Loqui cum grano salis
Quelque temps après la disparition de l’avion de la Malaysia Airline, un survivaliste expliquait sur une chaîne de télé américaine qu’il ne fallait pas perdre espoir. Facile à dire pour un homme qui affronte les forces les plus brutales de la nature, avec seulement son couteau, son esprit aventurier et une équipe de production de la chaîne Discovery Channel. « Il y a toujours de l’espoir. Il ne faut jamais renoncer. »
Il avait raison, bien sûr. Théoriquement l’avion aurait pu atterrir en secret sur une île mystérieuse. Je suppose que si j’avais eu quelqu’un de ma famille dans cet avion, j’aurais voulu m’accrocher à cette idée. Mais la faconde de l’aventurier a souligné combien la phrase « ne jamais abandonner l’espoir » est devenue une platitude. Maintenant, garder l’espoir se résume à jouer au loto, s’épiler le maillot ou garder un préservatif dans son portefeuille.
Il suffit de réfléchir un tant soit peu pour comprendre que l’espoir rend les gens plus malheureux. Par exemple, ne pas travailler. Quand on est au chômage, il y a toujours l’espoir de trouver un travail et on est constamment sous pression; il faut tout faire – voire même prier – pour retrouver un emploi et rentrer dans la catégorie sociale appropriée. Ironiquement, c’est ce qui rend misérable et c’est seulement quand on n’y croit plus que l’on se sent mieux. C’est pourquoi la retraite signifie la fin de l’espoir de trouver un travail, mais aussi un soulagement de ne plus avoir à chercher.
Ce n’est pas tiré par les cheveux. Il suffit de gratter un peu la surface pour comprendre qu’abandonner tout espoir nous rend libre. L’espoir est étroitement lié à la volonté, la foi, et la possibilité. Il tend à se centrer sur la conviction qu’un changement positif se produira. Il s’adresse directement à la caractéristique primordiale de l’expérience humaine: l’incertitude de l’avenir. C’est pourquoi le pragmatisme est beaucoup plus nécessaire et important que le reste.
Après tout, l’espérance faisait partie de la boite de Pandore… Ok, vous allez me dire que c’est le seul mal qui est resté dans la boîte quand Pandore l’a ouverte. Mais cela prouve bien que c’est une notion culturelle afin de faire croire aux hommes que sans l’espoir leur vie serait intolérable. On leur dit de s’accrocher lorsqu’ils sont confrontés à des obstacles apparemment impossibles à franchir. Mais le temps passé à espérer est du temps perdu puisqu’il induit le fait de placer sa foi en quelqu’un ou quelque chose d’autre pour rendre les choses meilleures au lieu de faire ce qu’il est possible soi-même.
Vladimir et Estragon ont attendu, en vain, l’arrivée de Godot. Ils sont restés prés de l’arbre, avec un désir de réponses, de sens, de mouvement, qui reste insatisfait. À croire même que leur existence est absurde et sans signification, et qu’espérer le contraire est stupide. L’espoir est futile voyez vous. Rosencrantz et Guildenstern le comprennent un peu tard ; personnages sympathiques et absurdes dans leurs espoirs et tentatives d’échapper à leur destin alors que leur fin a déjà été écrite (littéralement).
Une chose merveilleuse reste quand on abandonne l’espoir. Ça s’appelle la réalité. Un autre mot pour « tout ». C’est aussi ça le pragmatisme et c’est la seule chose que j’ai à offrir.
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20 commentaires
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Amaya
J’aime beaucoup le petit dessin et le pragmatisme !
Pour nuancer sur l’espoir … je dirais :
Il existe des malentendus. L’espoir est bien plus souvent qu’on ne croit un rêve . Ce qui est appelé espoir , sont en fait des rêves déguisés. ( Comme dans l’exemple du survivaliste) . Mais espérer ce qui est réalisable , c’est autre chose. D’ailleurs comment pourrait-on espérer ce qui n’est pas réalisable ?
Et parce que j’affectionne également cette merveilleuse chose qu’est la réalité , je me rappelle souvent les paroles d’une amie très chère :
« S’il n’est plus permis de rêver , il est encore permis d’espérer »
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Benoit
Merci pour la référence de Rosencrantz. Je ne connaissais pas la pièce ni le film et j’ai très envie de le voi. Gary Oldman semble très jeune là dedans.
Espérer est un acte absurde!
murielle
il FAUT voir ce film. C’est très « bavard » mais c’est très drôle et avec des références qui rendent intelligent
Audrey
Quand je lis « abandonner l’espoir », je trouve que ça fait peur. J’ai l’impression que ça signifie la fin. Puis à la lecture de ton article, finalement, c’est enlever une source de stress. Je viens de comprendre qu’il n’y a plus rien à espérer des gens et des choses et que finalement on en souffre moins si on n’espère rien d’eux.
Nathalie
Je suis comme Hugo Spanky. Je ne comprends pas la moitié des commentaires qui sont trop sérieux à mon avis. Je retiens surtout que garder l’espoir c’est s’épiler le maillot, jouer au loto et garder un préservatif dans son portefeuille. C’est une bonne définition de l’espoir. Espérer du sexe et de l’argent :-)
murielle
c’est ce que la plupart de mes contemporains espèrent non? À part MissFrance et MissMonde qui souhaitent la paix dans le monde.
Manu
Bonsoir. C’est la première fois que je poste un commentaire même si je suis un fidèle lecteur. D’abord, je voulais dire que j’aime beaucoup ton blog, un bon mélange de sérieux et d’humour.
Ce n’est pas que l’espoir est mauvais, mais il devient mauvais quand il est appliqué sans discernement. Je pense que l’espoir vérifie notre instinct à nous résigner à notre sort et il suscite notre instinct à atteindre un meilleur état. Pourtant, l’espoir déconnecté du discernement devient négatif parce que l’espoir qui continue au mépris de la réalité est un souhait, rien de plus. Et un souhait n’a aucune valeur.
Espérer quelque chose pour nous, nous laisse toujours insatisfait parce que la réalisation d’un but est toujours éphémère.
Je suis presque d’accord avec toi mais je pense qu’une vie sans espoir est aussi destructrice qu’une vie remplie d’ un espoir fou pour l’inaccessible, parce que les deux nient la réalité de la vie.
murielle
Bonsoir Manu. Bienvenue. Je ne suis pas sure d’avoir tout compris, j’avoue. Euh, une vie sans espoir c’est pas destructrice, elle permet simplement de mieux apprécier ce qui peut arriver de bien dans notre vie au lieu d’attendre toujours plus et mieux.
Peyo
Et pourtant, les institutions veulent que nous renoncions à l’espoir. Comme la botte d’Orwell qui ne cesse de marteler le visage de l’homme. Spirituellement et personnellement, nous devrions nous attendre à rien mais sûrement nous devons travailler pour quelque chose ( ne serait-ce que pour nos enfants ).
murielle
C’est une référence très intello, Peyo.
Ranx Ze Vox
L’espoir c’est un truc que j’abandonne de suite. Ca ne me rend pas plus malheureux et parfois ça me fait de bonnes surprises après coup.
Donc, si j’ai bien tout compris, vu que t’as toujours des commentaires qui me font douter dans la mesure ou je comprends pas la moitié de ce qu’ils racontent, on devrait être à peu près d’accord (sur tout peut être même ;))
Hugo Spanky
murielle
Je crois qu’on est d’accord.
Les commentaires sont très sérieux en effet alors que j’essayais de faire un peu d’humour :-)
Fred
T’es dure! C’est fini, plus jamais de copié-collé d’un livre de philo de ma part ;-)
Benoit
J’ai été amené à croire qu’une traduction plus honnête du mythe de la boîte de Pandore montre que l’espoir reste au fond de la boîte parce que c’est un mal cohérent avec le reste du contenu – il est encore une fois une malédiction.
Abandonner l’espoir et faire face à un monde où toutes les bonnes choses sont temporaires et leur opposé est imminent. Appréciez-les pour ce qu’elles sont, pas pour ce que vous voulez qu’elles soient.
Mag
This reminds me of what John Cleese’s character said in the film Clockwise. » It’s not the despair, I can cope with the despair. It’s the hope, I can’t cope with the hope. »
http://www.imdb.com/title/tt0090852/
Fred
J’aime beaucoup cet article. Je pense qu’il y a un parallèle avec le passage de la foi à l’athéisme. Pour moi, de toute façon. Lâcher l’idée d’une vie après la mort et la notion d’une divinité peut être douloureux si vous avez été élevé dans la religion, dans la culture de la protection de quelqu’un au dessus, mais en définitive, c’est très libérateur. Abandonner tout espoir signifie vivre maintenant ou mourir de suite. Plus facile à dire qu’à faire, je parle de la première partie, mais c’est aussi un acte de volonté assez positif.
Laurent
Je suis d’accord avec toi dans une certaine mesure. Je pense aussi que les décisions éthiques et morales d’un point de vue athée peuvent également causer plus de pression et de stress, parce que nous devons maintenant déterminer la nuance de gris plutôt que de vivre dans un monde en noir et blanc.
murielle
Oui perdre tout espoir est assimilé à une raison de choisir le suicide, ce qui est souvent vrai. Mais d’un autre coté, comme tu dis c’est aussi d’accepter sa vie comme elle est et en faire ce qu’on peut. Être content à défaut d’être heureux.