Families Like Ours
Avec Families Like Ours, on sait maintenant qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark. Et c’est bientôt la fin de ce pays à cause du changement climatique...
Écrite par Bo Hr. Hansen et Thomas Vintenberg et réalisée par ce dernier, c’est la série à voir.
La mer monte, l’eau commence à jaillir du sol et une décision a été prise : le pays tout entier va être démantelé et transformé en parc éolien. Ses six millions d’habitants envoyés dans les pays qui les accepteront.
La série en 7 parties est sinistrement prophétique. Elle s’attache aux histoires de quelques individus : des familles de Danois aisés qui ne s’attendaient pas à manquer de quoi que ce soit, et encore moins d’un pays.
Il y a un architecte et sa deuxième femme qui pensent pouvoir transférer leur vie à Paris. Son beau-frère et son mari, qui ont l’avantage d’être au courant à l’avance des plans du gouvernement et ont donc agi en conséquence avec des opérations financières pas très honnêtes. L’ex-femme dépressive de l’architecte qui doit se rendre en Roumanie. Ce pays étant la courte paille offerte aux personnes qui ont besoin de l’aide du gouvernement pour émigrer.
Et au cœur du chaos à venir, il y a la fille ado qui doit choisir entre ses deux parents, chacun dans le besoin à sa manière, et donc entre Paris et Bucarest. Son tout nouveau petit ami est déterminé à la suivre, où qu’elle aille. Ce sont les voyages désespérés et dangereux de ce jeune couple à travers l’Europe pour se retrouver qui deviennent le récit principal.
Le processus d’évacuation est très organisé à la manière nordique. Aucun indice sur les possibles batailles pour les places sur les bateaux en partance ou les inévitables groupes rebelles qui créeraient le chaos dans la réalité. Ici c’est presque esthétique et trop calme.
À partir de ce moment, cependant, chaque famille fictive plonge dans sa propre tragédie. La jeune Laura (Amaryllis August) change de cap quant à son choix entre ses parents, manque son bateau et disparaît. Son père Jacob (Nikolaj Lie Kaas), qui a réussi à obtenir un emploi au noir à Paris va à la préfecture attirant l’attention des autorités sur son ami et collègue français Gilles qui a risqué beaucoup pour le faire venir lui et sa famille. «Vous êtes deux personnes bien trop gâtées, vous vous en apercevrez un jour», lui dit-il.
C’est vrai. Ces gens sont les réfugiés les plus privilégiés qu’on puisse imaginer. Ce sont surtout des décisions économiques, de montages financiers et d’entreprises pour cette classe aisée. Au cours des six premiers épisodes de Families Like Ours, nous les voyons se défaire ou commettre quelques actes violents jusqu’alors impensables qui les transforment en personnes qu’ils méprisaient autrefois. Le tumulte psychologique de quelques-uns, et les décisions prises dans la souffrance, l’insouciance et l’inconnu frappent enfin.
C’est donc un spectacle éprouvant, mais, en même temps, il y a un sentiment inquiétant de stratagème. Comment se fait-il que tout le monde fasse sans erreur les pires choix possibles ? C’est comme si tous ces perdants du Premier Monde étaient obligés d’ajouter à la misère de l’intrigue jusqu’à ce que leurs âmes soient purifiées.
D’autres intrigues tiennent peu la route, comme celle du jeune prodige du football envoyé à Liverpool et séparé de sa mère qui doit aller à Bucarest ; le dénouement laisse à désirer. Comme si certaines vies ou celles qui concernent les moins bien lotis encombrent le réalisateur dans son puzzle d’histoires, en seulement 7 épisodes.
Connaissant le réalisateur et son sens de l’ironie, on peut penser qu’il cherche à ce que le spectateur éprouve de l’empathie. Une empathie plus facile à éprouver pour des européens blancs obligés de quitter leur pays du jour au lendemain, de laisser sa maison, ses parents et devenir un réfugié climatique dans un autre pays dont on ne connaît pas la langue…
Les fans des films de Vinterberg — dont Drunk, récompensé aux Oscars — apprécieront la familiarité de ses scènes préférées : une danse de mariage, des chants harmonieux, l’immensité résonnante d’une église. Avec des morceaux de musique magnifiques : Miserere d’Allegri et Sommersalme, un chant danois.
Et les fans des séries et films nordiques comme moi seront ravi.e.s de voir autant de visages familiers : Nikolaj Lie Kaas (Les initiés/Follow the money, Les enquêtes du Département V), Esben Smed Jensen (Les initiés/Follow de money, Agent), Thomas Bo Larsen (qui est dans tous les Vintenberg), Magnus Millang (Borgen et dans les films de Vintenberg).
Mais dans cette série catastrophe, Thomas Vinterberg veut clairement faire une place à l’optimisme en suggérant que même en cas d’apocalypse, l’amour triomphera. Ce n’est que dans le dernier épisode que l’on sent que certains de ces blessés ambulants non seulement survivront, mais parviendront à faire quelque chose de leur manque. Les plus faibles d’entre eux trouveront peut-être la force et les plus grands pécheurs pourront peut-être atteindre une certaine rédemption. « On ne souffre qu’une fois – on vainc pour l’éternité » disait le danois Kierkegaard.
Finalement, les moments les plus poignants de Families Like Ours n’ont rien à voir avec les personnages. Ce sont les scènes panoramiques d’un Copenhague vide envahi par l’eau et des images d’archives de temps meilleurs. La destruction d’un pays entier par le changement climatique est une perspective immense et urgente. Peut-être est-elle tout simplement trop énorme pour être évoquée dans les limites d’une série télévisée sur quelques gens dont la chance de toute une vie – être nés danois– a tourné.
Partager :
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Tumblr(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Pocket(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquer pour envoyer un lien par e-mail à un ami(ouvre dans une nouvelle fenêtre)