiri!

    • Je pense comme Sylvie qu’on est tous plus ou moins à risque, cela ne veut pas dire qu’on va tous tuer des gens! Quelqu’un peut conduire une rame de métro pendant des année et un jour avoir un épisode psychotique ou quelque chose de pire et décider d’écraser son wagon. Et cela peut arriver au quidam dans la rue, dans sa voiture, etc. Les métiers à stress doivent être mieux encadrés par une meilleure compréhension des dirigeants et collègues et non pas par un flicage qui ne sert à rien. Parmi les dépressifs célèbres il y avait Buzz Aldrin, qui était dépressif et alcoolique, cela ne l’a pas empêché d’aller sur une autre planète. Tout comme Churchill.

    • Nathalie says:

      Oui il y a beaucoup de progrès à faire dans la compréhension de la dépression afin que l’employeur tout comme l’employé sachent à quoi s’en tenir sans mettre une culpabilité quelconque sur le « malade »

  6. Amber says:

    Neuroscience has made great leaps and bounds, as of late. It is possible to train your brain to fire more positive neural connections, thereby changing your experience/perception of the world. These discoveries could potentially lead to new, more effective therapies for people with depression. I’ve tried it myself and find it amazingly effective.

    • Murielle says:

      Hi Amber! It started with CBT which is quite good for short term therapy or very specific issue. Meditation is a good thing too for the long term and for wellbeing in general.

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