Au dessous du volcan
Il y a des livres qu’il faut lire deux fois tant ils fourmillent d’interprétations. Oui .. bon ok. Je dis ça pour justifier du fait que je n’avais pas lu Au dessous du volcan jusqu’au bout la première fois. Mon ami Gareth m’avait recommandé le livre en me le présentant comme un chef-d’œuvre du modernisme anglais et qu’il me faudrait le lire au moins deux fois parce-que Lowry avait pensé que plusieurs lectures étaient nécessaires pour que tout son sens « explose dans l’esprit ».
J’ai lu donc un peu plus de 150 pages et il y avait déjà tellement de choses à dire sur le Consul et son mariage raté que c’en était écrasant. J’ai arrêté.
Dix ans plus tard, je me lance à nouveau. Pleine du fol espoir de la littéraire insomniaque qui n’aime pas les échecs de rencontres romanesques.
Que faire , par exemple, de tout le symbolisme ? Que dire de toutes ces références à Dante ? La Kabbale ? Pourquoi l’histoire se passe le jour des morts? Pourquoi Dr Faustus apparait sans cesse ? Pourquoi tous ces chevaux ? Pourquoi les références répétées sur la bataille de l’Ebre ? Qu’en est-il du nombre sept ? Et l’alcool? Difficile de ne pas paraitre scolaire sans évoquer l’acoolisme du Consul. C’est tout de même l’alcool et son effet sur la conscience du Consul, qui est le prisme à travers duquel il nous présente le monde, un monde dans la lumière et l’obscurité.
Non.
Il vaut mieux lire le livre une fois et prendre le temps quitte à le lire en plusieurs fois. Parce qu’une atmosphère de difficulté se dissimule dans le roman comme les nuages orageux qui cachent les immenses flancs du Popocatepetl, l’un des deux volcans sous lequel un consul alcoolique Geoffrey Firmin , son ex-épouse Yvonne et son demi-frère Hugh confrontent leurs destins.
Sa réputation a grandi au cours des années qui ont suivi la mort de Lowry en 1957 , mais cela reste un livre qui divise profondément l’opinion . Pas à cause du « quoi » du livre, qui est assez simple, mais son « comment » : les temps enchevêtrés et un flux de conscience qui sont deux des défis importants avec lesquels Lowry teste ses lecteurs.
Son style de prose est aussi extrêmement dense et allusif, ce que j’ai parfois trouvé énivrant et exaspérant. Lowry, avec l’aide rédactionnelle de sa seconde épouse, Margerie, a passé près de 10 ans d’écriture et de révision pour le faire devenir une « forêt de symboles » toujours plus épaisse. À bien des égards Lowry est plus proche de Melville et de Conrad que de Joyce, mais il crée son coin du Mexique d’une manière similaire au Dublin d’Ulysse: pas en le décrivant mais en le construisant avec une réalité alternative de la langue. La complexité de la construction du livre est stupéfiante et fatiguante.
En 1946, Lowry a écrit à son éditeur une lettre de plus de 30 pages, qui donne une explication détaillée de la logique qui sous-tend la vision intense du livre. Le casse-tête qu’est ce livre a été débloqué à plusieurs reprises au fil des ans, mais, comme c’est le cas avec toutes les grandes œuvres d’art, Au dessous du volcan inspire et absorbe légions d’interprétations. Il peut être lu comme un roman ouvertement politique, religieux, mystique ou philosophique. Il traite de la damnation, du fascisme, ou d’amour. C’est une tragédie et, parfois, une comédie. Ses métaphores et ses symboles peuvent être étudiées mais leurs significations semblent se déplacer comme elles se reproduisent.
Je crois que ce roman se refuse à prendre une forme définitive. Il est tellement complexe que, dans un certain sens, il reste vivant. Si vous ne l’avez pas déjà fait, vous devez vraiment le lire. (et prendre une aspirine)
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6 commentaires
Antonio
Je le connais déjà, mais après avoir lu ton article, qui m’a beaucoup plu, j’ai eu envie de relire ce roman enivrant dont il est difficile d’oublier ses personnages principaux. Il faut bien plusieurs lectures pour découvrir son secret. Et encore…
murielle
Oui . Je l’ai terminé et je reste encore un peu etourdie :-)
Pierre
C’est un livre imposant qui demande beaucoup à son lecteur. Ton analyse est bien et trop courte parce que comme tu le dis, il parle de tout. Il est classé comme un chef d’oeuvre mais pas pour moi. Je ne l’aime pas, je l’ai lu parce qu’il est à lire comme Proust, Joyce, Faulkner ou Hemingway. Je ne connais personne qui le cite dans ses livres préférés.
Nathalie
J’aime ta critique du livre MAIS tu m’as fait peur! J’aime ton écriture et ta vision MAIS je ne pense pas le lire, ce livre sera trop ardu pour moi. Je n’aime pas les défis à ce point.
Fred
Un livre marquant. Difficile et pénétrant comme un Faulkner.
VITRINART (michel Seiller) © Copyright 2012 All right reserved
ouvrage phénoménal d’une décrépitude humaine rongée par le mescal. Lecture de mes 17 ans,il y a de cela 38 ans.
Peut être le relirai je pour une autre perception :)
Namasté
agréable week end