Caméra dessinée sur fond jaune
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Moonlight

Les années passent et continuent à se ressembler pour les minorités. Les afro-américains sont les premières cibles des violences policières et les gays continuent à subir l’homophobie de plein fouet – dernièrement avec la mort de 49 clubbers dans le shooting du club gay à Orlando. Le progrès des mentalités semble parfois une chimère et les pensées régressives sur les races et la sexualité sont dangereusement envahissantes.

Les histoires de personnes de couleur LGBT ont été largement ignorées dans le cinéma ou au moins reléguées à l’écart alors qu’on nous offre l’histoire blanchie de Stonewall ou Harvey Milk. Le film du réalisateur/auteur Barry Jenkins Moonlight est à la fois fièrement noir et queer. C’est un travail passionnant et profondément nécessaire qui ouvre une conversation à l’écran sur la nature de la masculinité gay.

Basé sur la pièce de théâtre In Moonlight Black Boys Look Blue de Tarell Alvin McCraney, le film suit la vie d’un homme en trois étapes clés dans un quartier ghetto de Miami.

Film Moonlight Le synopsisDans le Miami des années 80 en proie à la drogue, Moonlight se concentre sur trois moments de la vie de Chiron, un jeune homme qui se bat contre une vie familiale rude et sa sexualité naissante.

Dans un premier temps, Chiron (formidable Alex R. Hibbert), âgé de neuf ans, est chassé par ses pairs alors qu’il traverse les rues de Miami. Il attire l’attention du dealer local Jean (Mahershala Ali) qui vient à son aide et avec sa petite amie Teresa (Janelle Monae) ils prennent soin de lui. La maison du couple devient un refuge pour lui, loin de sa mère Paula (Naomie Harris), une infirmière accro au crack, qui alterne entre l’amour dominateur et la négligence cruelle. Chiron est retiré et solitaire, une cible pour les garçons de l’école qui semblent reconnaître quelque chose en lui, qui est encore un secret pour lui-même. Dans une scène déchirante, il demande à Jean et à Teresa ce qu’est une « pédale » et comment savoir s’il l’est.

Dans le deuxième chapitre, il est un adolescent qui a appris à survivre en cachant sa sexualité. Mais sa vraie identité le hante encore, avec une personnalité troublée qui semble être le résultat logique d’un enfant qui a été abusé à maintes reprises. Et de souffrir pour lui, avec lui.

 

Malgré le sujet difficile, Jenkins évite de nous noyer dans le désespoir. Il met l’accent sur la beauté qui entoure Chiron avec des moments si parfaitement alignés qu’il y a quelque chose du cinéma de Terence Malick, sur son mariage entre la musique magnifique et des images oniriques. C’est une vision tout à fait unique avec un  script qui évite les clichés et refuse de peindre ses personnages comme des stéréotypes.

C’est ainsi que le père de substitution de Chiron trompe nos pires attentes hollywoodiennes. Plutôt que d’entraîner Chiron dans le deal de drogue, il lui donne des leçons de natation et lui dit de ne pas avoir honte de ce qu’il est ou choisi d’être. Moments nécessaires de légèreté dans une histoire sombre où les silences sont légion. Le silence de la mer, de l’enfant dans sa baignoire,  le silence dans la voiture, le silence de la solitude…

Jenkins ne prend pas de gants pour montrer la solitude écrasante et la violence horrible d’être un homme gay dans une culture où l’homosexualité est considérée comme une faiblesse et une tare. Nous voyons les cicatrices visibles et invisibles qui se développent à partir du manque d’acceptation. nous rencontrons

Puis nous rencontrons enfin l’adulte Chiron, joué avec une nuance incroyable par l’ex-athlète Trevante Rhodes. Il est piégé par son propre désir, la régulation de son comportement pour enlever tout ce qui pourrait être considéré comme «homo». Le troisième acte le voit retrouver son ami d’école Kevin (André Holland), le seul avec qui il a eu une relation à l’adolescence (joué alors par Jharrel Jerome).

Dans ces dernières scènes, il y a une alchimie palpitante et stimulante, car nous voyons que la dureté de Chiron s’estompe face à un amour dont il a si cruellement besoin. C’est une intimité magnifique, pleine de douceur où chaque regard est un rappel poignant et douloureux de ce que Chiron endure.

L’acteur James Stewart décrivait le cinéma comme « des morceaux de temps ». Dans Moonlight, les plus gros morceaux sont hors-écran, dans les sauts dans le récit, mais les plus petits sont les plus profonds. Souvent – comme la scène de la plage – ils peuvent être distillés dans des images singulières qui évoquent un souvenir, un endroit de manière frappante. C’est un rappel que les histoires appartiennent à des endroits, et que les lieux ont des histoires.

La photographie de James Laxton (Tusk, Yoga Hosers) est magnifique.  Les mouvements aléatoires transmettent la vitalité, tout est vivant et différent, avec des boucles, comme une danse chorégraphiée.

Moonlight est un film profondément émouvant sur la vie d’un homme gay qui reste caché. C’est son voyage difficile et dommageable, réalisé avec beaucoup de soin et de délicatesse et qui résonne encore. Peut-être encore plus, parce que Chiron, homme de peu de mots, se fabrique néanmoins un personnage.

Dire de ce film que c’est un poème visuel ou méditatif serait aller dans les clichés.  Dire que c’est déjà mon deuxième coup de cœur de cette année 2017 est une évidence. Parce que Moonlight est un plus que cela. C’est un film modeste (au sens humble du terme) que l’on a le bonheur de découvrir et que l’on n’oublie pas.

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