Lire,  Questionner

Au dessous du volcan

Il y a des livres qu’il faut lire deux fois tant ils fourmillent d’interprétations. Oui .. bon ok. Je dis ça pour justifier du fait que je n’avais pas lu Au dessous du volcan jusqu’au bout la première fois. Mon ami Gareth m’avait recommandé le livre en me le présentant comme un chef-d’œuvre du modernisme anglais et qu’il me faudrait le lire au moins deux fois parce-que Lowry avait pensé que plusieurs lectures étaient nécessaires pour que tout son sens « explose dans l’esprit ».

J’ai lu donc un peu plus de 150 pages et il y avait déjà tellement de choses à dire sur le Consul et son mariage raté que c’en était écrasant. J’ai arrêté.

Women dressed as iconic Mexican "Catrinas" gather in an attempt to set a record for the most Catrinas in one place during Day of the Dead celebrations in Mexico City, Saturday, Nov. 1, 2014. The figure of a skeleton wearing an elegant broad-brimmed hat was first done as a satirical engraving by artist Jose Guadalupe Posada sometime between 1910 and his death in 1913. (AP Photo/Marco Ugarte)
Mexican « Catrinas » Day of the Dead in Mexico City

Dix ans plus tard, je me lance à nouveau. Pleine du fol espoir de la littéraire insomniaque qui n’aime pas les échecs de rencontres romanesques.

Que faire , par exemple, de tout le symbolisme ? Que dire de toutes ces références à Dante ? La Kabbale ? Pourquoi l’histoire se passe le jour des morts? Pourquoi Dr Faustus apparait sans cesse ? Pourquoi tous ces chevaux ? Pourquoi les références répétées sur la bataille de l’Ebre ? Qu’en est-il du nombre sept ? Et l’alcool? Difficile de ne pas paraitre scolaire sans évoquer l’acoolisme du Consul. C’est tout de même l’alcool  et son effet sur la conscience du Consul, qui est le prisme à travers duquel il nous présente le monde, un monde dans la lumière et l’obscurité.

Non.

Il vaut mieux lire le livre une fois et prendre le temps quitte à le lire en plusieurs fois. Parce qu’une atmosphère de difficulté se dissimule dans le roman comme les nuages orageux qui cachent les immenses flancs du Popocatepetl, l’un des deux volcans sous lequel un consul alcoolique Geoffrey Firmin , son ex-épouse Yvonne et son demi-frère Hugh confrontent leurs destins.

popocatepetl

Sa réputation a grandi au cours des années qui ont suivi la mort de Lowry en 1957 , mais cela reste un livre qui divise profondément l’opinion . Pas à cause du « quoi » du livre, qui est assez simple, mais son « comment » :  les temps enchevêtrés et un flux de conscience qui sont deux des défis importants avec lesquels Lowry teste ses lecteurs.

Son style de prose est aussi extrêmement dense et allusif, ce que j’ai parfois trouvé énivrant et exaspérant. Lowry, avec l’aide rédactionnelle de sa seconde épouse, Margerie, a passé près de 10 ans d’écriture et de révision pour le faire devenir une « forêt de symboles » toujours plus épaisse. À bien des égards Lowry est plus proche de Melville et de Conrad que de Joyce, mais il crée son coin du Mexique d’une manière similaire au Dublin d’Ulysse: pas en le décrivant mais en le construisant avec une réalité alternative de la langue. La complexité de la construction du livre est stupéfiante et fatiguante.

catrinas

 

En 1946, Lowry a écrit à son éditeur une lettre de plus de 30 pages, qui donne une explication détaillée de la logique qui sous-tend la vision intense du livre.  Le casse-tête qu’est ce livre a été débloqué à plusieurs reprises au fil des ans, mais, comme c’est le cas avec toutes les grandes œuvres d’art, Au dessous du volcan inspire et absorbe légions d’interprétations. Il peut être lu comme un roman ouvertement politique, religieux, mystique ou philosophique. Il traite de la damnation, du fascisme, ou d’amour. C’est une tragédie et, parfois, une comédie. Ses métaphores et ses symboles peuvent être étudiées mais leurs significations semblent se déplacer comme elles se reproduisent.

 

lowry-letter

Je crois que ce roman se refuse à prendre une forme définitive. Il est tellement complexe que, dans un certain sens, il reste vivant. Si vous ne l’avez pas déjà fait, vous devez vraiment le lire. (et prendre une aspirine)

 

6 commentaires

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