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Partir quand même

« Toute belle vie est autonome. Tout bonheur, également. Qui a envie d’ouvrir ce tiroir qu’on appelle la vie pour le montrer aux autres ? »

Ces mots sont prononcés par Lilia dans le roman Partir quand même de Yiyun LI.

« Partir » signifie « mourir », ou vraiment « quitter »: c’est un livre sur la mort et vivre avec la mort. Ce que Lilia semble avoir fait pendant la majeure partie de sa vie.

Couverture roman Belfond. Partir quand même

L’histoire :

À quatre-vingt-un ans, Lilia a enterré trois maris, élevé cinq enfants et vu naître dix-sept petits-enfants. L’heure est venue de vivre un peu pour elle. Et de se plonger dans un livre qui l’intrigue : le journal d’un certain Roland Bouley, un auteur resté obscur mais qui occupe une place particulière dans son existence.

Et pour cause, Lilia l’a connu en 1945, quand Roland était vaguement en poste aux Nations unies. Quand ce séducteur invétéré papillonnait de l’une à l’autre en promettant le mariage à toutes. Quand Lilia vivait dans une ferme avec son père veuf et ses nombreux frères et sœurs. Elle avait seize ans, elle était vive et délurée. Elle voulait échapper à sa vie, et Roland est arrivé.

Aujourd’hui, Lilia est curieuse de découvrir le journal de celui qu’elle n’a jamais oublié. De découvrir aussi ce que ce journal dit de sa vie à elle, de la vie qu’ils auraient pu avoir et de la vie qu’elle a menée, malgré tout…

Et puis Roland Bouley était le père de sa fille Lucy, bien qu’il ne l’ait jamais connue. Lucy s’est suicidée alors que sa propre fille, Katherine, n’avait que deux mois, et c’est pour Katherine et son enfant Iola que Lilia a obtenu le journal de Roland.

Elle va annoter la vie de Roland avec ses propres commentaires, afin que Katherine et Iola puissent en savoir plus sur leur grand-père et arrière-grand-père.  Mais aussi pour qu’elle découvrent ce que pense Lilia. Cette vanité, plus facile à comprendre dans la lecture qu’à expliquer, est intrigante. Peut-être parce que Lilia apparaît peu et uniquement sous l’initiale L.

« Pas de livres écrits, pas de progéniture – en tout cas légitime. Et s’il y a eu des bâtards avec mon sang dans les veines, je n’ai pas été tenu au courant, écrivait-il dans son journal. Le 5 juin 1962. Aucune chaleur féminine assez forte pour faire fondre mon cœur, si tant est, bien sûr, que j’aie un cœur en moi. »

La structure de l’histoire, qui est essentiellement la vie de Roland de 1929 à 1969, avec les commentaires de Lilia, donne une narration particulière, sinueuse. Et parfois le livre semble plus long qu’il n’est. Mais ce n’est pas négatif.

C’est comme tomber sur des papiers, des journaux intimes, des carnets et des photos annotées d’un proche. On lit, on saute des lignes ou des pages, on cherche une linéarité, une chronologie. On découvre ou on se souvient. On tente aussi de comprendre.

Et puis c’est surtout un livre sur le chagrin, un chagrin profond. Et le sentiment que la mort par suicide reste un mystère à jamais impossible à résoudre. 

«  À l’enterrement de Lucy, une femme m’a dit, Dieu merci, vous avez encore les autres enfants. Je ne dis pas merci à Dieu, ai-je répondu »

Un commentaire

  • Nathalie

    Tu m’as donné envie de le lire mais j’ai lu en ligne qu’elle avait en plus vécu le suicide de son fils ado pendant l’écriture de ce roman. La tragédie d’écrire sur un sujet que tu vas vivre.

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