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Reste d’Adeline Dieudonné

Donc… je viens de lire le roman Reste d’Adeline Dieudonné et je vis un mélange de confusion et d’admiration.

Couverture roman lac et montagne - Reste d'Adeline DieudonnéL’histoire : Dans un chalet au milieu des montagnes, une femme et son amant se retrouvent en secret, sans que son épouse ne soit au courant. Tous deux vivent une idylle, une parenthèse hors du temps. L’amoureux succombe d’une crise cardiaque en quelques secondes. La narratrice se retrouve seule avec le corps sans vie de son amant. Elle décide de garder le corps et, pour surmonter son chagrin et la violence de l’événement, commence à écrire des lettres à l’épouse et lui raconte cette histoire d’amour infidèle.

C’est une histoire courte, même pas 300 pages. Il se lit vite, d’une traite. Dès les premières pages on rentre dans la folie passagère de « S ». Je ne sais pas son prénom. Ni celui de son amant « M ». Les autres ont tous un prénom, Nina sa fille, Romain le père de sa fille, Jacky son ami…

Reste est un roman cru, pris dans le délire de S, par sa douleur de perdre l’homme qu’elle aime. C’est une histoire bizarre, deux lettres, des mots posés comme ça, qui racontent autant son histoire d’amour avec M que sa vie tout court. S a peu connu le bonheur finalement. Sa fille Nina est son répit. Elle a connu la violence. Et elle la raconte. Parfois froidement, clairement, comme détachée pendant un moment.

« Respirer. Je me suis vue faire l’étoile de mer. Rester inerte. Respirer. J’ai repensé à cet article dans un magazine féminin, qui expliquait les comportements à bannir pour éviter de devenir « un mauvais coup ». L’étoile de mer en faisait partie. C’est drôle. Le viol fait de nous des mauvais coups.
À aucun moment cet article n’interrogeait les raisons qui peuvent pousser à se transformer en étoile de mer (la peur, la tétanie, la gestion de la douleur, l’ennui, la résignation ?). À aucun moment il ne posait la seule vraie question : qu’est-ce qui pousse un homme à jouir dans une étoile de mer ? »

Puis elle redevient habitée par les sentiments, fiévreuse. Ces deux lettres à Camille, la femme de M, sont impudiques, franches et sincères. Elles n’ont pas le filtre de la raison. Et c’est quand le corps est rendu – ou plutôt quand l’inhabituelle cérémonie d’adieu a lieu – que la folie peut mourir elle aussi. Il lui aura fallu 6 jours.

« Je ne t’ai sans doute pas assez remercié, mon amour. On oublie toujours de dire merci, on dit « je t’aime » et on croit que ça suffit. Alors merci, pour tout ce que tu sais déjà, pour m’avoir aidée à réaliser que j’étais autre chose qu’une fille sexy en short, merci d’avoir aimé mes muscles, ma force, mon agressivité, d’avoir ri à mes blagues pas drôles, respecté mon besoin de solitude, merci de m’avoir embrassée en pleine rue, merci pour le cul qu’on a réappris ensemble. Merci pour ta fragilité. Merci d’avoir accepté de te débarrasser avec moi des artifices à la con du manège amoureux, la jalousie, la possession, les preuves à brandir, merci de m’avoir vue comme une alliée, pas comme une adversaire, merci d’être devenu mon meilleur ami. Au revoir, mon amour. »

Cette histoire est profondément dérangeante, folle, décalée mais elle est aussi terriblement triste. Bien sûr qu’on ressent de la peine pour S et aussi pour Camille. Quelle souffrance…

Quelque chose que peu de romanciers font : donner leur playlist. Ici, Adeline Dieudonné nous a donné la musique qui a accompagné l’écriture de son roman. Cette musique  a créé une atmosphère propre à la douleur intime de la perte. Nina Simone, Cat Power, Dido… Merci à elle.

 

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