Caméra dessinée sur fond jaune
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Yannick : du réel qui pique

Donc j’ai vu Yannick. Le dernier film de Quentin Dupieux. 1h07 d’un film amusant, piquant et différent.

Visage de Yannick crayonné avec fausses moustache et lunettesLe synopis : Les acteurs Paul (Pio Marmaï), Sophie (Blanche Gardin) et William (Sébastien Chassagne) sont en pleine représentation de la pièce « Le Cocu », un très mauvais boulevard, quand Yannick se lève et interrompt le spectacle pour leur dire que la pièce est très mauvaise. Il n’a pas tort.

Et il est aussi très énervé parce que c’est la seule nuit libre qu’il a depuis longtemps et il l’a gâchée avec cette sortie. Dans le vrai monde, Yannick aurait été amené doucement vers la sortie et la pièce aurait continué. Mais c’est un film de Dupieux avec une intrigue « dupieuxienne ». Et donc l’histoire dégénère progressivement… jusqu’à ce que le jeune homme dégaine une arme à feu et vienne sur scène, annonçant aux acteurs qu’il prend le relais.

Le voilà à emprunter le pc portable d’un des spectateurs et à écrire une nouvelle scène. J’arrête là l’histoire. Le reste est à voir par vous-même.

Il existe un contrat tacite entre les acteurs et le public au théâtre. Vous achetez votre billet et vous restez assis en silence pendant que les acteurs font leur travail sur scène. Le rire est encouragé, les applaudissements sont les bienvenus et la toux contenue est autorisée. Mais ouvrir le papier des pastilles contre la toux ne l’est pas. Et parler (même chuchoter) est strictement verboten. Si vous ne supportez pas la pièce – et personnellement je l’ai vécu – eh bien, vous attendez gentiment l’entracte pour partir.

Yannick est drôle et parfois un peu gênant. En remettant en question ce tabou culturel du silence et de la révérence, il donne une chance de rire et s’interroger sur ce que le public attend de l’art : le détournement ? Un divertissement ? Une provocation ? Quelle place occupe l’art dans notre vie ? Yannick nous amène à répondre à ces questions, tout en répondant à la propre idée de Dupieux sur ce que devrait être un film ou une pièce de théâtre.

C’est facile d’être intimidé ou dérouté par l’art. Surtout lorsque les critiques et les « prescripteurs de culture » vous disent que quelque chose est génial, alors que vous savez au fond de vous que ce n’est pas pour vous. Un peu comme ces gens qui au musée se tiennent devant un tableau de Picasso ou Pollock et déclarent « mon enfant pourrait peindre ça ».

Le public a-t-il le droit de se rebeller contre l’art qu’il n’aime pas ? Le film ne le tolère pas, mais il nous donne une idée de la réaction des institutions culturelles sacrées si elles le faisaient. Au fil du détournement du spectacle, Yannick séduit les autres spectateurs, bouleversant la dynamique de pouvoir dans la salle. Mais lorsqu’il met en scène ses propres mots, il s’expose également à la critique. Voir Yannick accroupi près de la scène – soudain vulnérable alors qu’il s’imprègne de la réaction du public face à son œuvre – est touchant.

Ce film est un plaisir. Il n’y a pas d’artifices, et le rythme des dialogues a lui aussi un aspect réaliste. Les acteurs sont formidables. Raphaël Quenard est tellement à l’aise, tellement nature avec son accent grenoblois, que le public du théâtre et nous dans le cinéma finissent par se confondre. On craint la menace que représente Yannick avec son arme et son caractère imprévisible et on s’attache à son personnage.

Pio Marmaï est aussi remarquable et plein d’énergie avec un mélange d’orgueil et de lucidité qui va au craquage.

C’est un huis-clos singulier et drôle. À voir !

 

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