Caméra dessinée sur fond jaune
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Mommy

Une petite anecdote absolument inintéressante avant de vous parler de Mommy. L’autre vendredi, le cours de ukulélé étant annulé, je suis allée papoter avec ma copine Véronique sur un banc public. Et comme souvent toujours avec elle, elle m’a laissé parler. Entre autre du fait de ne jamais juger les gens sur leur physique, leur façon de s’habiller, de parler, etc. Puis il s’est fait tard, le temps s’est rafraîchi alors on est parti.

Je vous l’avais dit, l’anecdote n’était pas passionnante.

Tout ça pour dire que le film de Xavier Dolan a confirmé mon monologue ressenti. Parce que je défie quiconque de ne pas se remettre en question et de ne pas réviser ses préjugés après avoir fait la connaissance de Die (Diane), de Kyla et de Steven. malgré mes faibles – quasi inexistants- – revenus, je rembourse la place de ciné à celui qui déteste ce film.

En ce moment, le cinéma ne peut pas être beaucoup plus exubérant, musical et brut de décoffrage que Mommy du franco-canadien Xavier Dolan.

mommyL’histoire :

Une veuve mono-parentale, Die, a la garde de Steve, son fils, un adolescent TDAH fortement médicamenté, impulsif et violent. Au cœur de leurs emportements et difficultés, ils tentent de joindre les deux bouts, notamment grâce à l’aide inattendue de l’énigmatique voisine d’en face, Kyla. Laissée bègue par un traumatisme, Kyla est une enseignante en année sabbatique. Tous les trois retrouvent une forme d’équilibre et, bientôt, d’espoir.

Là où d’autres trouveraient misère et douleur (et cette histoire offre les deux façon buffet à volonté) avec Die luttant contre/pour/avec un Steve violent et sauvage, Dolan insuffle de la joie et de l’énergie dans les endroits et les moments les plus insolites. Et pendant que Die fait tout pour ne pas renvoyer Steve dans une unité médicale spécialisée, Kyla devient une seconde figure maternelle.

Dolan jette tout, sauf l’évier de la cuisine, dans son film, en utilisant tous les effets possibles du cinéma, comme s’il filmait avec un caméraphone pour donner un style à l’écran, quelque chose qui s’agrandit, quelque chose d’hyperbolique pour souligner les moments plus heureux du film, avec parfois Steve faisant lui-même l’élargissement de ses mains.

Le travail photographique encore une fois est magnifique (il faut souligner le travail du directeur photo André Turpin). La lumière est belle, les roses et orangés agissent comme une lueur rayonnante faite d’espoir, un coucher de soleil qui dit « demain est un autre jour ».

Le film est par moment grandiloquent et violent – ce qui ne me choque pas – mais je me demande pourquoi Dolan introduit le tout avec un texte explicatif alambiqué. Est-ce vraiment utile ?

Ce qui importe c’est que personne ne peut ignorer sa vive émotion et sa conviction qu’il n’y a pas de définition unique de ce qu’est une vraie famille. Et surtout son hommage aux femmes qui sont formidables, battantes, magnifiques, intelligentes et merveilleuses.

C’est un pur mélodrame, comme la maladie psychique peut l’être, et les chansons de Dido, Céline Dion ou Oasis offrent plus qu’un interlude musical. C’est tout sauf ridicule ou kitsch, parce que rien de tout cela ne se noie dans la très réelle compassion et l’amour que Dolan éprouve pour ses personnages. La musique est avec l’histoire, elle ne la couvre pas. Elle accompagne et n’a rien de minime.

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Aucun des protagonistes ne se comporte brillamment tout le temps, mais tous ont en commun de lutter pour vivre du mieux qu’ils peuvent avec ce qui leur est donné voire imposé. Die est intempestive, grande gueule – certains la diraient vulgaire – elle s’habille sexy et ne rentre pas dans les « normes ». Kyla est bègue, introvertie, certains la diraient froide et coincée quand elle n’est que timide et réservée. Puis il y a Steve, le jeune anti-héros, aimant, troublé, malheureux et si attachant.

Avec ces trois personnages, Dolan réussit la prouesse de ne pas faire un film de caricature. C’est un film qui parle des gens, de vous et de moi, des voisines et amies, de ceux mais surtout, surtout de celles qui ne veulent pas qu’on leur mette une étiquette, et qui méritent plus que la vie (a)normale. « C’est juste une question de temps… »

Il s’agit du cinquième long métrage de Dolan – il n’a encore que 25 ans – et il fait à nouveau un travail formidable avec les actrices Anne Dorval et Suzanne Clément et l’acteur Antoine Olivier Pilon. Avec Xavier Dolan, vous sentez que vous êtes en compagnie d’une voix originale et sans peur. Il ose tout et il a raison. Dolan est un cinéaste.

Et encore plus, un cinéaste qui regarde et aime les femmes comme elles voudraient être regardées et aimées.

Je n’ai pas de goût pour la violence physique mais je suis d’accord pour me prendre à nouveau une claque dans une salle de ciné si c’est pour voir d’autres films comme ça.

ps : On est au mois d’Octobre, ce sera bientôt la fin de l’année, j’ai vu pas mal de films, dont beaucoup de décevants et je crois que celui-ci est mon troisième coup de cœur cinématographique avec Dans la cour et Pride.

7 commentaires

  • burntoast4460

    On l’a vu hier soir ! Ce film a un côté montagnes russes pour les sentiments qu’on éprouve en le regardant. L’actrice qui joue la mère est très belle, malgré tous ses efforts pour s’habiller n’importe comment et s’enlaidir. L’actrice qui joue l’enseignante qui refoule ses paroles, est admirable. Et le langage des québécois est formidable. J’avais été il y a longtemps dans une famille au Québec, et je ne comprenais absolument rien à leur sabir.

  • Pierre

    Faut toujours avoir une Véronique comme copine :-)
    J’ai vu le film ce matin en première séance pensant éviter le plus gros de la foule mais la salle était pleine, ce qui est quand même étonnant parce que même si Dolan a fait beaucoup de promo, le film n’est pas facile. C’est un superbe film plein de bons sentiments et de violence mélangés. On rit peu et on est beaucoup pris à la gorge. C’est comme tu dis, brut de décoffrage.

  • Nathalie

    Je suis moins convaincue que toi. Je l’ai trouvé parfois brouillon ou trop emphatique. Il essaie de tout mettre et au bout d’un moment on fatigue. Par contre je suis entièrement d’accord avec toi sur son hommage aux femmes. C’est très fort et très émouvant de les aimer comme elles sont.

  • Laurent

    L’introduction m’a fait sourire, c’est bien le ukulélé? :-)
    Je l’ai vu mais heureusement pour les sous-titres parce que sans c’est tout de même compliqué de suivre le langage, mélande de français, d’anglais et super accent canadien!

    • murielle

      Même mieux, c’est difficile de passer à coté de la promo et de ne pas lire les critiques vu que Dolan était partout. Mais c’est un film qui compte, c’est vraiment aussi bien que tout le monde pense.

  • Peyo

    J’ai pensé quasiment la même chose que toi. Tout le monde en parle comme d’un génie, je ne sais pas si on peut dire ça mais on s’en prend plein la figure en 2h et quelques!

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