Écrire

L’écrivain fantôme

Je suis un écrivain. Je suis un écrivain fantôme, un « nègre littéraire » ou comme il est écrit sur mon contrat, un collaborateur. Mais il est surtout essentiel de se rappeler que je ne suis qu’un assistant du génie de mon employeur. Je suis un laquais chargé du travail de structuration, de développement des personnages, de rédaction, bref, de la brique et du mortier.

Bien sûr, j’ai été embauché seulement parce que le véritable génie n’a pas de temps à perdre avec un emploi du temps chargé : représentations, voyages, choix d’une nouvelle petite amie ou d’une garde-robe, etc. De même, il n’a pas de temps à perdre dans la lecture d’un livre. Lire serait polluer les quelques idées créatives qu’il pense détenir.

Il n’y a pas d’intrigue – je ne propose plus de sujets parce qu’à chaque fois que je le fais, le génie pense que je vais détourner son histoire. Quand je signale que le livre n’est rien de plus que des anecdotes décousues et déconnectées – enveloppées dans une philosophie laconique et prétentieuse –  mes préoccupations sont rebutées par un « vous ne pouvez probablement pas avoir la vue d’ensemble … mais je peux. »

Le fait est que je peux prendre du recul et je peux voir que c’est un Jackson Pollock, mais sans les mathématiques. Pollock était réputé pour savoir quand un travail était terminé. Il savait intuitivement quand apposer sa signature sur la toile. Cependant, ici, je ne vois pas de fin en vue. Comment je me sens ? C’est douloureux d’écrire pour quelqu’un d’autre mais je n’ai que ce que j’ai toujours voulu : un travail d’écriture confortablement payé.

Méfiez-vous de ce que vous souhaitez.

7 commentaires

  • burntoast4460

    Le plus dur, ce doit être d’écrire un livre de « souvenirs » pour ces célébrités de la télévision, incapables de proférer autre chose que les âneries que leur fait dire leur « ego » surdimensionné.

  • burntoast4460

    Jackson Pollock, contrairement aux apparences, travaillait beaucoup sur ses toiles, avec, en effet, beaucoup d’intuition artistique.
    Il faut faire comme le nègre d’Alexandre Dumas, qui avait lui-même un nègre. Alexandre Dumas s’en est aperçu quand le nègre « officiel » est mort brusquement, et que le texte a été quand même livré au journal à sa grande surprise (les livres paraissaient en feuilleton).

  • Laurent

    Je vis quelque chose de similaire dans un autre domaine. Je crois qu’on ne fait pas le deuil d’une carrière mais on s’adapte parce qu’on a plus de chance que d’autre. j’aime beaucoup cette expression « be careful what you wish for ». Je la trouve très vraie.

  • Benoit

    Le fait est qu’il ne serait pas payé pour écrire si c’était sous son propre nom. Frustrant mais au moins il fait quelque chose qu’il aime

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