Un écœurement et un livre de Henry David Thoreau
J’ai hésité aujourd’hui entre un mot du vendredi qui aurait été sans doute « incompréhension » ou « écœurement » et un article à proprement parler. J’ai choisi la version longue.
Donc… on continue à harceler les passeurs comme l’agriculteur Cédric Herrou, à nouveau placé en garde à vue. Le procureur de Nice, Jean-Michel Prêtre, avait soutenu, lors d’un précédent procès fin novembre, que ce genre d’action «consiste à nier qu’une frontière existe et qu’un pays vote des lois ».
Il fut un temps, pas si lointain, où des gens de tous les âges, de toutes origines sociales, professionnelles, religieuses, culturelles, ont participé au risque de leur vie et de celle de leurs familles à un élan de générosité envers des réfugiés, des évadés, des étrangers mais aussi des voisins, d’une autre religion souvent, qu’ils ne connaissaient pas et dont ils ignoraient la vie ou les motivations. Ces gens étaient des passeurs.
Au début, ce furent souvent des gens seuls. Puis ils se sont organisés en filières qui couvraient la France, du nord au sud. Ils vivaient à Abreschviller, Tarascon ou Sare, en Ariège, dans les Alpes et les Pyrénées.
Nombreux étaient ceux qui n’avaient pas de relation intime avec les groupes constitués, comme une cellule politique ou professionnelle. Ils avaient à se déterminer seuls, en conscience, par rapport à leur patrie et leurs valeurs. Parce que les lois d’un pays allaient à l’encontre de l’humanité la plus simple. Parce que par exemple, la loi du 3 octobre 1940 allaient contre tout principe de liberté et de fraternité.
Il existe des lois injustes : consentirons-nous à leur obéir ? Tenterons-nous de les amender en leur obéissant jusqu’à ce que nous soyons arrivés à nos fins — ou les transgresserons-nous tout de suite ? En général, les hommes, sous un gouvernement comme le nôtre, croient de leur devoir d’attendre que la majorité se soit rendue à leurs raisons. Ils croient que s’ils résistaient, le remède serait pire que le mal ; mais si le remède se révèle pire que le mal, c’est bien la faute du gouvernement. C’est lui le responsable. Pourquoi n’est-il pas plus disposé à prévoir et à accomplir des réformes ? Pourquoi n’a-t-il pas d’égards pour sa minorité éclairée ? Pourquoi pousse-t-il les hauts cris et se défend-il avant qu’on le touche ?
Plus tard, ceux qui avaient aidé des juifs sont devenus Les Justes, nommés ainsi parce que leurs actions constituaient des exemples exceptionnels de courage, de générosité et d’humanité.
C’est donc toujours bizarre et désagréable, voire même écœurant, qu’un pays, son pays, qui a vécu cette histoire, une Histoire enseignée à l’école, ne tire aucune leçon du passé. Or l’histoire des passeurs, et de la résistance plus généralement, revêt une signification éducative et morale. Éducative, car même dans des situations d’intense pression physique et psychologique, la résistance est possible et que l’on peut s’opposer au « mal » dans un cadre collectif ou à titre individuel. Morale, car la reconnaissance envers ceux dont la conduite est exemplaire, est un devoir.
Ne pouvant m’atteindre, ils avaient résolu de punir mon corps, tout comme des garnements qui, faute de pouvoir approcher une personne à qui ils en veulent, s’en prennent à son chien. Je vis que l’État était un nigaud, aussi apeuré qu’une femme seule avec ses couverts d’argent, qu’il ne distinguait pas ses amis d’avec ses ennemis, et perdant tout le respect qu’il m’inspirait encore, j’eus pitié de lui.
Et un livre : La désobeissance civile par Henry David Thoreau (dont sont tirées les citations).
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