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Le mot du jour, un sentiment et un livre… Sehnsucht

Il y a un espace ouvert dans le cœur de l’homme, un vide qui cherche l’accomplissement et une faim qui attend la satisfaction. Et au détour d’une lecture sur C.S Lewis j‘ai découvert un nouveau mot pour un sentiment. Allemand cette fois-ci. Et qui n’a pas d’équivalent : sehnsucht.

Sehnsucht : terme complexe, qui se compose du verbe « sehnen » – désirer ardemment, aspirer à quelque chose et du substantif « sucht » – passion, démangeaison, toxicomanie. 

Cependant, ces mots ne résument pas assez la signification complète de leur composition résultante, même si on les considère ensemble. Il se traduit par désir, envie ou aspiration, ou dans un sens plus large un genre de “manque intense”. Sa signification est quelque peu similaire au mot portugais saudade ou ou mot roumain dor.

Les mots sont comme les gens. Leur manière de venir à nous en dit long sur leurs intentions.

Christian Bobin

Sehnsucht représente des pensées et des sentiments à propos de toutes les facettes de la vie qui sont non finies ou imparfaites, jumelés à un désir d’expériences idéales. Ce sont les envies de toute une vie.

C’est également un genre de nostalgie, dans le sens original du mot. À d’autres moments, c’est le désir d’un quelqu’un voire d’un quelque chose. Mais ce désir est d’une telle profondeur et intensité que la réalité ordinaire peut sembler pâle en comparaison.

C.S. Lewis a décrit Sehnsucht comme le “désir inconsolable” dans le cœur humain pour “ce que nous ne connaissons pas”. Dans le postface du Retour du pélerin, il donne un exemple de ce qui déclenchait en lui ce désir en particulier :

Ce quelque chose innommable, ce désir qui nous perce comme une rapière à l’odeur du feu de joie, le son des canards sauvages qui volent au dessus de nous, le titre de The Well at the World’s End, les premiers vers de Kubla Khan, les toiles d’araignée du matin à la fin de l’été, ou le bruit des vagues qui tombent.

 

That unnameable something, desire for which pierces us like a rapier at the smell of bonfire, the sound of wild ducks flying overhead, the title of The Well at the World’s End, the opening lines of “Kubla Khan”, the morning cobwebs in late summer, or the noise of falling waves.

 

Sehnsucht m’a attrapée. Comme une ritournelle qui ne quitte pas la tête. Je crois comprendre ce dont parlent les allemands lorsqu’ils l’utilisent – je comprends le besoin qui en a donné naissance. Il se faufile en vous, inconsciemment, avant que vous ayez le temps de le reconnaître et disparait quand vous l’avez nommé.

Sehnsucht se ressent comme une tristesse et une solitude, et ce sont deux émotions que nous avons tendance à vouloir éliminer, en vain, et c’est tant mieux. 

Ces jours-là, je trouve mon chemin autour de cet état le plus naturel de la condition humaine. Le plus sûr rappel que rien n’est et ne sera jamais parfait. 

Et quand Sehnsucht vient, c’est dans des formes étranges. Un enfant courant dans les bras de sa mère, la nostalgie triste dans une chanson de Radiohead Fake plastic trees ou de Captain Kid We And I, un frisson à la pensée de quelqu’un ou quelque chose, un parfum familier oublié. Et de laisser Sehnsucht vivre pleinement. Le ressentir, l’explorer pour mieux l’apprivoiser, puis l’abandonner – à défaut de le chasser – pour laisser place à quelque chose de plus léger et joyeux.

Le cœur est une petite maison, même pas une maison, une niche, même pas une niche, un abri pour les moineaux. Le coeur n’a qu’une contenance réduite. Une joie qui bat des ailes le remplit tout. Il n’y a plus de place pour autre chose.

Christian Bobin – Tout le monde est occupé

 

 

 

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