Naissance
Une fois n’est pas coutume, je voudrais tout d’abord me féliciter. Certes je suis lectrice et chaque livre à lire m’apporte plus de plaisir qu’il ne provoque de réticence. Matériellement parlant un livre se devrait d’être léger – une tendinose intraitable du bras droit – pauvre de moi – rend la lecture parfois douloureuse. Moi qui suit une amoureuse du papier , je me mets à apprécier les e-books qui rendent la lecture plus facile pour mes membres supérieurs.
Et ceci s’avère encore plus vrai avec le choix du roman de cette semaine. Oui chers lecteurs, j’ai décidé de “m’attaquer” à Naissance de Yann Moix.
Je m’excuse par avance, mais je ne peux pas passer outre le fait que c’est un ouvrage monstre de plus de 1000 pages. Plus de pages qu’Harry Potter et ce sans aucun sorcier ni tournoi dans les airs.
Donc. Le roman.
Quatrième de couverture :
La naissance ne saurait être biologique : on choisit toujours ses parents. Naître, c’est semer ses géniteurs. Non pas tuer le père, mais tuer en nous le fils. Laisser son sang derrière, s’affranchir de ses gènes. Chercher, trouver d’autres parents : spirituels. Ce qui compte, ce n’est pas la mise au monde, mais la mise en monde. Naître biologiquement, c’est à la portée du premier chiot venu, des grenouilles, des mulots, des huîtres. Naître spirituellement, naître à soi-même, se déspermatozoïder, c’est à la portée de ceux-là seuls qui préfèrent les orphelins aux fils de famille, les adoptés aux programmés, les fugueurs aux successeurs, les déviances aux descendances. Toute naissance est devant soi. C’est la mort qui est derrière. Les parents nous ont donné la vie ? A nous de la leur reprendre. Le plus tôt possible.
Quel livre! De la rage, de la colère, des mots jetés sur le papier comme des coups de poing, de la brutalité, de la fulgurance, de l’intelligence, de la paranoïa et quelques traits de génie.
Ma connaissance de Yann Moix se limitait à ses interventions dans les émissions radio de Laurent Ruquier. Chroniqueur toujours un peu décalé, avec des interventions à rallonge et alambiquées, se permettant parfois une pointe d’humour, tel est le Moix que je connaissais. Lire Naissance pour faire connaissance avec l’écrivain est un pari perdu d’avance.
Parce que cet ouvrage est un ovni monstrueux. Il est fait d’excès, de folie, de personnalités multiples, de style et rythmes changeants. Il est fait de mots, de tant de mots, de déluges de mots, de torrents de mots, qu’il épuise et rend le lecteur aussi fou que son auteur.
Je ne compte point m’attarder sur les enfants de mes parents qui vinrent au monde sous forme de pied, de main, de verrue, de trachée, de cæcum, de prémolaire, de vulve, d’œsophage, et pour qui ma mère ne fut qu’une cuve à formol abritant de l’ADN hébété. Ces tronçons, dans la phratrie – bien que claquemurés comme nous tous dans la même marâtre –, n’étaient guère considérés. Frangins gris plomb à buste de poulpe, reliquats de noirs nains surpoilus, boiteux sans bouche multimunis de gras groins, blondinets nantis d’écailles d’harengs, ris de poupon, atrophiés suintants jambons, variqueux sciapodes, bossus semi-clebs, tuberculeux pygmées, sylvains à la coque, faunes, troncs atroces octoverges, duses privées de tête et de pieds aux bras terminés par des pattes de rainette, hilares larves de mutille, cynocéphales roteurs, gros lutins incubes, superfoireux prototypes, cruels grumeaux, couennes pliées, gencives d’âne à pattes de moustique, implorants replis étalés, lardons sertis d’épines, rouquins hermaphrodites recouverts de nombrils, cyclocéphales baveurs, imagos cancéreux, translucides trognes trash-bouffies, velus trisomiques coq-goitreux, vieillards accélérés, minigosses morts à trompes, bouffons branchiopodes, amanites aux yeux bleus agitant leurs petits bras dodus, tomates à pifs, satyres paraplégiques, sacs oculaires, gras anus à mâchoires, moignons épileptiques, foirons[…]
Mais c’est un livre sincère, sans filtre. Qui part d’une colère légitime. Les parents Moix détestent leur fils dès le premier jour. Le père est violent, brutal et injuste, la mère n’est pas mieux. D’emblée, les deux refusent leur garçon. Le père aurait préféré une fille, la mère prévoit de se venger à vie des souffrances que lui a causées l’accouchement. Mais pour aggraver les choses, voilà que l’on découvre sur le garçon une effrayante particularité anatomique : il est né sans prépuce. Non seulement c’est un fils, mais en plus il est juif.
Alors à la haine et au rejet du fils répondront la haine et le rejet des parents.
Naître, c’est se faire des ennemis. Très vite, je m’en fis deux pour la vie : le premier était une femme intitulée « maman », le second, un homme appelé « papa ». Ces deux appellations sont ridicules. Nous aurons à les employer sans cesse, même à l’âge de 40 ans (parvenus, le teint de cire, sur la pente sableuse de la mort), puis à les subir en sens inverse, quand nos propres enfants (mordillant leur pointe Bic) nous affublerons de ces immémoriales et mortifères dénominations.
L’enfant Moix cherchera des pères ailleurs, dans la littérature et dans son environnement. Il grandira pour devenir un homme sans filiation puisqu’à défaut de tuer ses parents, il les oubliera. Il devra son salut à son parrain, l’excentrique ami des arts, des lettres et des marginaux, l’incroyable Marc-Astolphe Oh. , un vendeur de photocopieuses amateur de «Que sais-je?».
La suite? Je ne sais pas. J’ai arrêté de lire. Mon bras ne souffrait pas mais ma tête ne pouvait plus encaisser le choc.
J’ai depuis appris que le jury du Renaudot et les journalistes ont reçu une version épurée de 150 pages…
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6 commentaires
burntoast4460
Je ne crois pas que je le lirai un jour, avec ou sans mille pages :) :)
Nathalie
Entendre par hasard Yann Moix aux Grosses Têtes : bizarre…
Peyo
Je n’arrive pas à savoir s’il a du talent ou de la connaissance qu’il étale trop facilement. Je l’écoute chez Ruquier moi aussi et parfois il a de l’humour mais il a une manie de la citation qui devient chiante.
Benoit
Il m’a toujours semblé avoir un égos surdimensionné. Avec une histoire comme la sienne, on comprend que c’est une manière de se protéger après les abus de ses parents. Quand on est traité comme de la merde, on se pense comme de la merde ou on va à l’encontre et on décide d’être brillant. Lui a choisi et il a réussi. Surtout quand on sait ce que pensait son père des livres :
« Il surécrit ! s’était scandalisé mon père à la sortie de mon premier roman. Je ne comprends pas qu’on ait pu donner le Goncourt, même des bacs à sable, à une telle surenchère d’outrancières épithètes ! Nul. Zéro. À dégager ! Qu’on ne compte pas sur ma mansuétude, ni sur ma pitié, pour ranger cette cagade dans ma bibliothèque. Cela contaminerait les vrais livres qui s’y tiennent, eux, avec la dignité requise. Si j’étais critique littéraire, fils ou pas fils, je lui aurais brisé les dents. Balancez-moi ça dans la poubelle ! »
Laurent
J’aime bien que tu parles de livres que tu n’as pas adoré sans pour autant en dégoûter les autres. J’ai lu d’autres livres de Moix et il vaut la peine. Il est un bon écrivain. Sa personnalité le dessert mais il a un vrai talent.
Fred
Tu es allée plus loin que moi et tu es aussi plus indulgente. J’ai stoppé très vite et je me demande encore pourquoi il a eu le prix renaudot. C’est pas possible que quelqu’un ait pu le lire en entier, jury, journalistes ou lecteur lambda. C’est une escroquerie.