Réflexion pas si légère sur Noël
J’aime l’atmosphère et l’ambiance de Noël. Le parfum des oranges, des clous de girofle, des épices. Les lumières douces et chaleureuses, la bonne humeur festive et le reste.
J’aime Noël, du moins superficiellement. Mais de là à le fêter, il y a un pas que je ne franchis pas. Je n’ai rien contre cette fête, quoiqu’il ne me faudrait pas grand chose pour lister toutes les raisons pour lesquelles Noël n’est plus ce qu’il était…
Noël est la période opportune pour passer du temps avec sa famille et échanger des cadeaux dans l’esprit du don. Mais – et là je vais provoquer un moment inconfortable – je n’ai pas vraiment de famille et le peu de personnes pour qui Noël avait un sens, ne sont plus.
Je pourrais vous tenir le couplet suivant : Noël est devenu un fardeau pour beaucoup. Au lieu d’être un moment propice pour vous sentir connecté aux autres, c’est devenu le moment de vider votre portefeuille, de vous forcer à socialiser, de vous conformer consciencieusement aux attentes des autres et de stresser.
Je pourrais également vous dire que je vois seulement l’état actuel de Noël comme le symptôme d’une société en grande partie déconnectée de soi.
Je pourrais partir sur ma diatribe préféré à propos du consumérisme effréné, de la surconsommation, du trop manger, du trop boire et du trop de tout.
Je vais plutôt vous raconter une histoire personnelle et trop intime.
25 décembre. Noël 2009, je le passe aux urgences de Lewisham Hospital, près de Londres. Nous étions arrivés par ambulance en fin de matinée. Il fait très froid, je ne suis pas assez couverte pour ce jour de neige. J’ai pensé à prendre le manteau de Thomas, son portefeuille, le portable, les clés de l’appart. Et j’ai oublié de me couvrir.
Nous passons la journée à attendre dans une salle d’attente grise, froide, aux sièges en plastique, dans le courant d’air froid amené par les portes automatiques qui s’ouvrent sans cesse. Autour de nous la misère humaine. Quelques gens soûls, les gémissements d’un homme avec une main en sang, des sans-abri qui puent la pauvreté, l’urine et le reste. Mes compagnons d’infortune… Une femme pleure, c’est peut-être moi.
J’ai un billet de £10 et pas de monnaie. Même pas de quoi prendre une boisson chaude. La réceptionniste à l’accueil n’a pas de monnaie. Personne n’a de monnaie. Putain de monnaie ! C’est toujours la galère devant les machines à café. On cherche désespérément dans ses poches ou son sac pour quelques pièces, pour avoir un peu de chaleur réconfortante et sucrée, et on ne les trouve jamais.
Thomas perd la raison et je ne sais plus quoi faire ou dire. J’ai aussi peur que lui. Les heures défilent lentement, les malades aussi. Les blouses blanches sont rares et nous ne sommes toujours pas appelés.
23h30, une interne en psychiatrie nous reçoit et juge l’état de Thomas suffisamment grave pour l’hospitaliser immédiatement. Il faut attendre encore un peu. Une chambre sera libre après minuit.
26 décembre. C’est Boxing Day, c’est encore férié. Il est 1h de matin. Thomas est pris en charge. Il neige toujours.
Mon portable n’a plus de batterie et c’est impossible de trouver un taxi. Je rentre à pied, 40 minutes à marcher, désemparée. Je suis épuisée. Je sais que quelque chose a changé à jamais. Ma vie, la sienne et la nôtre s’est brisée.
Je garderai pour moi le cauchemar des prochains mois.
7 août 2011, Thomas, fatigué, décide d’en finir. Enfin délivré.
Tous les Noëls depuis, je les passe à regarder des séries télé. C’est bien pour ne pas penser. C’est bien de ne pas se forcer. Je n’aime toujours pas célébrer.
Grief is the price we pay for love
Partager :
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Tumblr(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Pocket(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquer pour envoyer un lien par e-mail à un ami(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
2 commentaires
LO
Oh Muriel, j’aimerais… je ne sais quoi… quelque chose qui serait réconfortant pour toi…
Douceur et chaleur.
murielle
Merci LO, un jour ça ira mieux…