Les actualités, Virginie Despente et un livre
J’ai une télé que je regarde peu, enfin, que je regardais peu. Je l’ai rebranchée et j’ai trouvé comment éviter les chaînes dont la seule philosophie est le catastrophisme. Je lis quelques infos en ligne, je ne veux pas les entendre et les voir. Les chaînes d’informations en boucle me débectent. Une longue litanie que les présentateurs/journalistes/consultants apprécient. Les vrais sujets sont évités, le buzz ou la phrase qui choque prend plus de poids que l’éducation. Et nous pauvres hères, nous écoutons, nous subissons et nous relayons.
Je suis donc allée sur Google Actualités pour avoir une idée des faits traités et de ce qui intéressait le plus à un moment donné les « gens ». L’agrégation des articles est hélas un bon indicateur des nouvelles traitées puis recherchées par les internautes.
À la une en France : le coronavirus, la condamnation à 3 ans ferme avec inéligibilité immédiate d’Isabelle et Patrick Balkany, le recours au 49.3 pour la réforme des retraites, les tempêtes, et la tribune de Virginie Despentes. Normal, on ne parle pas des trains qui arrivent à l’heure.
Alors tant qu’à parler de choses qui fâchent, attristent et révoltent, bien entendu je vais choisir les paroles de Virginie Despentes publiées par Libé. La cérémonie des Césars fut une honte. Le geste d’Adèle Haenel une explosion de belle sincérité. Et regardez Le portrait d’une jeune fille en feu. C’est magnifique, émouvant, fort.
Je vais commencer comme ça : soyez rassurés, les puissants, les boss, les chefs, les gros bonnets : ça fait mal. On a beau le savoir, on a beau vous connaître, on a beau l’avoir pris des dizaines de fois votre gros pouvoir en travers de la gueule, ça fait toujours aussi mal. Tout ce week-end à vous écouter geindre et chialer, vous plaindre de ce qu’on vous oblige à passer vos lois à coups de 49.3 et qu’on ne vous laisse pas célébrer Polanski tranquilles et que ça vous gâche la fête mais derrière vos jérémiades, ne vous en faites pas : on vous entend jouir de ce que vous êtes les vrais patrons, les gros caïds, et le message passe cinq sur cinq : cette notion de consentement, vous ne comptez pas la laisser passer. Où serait le fun d’appartenir au clan des puissants s’il fallait tenir compte du consentement des dominés ? Et je ne suis certainement pas la seule à avoir envie de chialer de rage et d’impuissance depuis votre belle démonstration de force, certainement pas la seule à me sentir salie par le spectacle de votre orgie d’impunité. […]
Oui on est les connasses, on est les humiliées, oui on n’a qu’à fermer nos gueules et manger vos coups, vous êtes les boss, vous avez le pouvoir et l’arrogance qui va avec mais on ne restera pas assis sans rien dire. Vous n’aurez pas notre respect. On se casse. Faites vos conneries entre vous. Célébrez-vous, humiliez-vous les uns les autres tuez, violez, exploitez, défoncez tout ce qui vous passe sous la main. On se lève et on se casse.
Entre ces deux extraits, le reste est tout aussi fort. Et pour aller plus loi, et voir combien elle dérange, un article du Nouvel Obs qui explique le backlash qui ne pouvait que s’ensuivre.
Et de voir encore et encore combien il est impossible pour une femme de se faire entendre et d’être écoutée par une majorité d’hommes et quelques femmes.
Puis pour les moins obtu.e.s de lire Rebecca Solnit et son essai Ces hommes qui m’expliquent la vie
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2 commentaires
amaya
Son texte me fait penser à un miroir. Et être face au miroir ça dérange, c’est bien normal quand il reflète des horreurs mais c’est un excellent début. Elle a du courage pour écrire et il en faut tout autant pour se regarder.
murielle
Oui elle tend un miroir et comme ce que le miroir montre n’est pas beau, cela suscite des réactions violentes.
Presque la même chose que ma réaction le matin dans la salle de bains…