Caméra dessinée sur fond jaune
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Secret d’État

J’aime tous les genres de films. Enfin presque tous. J’aime les films qui mêle thriller, politique et journalisme. J’aime les films tirés d’histoires vraies qui donnent ensuite envie d’en savoir plus, de chercher à démêler le vrai du faux. Ça a commencé avec Les hommes du Président. Il est sorti en 1976, je ne l’ai donc vu que beaucoup plus tard, quand je fus en âge de comprendre. L’enquête des journalistes Carl Bernstein et Bob Woodward du Washington Post sur le scandale du Watergate m’était jusqu’alors étrangère. Mais après ce film, j’ai longtemps pensé que le métier de journaliste était un métier noble fait pour des hommes intègres et courageux. Je me suis trompé. Mais il y a des films qui soulignent ici et là ce que devrait être une vocation.

kill-the-messengerLe dernier en date est Kill The Messenger (Secret d’Etat), un biopic basé sur l’histoire vraie d’un journaliste américain. Jeremy Renner joue Gary Webb, célèbre pour avoir révélé l’implication de la CIA dans un trafic de drogue organisé par des rebelles du Nicaragua vers la Californie, dans les années 80.

L’histoire :

Gary Webb, reporter chevronné, découvre un lien entre les services secrets américains et les cartels d’Amérique centrale.
Une vérité incroyable se dessine : les rebelles du Nicaragua travailleraient directement avec la CIA pour introduire de la cocaïne aux États-Unis et l’argent résultant de ce trafic servirait à armer les milices des Contras que veulent soutenir les États-Unis. Pour faire exploser la vérité, Webb prend tous les risques et se rend au Nicaragua afin de soutirer des informations essentielles au baron de la drogue Norwin Meneses. Il écrit bientôt une série d’articles qui secoue l’Amérique tout entière…
Webb devient alors une cible pour les journalistes rivaux mais aussi pour les responsables du trafic : un véritable complot se trame contre lui.

A l’opposé de Russell Crowe dans State of Play qui joue un journaliste désabusé tassé par les années, Jeremy Renner est un père de famille jeune, curieux et impatient, amoureux des moteurs, buveur de bière et fumeur de joints.

«Certaines histoires sont trop vraies pour être racontées», prévient Michael Sheen (un initié de DC). Cet échange est bien entendu filmé près d’un plan d’eau tous les thrillers politiques sont contraints par une loi tacite de montrer un politique ou une taupe dire à un journaliste qu’il va trop loin. Mais Webb n’en tient pas compte. Non pas parce qu’il a un agenda anti-gouvernement, mais parce qu’il est encore assez naïf pour penser qu’un journaliste a comme premier devoir de dire la vérité.

Je vous passe les détails de son enquête, qui va de Washington à l’Amérique Centrale, de Los Angeles à la prison d’un trafiquant de drogue. Webb publie sa série d’articles Dark Alliance. Après le succès initial, vient le retour de manivelle. Et ce backlash est violent.

La CIA réfute toute responsabilité (naturellement) et commence à faire de la pression psychologique avec Webb. Mais la CIA n’a pas à détruire Webb quand ses soi-disant collègues sont là pour faire le travail…

Les gros média comme le Washington Post et le Los Angeles Times sont humiliés. Qu’un petit journal comme le San Jose Mercury News ait un scoop ne passe pas. Avec l’aide du porte-parole de la CIA, ils commencent par la technique bien connue par les média dans le monde entier, appelée : CYA (Cover Your Ass)*. Et de démonter l’histoire de Webb (et, par extension, Webb lui-même),afin que la presse grand public puisse balayer tout cela sous le tapis.

C’est ainsi que Webb est interrogé, interviewé et doit sans cesse se défendre d’allégations qu’il n’a pas faites, son travail attirant autant d’interprétations que d’accusations. Sa vie de famille explose sous la pression.

kill-the-messenger

C’est une histoire fantastique qui prête à des scènes frappantes. Pourtant, le film en  paraphrasant les critiques de Webb a un certain nombre de trous. La séquence pré-titre est épuisante, le nombre de personnages qui apparaissent et disparaissent l’est tout autant. L’histoire aurait mérité plus de précision et de subtilité de la part du réalisateur.

Mais le film est bien. D’abord parce que Jeremy Renner a embrassé le rôle et rendu justice au journaliste. Ensuite parce que cette histoire vraie est passionnante. Peut-être aussi parce que je me souviens de cette histoire. Ce dont je me souviens moins c’est de l’après. Quand des années plus tard, des documents officiels furent publiés et que la CIA a admis son rôle dans le trafic de drogue : documents  sortis en même temps que le scandale Bill Clinton-Monica Levinski.

Comme le titre anglais devient de plus en plus prophétique Webb est suicidé en 2004 de deux balles dans la tête  le talent de Renner est au premier plan. Sans faire de lui un martyr des journalistes bien-pensant, Renner le montre en fin de compte comme un fauteur de trouble intelligent qui avait trouvé dans le journalisme une quête de vérité, de justice et une vision de l’Amérique. 

 

*couvre tes fesses

 

2 commentaires

  • Fred

    Le titre français est nul. Le titre anglais est bien mieux. J’aime bien ta critique et je verrai avec plaisir le film mais je n’ai pas vu quand il est sorti.

  • burntoast4460

    Pour s’attaquer à la CIA, il fallait une bonne dose d’inconscience. Ces gens-là délèguent certaines « tâches » à des tueurs professionnels, quitte à liquider les tueurs si ça se passe mal. Il vaut mieux ne pas agir seul, et en plein accord avec le journal où on travaille, ce qui ne protège pas de tout (voir Charlie).

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