Réflexion sérieuse sur l’amour maternel…

Written by murielle

L’attaque du marathon de Boston a fait trois morts. Plus un quatrième: Tamerlan Tsarnaev. Il  y a aussi un jeune homme qui sera peut être mort une fois que le processus judiciaire sera déployé : Dzhokhar Tsarnaev. On pleure rarement les perpétrateurs parce que leurs actions effacent notre sympathie. C’est normal.

Mais la mort d’un criminel affecte aussi d’autres personnes, sa famille et ses amis. L’attention des médias s’est tournée depuis plusieurs jours vers Zubeidat Tsarnaeva, la mère des deux jeunes hommes, et le spectacle de son chagrin est devenu populaire sur le web. « Ce qui s’est passé est une chose terrible, mais je sais que mes enfants n’ont rien à voir avec cela», dit-elle . «Je sais : je suis [leur] mère».

Frères Tsarnaev

 

Tsarnaeva semble avoir aimé son fils, mais il semble peu probable qu’elle le connaissait. L’amalgame entre l’amour et la connaissance est parmi les erreurs les plus fréquentes de l’amour parental, voire même de toutes les relations. Parce que nous nous consacrons inconditionnellement à nos enfants, nous supposons maladroitement que nous pouvons voir ce qui se passe à l’intérieur de leurs esprits.

L’amour des parents est aussi aveugle que l’amour romantique, et obscurcit souvent les failles les plus graves et les deux questions qui sont étroitement imbriquées. La question de la connaissance et la question de la culpabilité. Qu’un parent sache ou pas ce que son enfant a fait, est finalement peu important parce que la plupart du « public » pense que le parent est certainement responsable – coupable – de ce que son enfant est deve

Pendant longtemps beaucoup ont cru que l’homosexualité était causée par des pères absents et des mères castratrices, que l’autisme était causé par les mères – ah la culpabilité maternelle chère à Bettelheim et Mannoni – et que la schizophrénie était née du désir inconscient des parents que leur enfant n’existe pas. Il  y a quelques siècles, on a cru que le nanisme et la difformité révélaient les désirs lascifs inexprimés des mères. Dans la plupart des cas, accuser les parents ne se fait (presque) plus aujourd’hui.

Mais en cherchant à comprendre les jeunes qui commettent des crimes, nous continuons implicitement à blâmer leurs parents. Aucun de nous ne veut envisager la probabilité que les enfants que nous aimons ont une vie secrète, une vie que nous n’avons pas construite et ne pouvons pas connaître. Tous les enfants et les adolescents criminels ont des parents. Tous ceux qui ont commis un crime n’ont pas été des enfants battus, négligés ou mal aimés.

Face à un crime horrible la première et parfois la seule réaction est de se demander comment les parents n’ont pas su, comment rien n’a été fait… Ci et là, après une horreur commise par un jeune, les articles fleurissent, les psys, les spécialistes, les criminologues et les autres, tous vont de leurs avis. Et tous parlent des parents. « Si les parents avaient été plus présents … plus aimants … plus à l’écoute … plus responsables …. plus … plus…. »

Plusieurs années après la fusillade de Colombine en 1999, Sue Klebold – dont le fils Dylan était l’un des tireurs – avait écrit un texte très émouvant.  Elle expliquait comment les autres parents croyaient qu’ils avaient subi une perte, mais pas elle parce que leurs enfants étaient de valeur, et le sien ne l’était pas. Son enfant était mort, lui aussi. Mort après avoir pris une terrible décision et fait une chose terrible, mais il était toujours son enfant, et il était mort lui aussi. Elle était une mère.

La mère de Dylan, enfant aimé, entouré, respecté et malgré tout dépressif, hanté par un fort sentiment d’échec. Mais pour les autres, elle était la mère qui avait élevé un monstre, qui n’avait pas su lui inculquer ce qui était bien ou mal… Ce jugement de valeur collectif et ignorant, cette condamnation sans appel ont pesé sur sa vie depuis ce jour fatal.

Tout comme les autres parents de criminels, Tsarnaeva a perdu non seulement ses enfants mais également toutes ses croyances de mère. Elle va maintenant devoir défendre non seulement ses fils, mais aussi sa propre maternité.

22 thoughts on “Réflexion sérieuse sur l’amour maternel…

  1. Pierre says:

    L’exemple de Tsaranaeva ne convient pas avec celui de Klebold. L’une semble être beaucoup plus difficile à défendre que l’autre. Je n’ai pas encore lu l’article de Klebolden entier mais je veux bien croire qu’elle n’a rien à se reprocher, par contre la mère des terroristes était sur une liste de la CIA. Pas vraiment la mère innocente que tu veux dépeindre.

  2. Laurent says:

    Cest un article plein d’empathie pour ces mères là, celles qu’on pointe du doigt mais qu’on ne plaint pas. Je vais ajouter une touche d’humour noir lu dans un article. Je t’autorise à ne pas laisser mon commentaire. A chaque meurtre ou massacre horrible on parle toujours de tous ces anges partis trop tôt et un mec avait dit que parmi ces anges il devait y avoir aussi des salopards.
    @ Pierre: je ne sais pas si Tsaranaeva est un bon exemple mais ce n’est pas si important. C’est un texte sur le fait qu’on ne connait absolument pas les gens qu’on aime, surtout pas ses enfants. J’ai été un ado et je sais que ni mon père ni ma mère avait une idée de qui j’étais et ce que je pensais. Elever des enfants c’est entrer en territoire inconnu. Un parent peut les avoir éduqué avec des principes et les avoir aimé parfaitement, il n’est pas maître de leurs actes et de leurs pensées. Il y a des enfants qui tournent mal et d’autres bien.
    Le texte de la mère de Dylan est émouvant oui.

  3. Audrey says:

    Tu as raison en ne voulant pas pointer du doigt les parents de criminels. C’est vrai que de suite tout le monde veut trouver une raison pour des actes horribles et on regarde en premier chez les parents pour voir comment ça se passe. Avec un peu de chance les parents seront les responsables parfaits! Mais il y a aussi des parents coupables de négligence et de maltraitance qui vont créer un monstre. Ou alors des parents monstrueux qui vont engendrer un monstre junior.

  4. Notre société qui péche par bonté, tend simultanément à culpabiliser et à déculpabiliser, mais en se trompant presque toujours dans son choix. Et pourtant c’est simple: chacun est responsable de ses actes. Parents et enfants, professeurs et élèves, répresentants politiques et citoyens…

  5. Nathalie says:

    Jeveins de terminer l’article de la mère d’Adam Klebold. C’est très émouvant en effet Elle est une mère lambda, classe moyenne, cultivée, aimante, à l’écoute de ses enfants qui malgré tout est passée au drame sans le voir. Elle mérite tout autant notre sympathie que les mères des victimes. Quant à ton avis sur la non connaissance de ceux qu’on aime, je suis 100% d’accord avec toi. Aimer c’est un acte de foi mais jamais un acte fait en toute conscience. Aimer un enfant c’est lui donner une fondation, ensuite c’est à lui d’en faire ce qu’il veut. Mais je pense aussi qu’il y a une part de psychologie ou de psychiatrie dans les actes criminels. Un ado dépressif c’est un ado qui souffre de troubles mentaux qui peuvent dégénérer si ce n’est pas suivi ou traité. C’est compliqué.

    • Oh que oui c’est compliqué. Comme en a parlé Laurent et Nuage, je pense que les maladies mentales (et la dépression en fait partie) ont aussi une responsabilité parfois et que le débat devrait être déplacé. Au lieu de tenir des discours/débats sans fin, à chaque fois qu’il y a une fusillade, sur l’usage des armes aux USA (faut pas se leurrer, y’aura jamais une interdiction), il faudrait se concentrer sur la détection et le suivi des personnes qui souffrent de troubles mentaux. Aider aussi les parents qui se trouvent démunis ou bien seuls quand un gamin commence à « tourner mal ». Il suffit de lire I am Adam Lanza’s mother pour comprendre. Traduction sur le Huffington Post

  6. Pour ce qui est de la mère de Tamerlan Tsarnaev et de Dzhokhar Tsarnae, je n’ai pas vraiment d’idée entre le vrai et le faux .. par contre il est vrai qu’on ne peut pas tout mettre sur les parents .. quoique les enfants apprennent pas l’exemple .. sauf qu’adulte il est clair que nous avons des choix .. ou on brise l’héritage de la famille s’il y a lieu ou on continu .. Il y a aussi des maladies mentale qu,il faut tenir compte sans pour autant les disculpés s’ils font des crimes

  7. Je suis en Nouvelle Angleterre depuis quelques jours, et le FBI commence à penser que la mère aurait joué un rôle dans la radicalisation de l’aîné. Par ailleurs la femme de l’aîné (une américaine) s’est convertie à l’islam, tendance niqab. Et il semble que on ait retrouvé son empreinte sur une des cocottes minutes. Cette empreinte, même si elle ne prouve rien, va lui valoir des séances d’interrogations du genre, à 3h du matin : « Bon, on recommence depuis le début ».

    • Laurent says:

      Oui les femmes de la famille sont peut être impliquées mais avant même que l’enquête ait été révélée, je parie que tout le monde avait déjà son avis sur les parents et le pourquoi de leur action. Murielle m’a fait réfléchir sur la rapidité à laquelle on porte un jugement sur les parents. Surtout qu’on ne connaît absolument pas nos enfants. On a une image d’eux mais même la plus objective ne sera jamais prochede la réalité. La même chose pour son conjoint.
      Nuage et Nathalie parlents aussi des maladies mentales qui sont à prendre en compte. Plutôt que tout focaliser sur la répression il faudrait penser à la prévention.

      • Je n’ai jamais dis que les femmes étaient formellement impliquées, si vous lisez bien. Il n’y aucune preuve pour l’instant. J’ai donné ce qui est dit ou pensé ici, par le FBI (ou autres organismes). Et j’ai ajouté que ce sont des organismes qui ne lâchent pas facilement une enquête, et que ces dames ont du soucis à se faire. Tout ceci peut être vérifié sur les médias américains. Le genre épanchement moralisant si répandu sur internet, ce n’est pas mon truc.

      • Je ne me voulais pas moralisatrice. Simplement un mini coup de gueule/réflexion après une discussion sur la responsabilité des familles et sur la méconnaissance que l’on peut avoir sur les gens les plus proches de nous. Voilà :-)
        Sinon, La Nouvelle Angleterre eh? John Irving, Thoreau et Twain … Quelle chance…

      • La reflexion avait commencé avec le meurtre horrible du petit James Bulger en Angleterre. Les deux gamins criminels. Les familles, etc.
        Un film aussi à voir: Boy A (avec Andrew Garfield).

        • J’ai vu Boy A. C’était assez terrifiant du fait (comme pour les deux gamins assassins de J. Bulger), qu’il y a une telle différence dans une personnalité entre 10 et 20 ans, on est presque obligé de « sympathiser » avec le personnage principal..qui finit par prendre la décision assez « logique » de se suicider. Le réalisateur a été vraiment sadique avec le spectateur. Du très beau cinéma.

  8. Fred says:

    Enfant, parent, conjoint, ami: on ne connaît jamais personne. On met ses idées, ses fantasmes et ses désirs d’une personne idéale ou d’un enfant idéal, on projette et au final on est toujours dans l’inconnu. Avec un enfant, on parle de déni mais c’est quand même horrible d’accepter l’idée que son fils est un criminel et tout autant terrible d’être considéré responsable et coupable.

    • On ne connaît que deux choses chez les gens qu’on aime: ce qu’on veut voir et ce qu’ils veulent bien montrer.

  9. Didier says:

    Bonjour. Je crois que c’est maladroit de mélanger tous les genres de parents. Si la mère des deux terroristes est coupable alors ton analyse ne marche plus.

    • Audrey says:

      Je ne vois pas ça comme ça. Je retiens seulement que coupable ou innocent, un parent sera de toute façon jugé, par la justice s’il y a culpabilité et par ses pairs qu’il soit innocent ou coupable. C’est aussi la faute à tous ces psychanalistes qui ont chacun une version de ce qu’est la parenté, entre être omniprésent et indispensable et être libéral. Il n’y a pas de solution miracle pour être un parent parfait et créer un enfant parfait.

  10. bonjour

    Q’une mère connaissance bien , peu , ou , pas son enfant … ce sont diverses situations possibles , de tous envers tous . Nous pouvons aimer mais c’est vrai nous ne connaissons qu’une partie de l’autre et encore , nous connaissons-nous nous même ?
    Par contre connaitre n’empêche nullement l’amour . Bien au contraire même . Si cette connaissance et de nous-même et de l’autre est , profonde , vaste …c’est parfois le cas des mères mais aussi d’autres êtres

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