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Celle que vous croyez

Lu cette semaine en une seule traite, le nouveau roman de Camille Laurens, Celle que vous croyez.

Les femmes de plus de 40 ont un super pouvoir que l’on rêvait d’avoir quand on était plus jeune, celui d’être invisible. Et si par hasard, on les voit encore on les imagine femmes « casées », mères, « vieilles filles », voire « lesbiennes ».

Elle sont trop vieilles pour les jeunes bien entendu, surtout avec l’horrible terme cougar, tout de même très dévalorisant et sexiste.
Elles sont trop vieilles pour ceux de leur âge, qui préfèrent des plus jeunes.
Et elles sont trop vieilles pour les plus vieux, qui préfèrent des plus jeunes.

Mon résumé est certes généraliste et cruel mais il est aussi proche d’une vérité difficile à admettre parce qu’un peu triste. Pourtant il suffit de regarder autour de soi, d’observer , de constater ou de lire Celle que vous croyez.

celle-que-vous-croyez-camille-laurensL’histoire : Vous vous appelez Claire, vous avez quarante-huit ans, vous êtes professeur, divorcée. Pour surveiller Jo, votre amant volage, vous créez un faux profil Facebook : vous devenez une jeune femme brune de vingt-quatre ans, célibataire, et cette photo où vous êtes si belle n’est pas la vôtre, hélas. C’est pourtant de ce double fictif que Christophe – pseudo KissChris – va tomber amoureux.

C’est un roman formidable qui explore la psyché féminine – qui malgré son intelligence et son pragmatisme – s’embarque dans un histoire qui est faussée dès le début puisqu’elle touche au fantasme de l’autre, de celui sans imagination qui peut être séduit par les mots mais doit aussi être séduit par le physique.

« Avant de me demander ma photo, il avait commenté celle de mon profil, où on ne voyait que « mes » cheveux. Il imaginait la fille forcément belle qui se cachait derrière l’objectif, sous ce casque de jais. Mais il préférait en avoir la preuve… »

Et avec cette histoire de comprendre combien le fossé entre amour et désir s’est accentué, combien les mensonges peuvent être dits avec sincérité, combien la fiction peut devenir réelle, parfois…

Parce que rien n’est jamais exprimé ou fait sans raison. Parce qu’une douleur ancienne peut mener le jeu, comme les non-dits, que rien n’est finalement fait sans raison, même si celle-ci semble étrangère.

« Vous avez beau savoir ce qui se passe, ce qui s’est passé, vous n’en êtes pas sauvé pour autant. Quand vous avez compris ce qui vous fait souffrir, vous souffrez toujours. Aucun bénéfice. On ne guérit pas de ce qu’on rate. On ne reprise pas les draps déchirés. »

Comme toujours avec les auteurs et les femmes intelligentes, l’histoire est ironique voire colérique mais certainement pas pathétique ou pleurnicharde, parce que l’histoire de l’amour ou plutôt l’histoire de la séduction est une histoire sans fin, un cercle plus vicieux que vertueux.

« Le nombre de collègues qui épousent une de leurs doctorantes ! C’est devenu la norme. Mais pour une femme, ce n’est pas pareil. La reconnaissance sociale, le respect que suscitent la réussite professionnelle ou le charisme personnel, c’est bien, c’est gratifiant, mais ça n’engendre pas l’amour. Être respectée pour ses cours ou ses livres, c’est comme une parodie du désir qu’on n’inspire plus. L’admiration nous tue aussi, elle ressemble trop au meurtre »

Je cherche une jolie conclusion mais je n’en trouve pas. Parce que passerais mon temps à prendre des passages du roman. C’est un livre qui est finalement destiné aux hommes plus qu’aux femmes, parce que ce qui est dit, les femmes de plus de 40 ans le savent déjà. Pire, elles l’ont presque toutes vécu.

 

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