Spotlight
L’année a décidément bien commencé en ce qui concerne le cinéma. Spotlight est le film à voir cette semaine. Il y a quelques jours les salopards étaient au nombre de huit, aujourd’hui ils sont beaucoup plus nombreux.
Parce que l’Église Catholique aussi vertueuse se veut-elle, en possède en son sein un nombre incroyable. Il y a quelques années de ça, Doute (Doubt en VO), avec le regretté Philip Seymour Hoffman, avait mis la lumière sur ce que l’Église peut cacher, à travers les yeux d’une sœur.
Dans Spotlight, on vit le film façon Woodward et Bernstein (Les hommes du Président), qui, eux aussi, reçurent le prix Pulitzer pour leur enquête. Et quand comme moi on aime – énormément – les films d’investigation qui traitent de la « réalpolitik », des journalistes acharnés qui pensent aux faits et non à la célébrité, eh bien on est gâté par le film de Tom McCarthy.
L’histoire : Adapté de faits réels, Spotlight retrace la fascinante enquête du Boston Globe – couronnée par le prix Pulitzer – qui a mis à jour un scandale sans précédent au sein de l’Église Catholique. Une équipe de journalistes d’investigation, baptisée Spotlight, enquête pendant 12 mois sur des suspicions d’abus sexuels au sein d’une des institutions les plus anciennes et les plus respectées au monde.
Donc, tout comme les Hommes du Président auparavant, Spotlight montre le travail anti-glamour des journalistes, de ceux qui passent beaucoup de temps près du téléphone et de la photocopieuse, à relier les points pour former une image, à combler les lacunes avec des faits et non pas des suppositions. Ici pas d’hypothèses, ces journalistes ont à cœur de parvenir à la vérité.
Certaines scènes ne montrent guère plus que Michael Keaton et Mark Ruffalo se gratter leur barbe de trois jours dans un bureau au confort basique – mais montrer des acteurs de la trempe de ces derniers se passer la main dans les cheveux et se gratter les joues est exactement ce que ce film doit faire. Parce que la réalité d’une enquête journalistique, c’est aussi le travail d’un documentaliste très curieux. Aller aux archives, lire, échanger entre collègues, réfléchir, lire un peu plus, questionner, lire encore et échanger encore.
Puis faire des interviews et tenter de comprendre. Dans une séquence superbe, réalisée avec beaucoup de subtilité, McCarthy filme les interviews avec les victimes d’abus, en passant d’un journaliste à l’autre. Et en les croisant, on est capable de reconnaître la même manipulation psychologique (il n’y a pas hélas meilleur mot que le mot anglais grooming) exercée par les abuseurs, le même scénario, le même schéma employés par les salopards.
Mais on est aussi dans la position d’écouter la spécificité horrible de l’histoire des victimes, de chaque victime. Et de leur rendre ainsi leur humanité et leur place dans la société.
Il aura fallu la volonté du nouvel éditeur du Globe Marty Barond, un juif de Floride et par conséquent un non Bostonien pour fouiller cette affaire.
Outre l’investigation elle-même, c’est un film qui pose surtout la question de la responsabilité individuelle et collective. Cette responsabilité collective – morale et physique – que la plupart de nos contemporains sont si prompts à rejeter « parce que ça ne les regarde pas, parce qu’il ne faut pas faire de vagues ». Ce qui revient finalement à dire qu’on est trop égoïste pour se soucier des autres.
Et de vouloir retenir une phrase prononcée par le procureur (interprété par Stanley Tucci) :
« s’il faut un village pour élever un enfant, il faut un village pour en abuser un… »
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6 commentaires
Laurent
je l’ai enfin vu et je rejoins ta critique et ton avis. C’est un très bon film, filmé sobrement presque à l’ancienne et qui se concentre sur l’essentiel.
burntoast4460
Je vais aller le voir. Je reviendrai.
Francis Palluau
Film très tentant en effet, par le sujet et les acteurs. Et votre article nous le rend encore plus attractif.
murielle
merci!
Laurent
Très envie de le voir aussi, d’autant que le dernier paragraphe sur la responsabilité individuelle et collective prend sens en ce moment. Très bonne critique qui donne envie, oui.
thedude524
le sujet m’intéresse beaucoup. J’ai vu la BA au cinéma et ça donne envie :)