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Mad Men : fumer, boire, coucher et vendre

C’est compliqué parfois de trouver une série à son goût dans la foultitude des offres streaming. Surtout quand on n’aime pas ou peu, la science-fiction, la fantasy, l’action/aventure, les trucs trop historiques, etc.

J’ai l’impression d’avoir fait le tour des séries actuelles ou presque. Et donc je repars en arrière, et je regarde à nouveau Mad Men. Quel plaisir. Mad Men possède une telle qualité tout du long, qu’à la fin du premier épisode, les grands thèmes sont établis.

D’abord l’histoire : Les mad men sont les publicitaires dans le New York des années 60 en pleine mutation. Et la société de consommation a pris un nouveau virage que les publicistes ne doivent pas rater. À commencer par Don Draper, l’un des plus brillants de sa génération. À la tête du cabinet publicitaire Sterling Cooper, ce personnage cynique, ultra alpha, est un homme prêt à tout pour imposer ses vues et se faire une place en or.

En revenant au début, vous voyez avec quel soin, le créateur Matthew Weiner et son équipe ont semé les graines de la grande mais aussi de la petite histoire. Le Manhattan du début des années 1960 habité par le personnel de Sterling Cooper ressemblait peut-être à un tableau de Norman Rockwell, mais il s’est rapidement transformé en un Edward Hopper. Le spectre de Nixon, les crimes raciaux et les émeutes, la criminalité à New York, la montée de la scène folk de Greenwich Village, les hippies, tous sont tous évoqués avant de devenir des intrigues explicites.

Des droits civiques (dans la première scène, un serveur noir est réprimandé pour avoir parlé à Draper) au féminisme de la deuxième vague (l’introduction de Peggy Olson, dont l’ascension de secrétaire à exécutive reflète les avancées pour les femmes) et la puissance des entreprises (une entreprise de cigarettes essayant de s’opposer aux études sur le cancer). Et la liste continue…

Les sept péchés capitaux étaient pratiqués au début des années 60  : fumer, boire, tromper, être sexiste, être homophobe, être antisémite et être raciste. Dans ses premières minutes, Mad Men les exploite tous.
Ce nouveau drame se déroulant à l’âge d’or de Madison Avenue sert de pont vers un monde fané et désormais interdit. Quoique.

Les hommes portaient des chemises blanches, buvaient des Manhattans et harcelaient les secrétaires dociles dans l’ascenseur. Tout le monde lisait le Reader’s Digest. Les Juifs travaillaient dans des agences de publicité juives, les Noirs étaient serveurs et faisaient attention à ne pas paraître trop arrogants, et les médecins fumaient pendant les examens gynécologiques. Les femmes étaient appelées « filles ». Les hommes qui aimaient les hommes gardaient cela pour eux. Plus ça change…

 

Aucun des personnages n’est intrinsèquement sympathique ou antipathique. Ils sont le fruit d’une époque. Combien de fois Draper peut tomber amoureux, briser des cœurs (y compris le sien), puis continuer et tout recommencer. Les deux mariages qu’il détruit, racontent des histoires importantes. Son premier, à Betty – étudiante en anthropologie devenue mannequin devenue femme au foyer dépressive – porte sur le pouvoir masculin et le rôle établi des épouses en banlieue à la fin des années 50. Son second, à Megan –
secrétaire devenue actrice – montre lentement et douloureusement un redressement du pouvoir, à mesure qu’elle dépasse progressivement leur relation inégale (tandis que le monde qui entoure Draper fait de même).

Les femmes sont sans doute les personnages les plus fascinants de Mad Men. Entre 1960 et 1970, les normes sociétales commencent à changer : les rôles et les attentes liés au genre ont été remis en question.

Peggy (Elizabeth Moss) faisant partie des femmes qui ont été à l’avant-garde du mouvement. Joan (Christina Hendricks) faisant partie des femmes qui étaient initialement hésitantes, mais qui ont finalement accepté le changement. Betty (January Jones), elle, est un produit de la décennie. Tout ce qu’elle sait a été façonné par ces normes sociétales, même si elles étaient répressives « Sois belle et tais-toi ». Autour d’elle, les choses changent, mais pas elle.

 

Contrairement aux séries avec lesquelles elle est souvent classée (Breaking Bad, Les Sopranos et autres), Mad Men est peut-être la série qui convient le moins à un « binge watching ». Son rythme est souvent assez lent et chaque saison prend un certain temps pour s’échauffer. C’est autant l’atmosphère, les vêtements, les regards échangés, les attitudes que les dialogues. Il s’agit surtout de la réflexion d’une décennie sur l’évolution des mœurs, sur la façon dont le monde change mais surtout sur la façon dont les gens ne changent pas ou ne veulent pas changer.

C’est une série à regarder à l’ancienne. S’assoir bien confortablement dans un fauteuil, avec une boisson à proximité et savourer.

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