Caméra dessinée sur fond jaune
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Ida

Le réalisateur polonais Pawel Pawlikowski avait fait deux films très contemporains et intensément anglais: Transit Palace (Last Resort) avec Paddy Considine et My Summer Of Love, avec qui? Mais oui, Paddy Considine.

En 2013, il était de retour avec un film de période celle de l’après-guerre en Pologne. Ida. Je ne sais pas s’il est sorti ici, aucune idée. Je me rattrape avec le dvd.

idaChaque moment d’Ida est intensément personnel. C’est un petit bijou sombre, drôle et triste, superbement photographié dans un noir et blanc lumineux: une sorte de film d’avant la new wave avec quelque chose de classique, quelque chose de Truffaut, et quelque chose d’Aki Kaurismäki. Ça c’est pour faire la cultivée, il doit bien y avoir une école polonaise du cinéma, mais je n’y connais rien.

C’est le début des années 1960, mais dans la campagne gelée de l’Europe Centrale, ce pourrait aussi bien être les années 1860 ou 1760. L’actrice débutante Agata Trzebuchowska joue Anna, une jeune novice, sur le point de prendre ses vœux perpétuels dans un couvent où elle y a été recueillie bébé en 1945. Mais Anna a un parent survivant, une tante nommée Wanda (Agata Trzebuchowska). On l’encourage à prendre contact avec elle avant de rentrer dans les ordres.

Wanda fut procureur de la République de haut vol et ancienne fanatique de l’Etat communiste qui, tombée dans l’alcool, en est réduite à être magistrate et juger les querelles entre voisins. Wanda révèle la vérité à sa nièce: son prénom est Ida et elle est juive. Maintenant Ida et Wanda – le plus étrange des couples – vont faire le plus intense des voyages pour découvrir ce qui est arrivé aux parents d’Ida pendant la guerre.

Ida est un drame « oblique » mais qui aborde franchement les questions du catholicisme polonais, l’antisémitisme, l’Église et l’État. Ida est une jeune femme dont l’habitude religieuse applique un respect réflexe à ceux qu’elle rencontre. Elle sait que c’est quelque chose à ne pas abandonner à la légère, et l’idée d’y renoncer en faveur du judaïsme est un dilemme énorme.

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Au cours de leur voyage, Ida et Wanda prendront un auto-stoppeur, saxophoniste de jazz (Dawid Plourde) – avec un béguin évident pour Ida – qui les initie à la musique de John Coltrane, et à un nouveau monde, la vie nocturne, les clubs, et les premiers frémissements pré-historiques de la culture des années 60. Pourtant, la fin de la guerre n’était qu’à l’avant-veille.

En fait, la guerre n’est pas terminée pour Wanda, qui sait bien qu’il y avait des Polonais dont l’instinct a été de collaborer en dénonçant les Juifs. D’autres les ont aidés en les cachant. Il y en avait encore d’autres dont les attitudes étaient ambigües, qui ont caché des Juifs, mais ont été progressivement pris de panique sur les risques qu’ils couraient.

Avec son instinct de procureur, Wanda sait qui étaient ces gens, et qui lui dira la vérité sur les parents d’Ida. Et hors du couvent, Ida apprendra la faiblesse des hommes.

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La relation entre Ida et Wanda est insaisissable : colocataires, tante et nièce, quasi-mère et quasi-fille. Leur fossé générationnel semble infranchissable, tout comme l’écart entre ceux qui ont vécu les horreurs de la guerre et la nouvelle génération, qui a eu de la chance de vivre l’âge adulte dans une paix relative.

Dans un très court laps de temps (1h20), le film de Pawlikowski nous raconte, une histoire poignante et touchante, merveilleusement filmée. Absolument pas sinistre. Son seul défaut? Il n’y a pas Paddy Considine.

http://youtu.be/evLdLM8JN24

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