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NW – Nord Ouest

Si vous avez lu le roman de Zadie Smith, NW (Nord-Ouest) alors vous saurez que c’est une histoire étrange. Vous pouvez vous demander comment sur terre quelqu’un a réussi à adapter un tel livre si peu structuré, dont les fils emmêlés forment une écriture bouillonnante. Et si vous ne l’avez pas lu, il est temps de le faire.

Donc, le fait même qu’un drame de 90 minutes de NW existe, est un exploit en soi – la scénariste/adaptatrice Rachel Bennette (qui a également travaillé sur la série tv Ripper Street) n’a eu aucun contact avec Smith et la chose a été tournée en trois semaines.

NW est une très bonne adaptation. C’est le genre de drame que vous regardez sans pause, un peu essoufflé, sans penser une seule fois à aller aux toilettes ou se faire un café.
Ce n’est certainement pas une histoire agréable – elle se concentre sur Leah Hanwell (Phoebe Fox), une jeune femme de 30 ans dans le nord-ouest de Londres – Willesden – qui vit avec son époux franco-africain Michel (Cyril Guei).

Elle passe du temps avec son amie d’enfance Natalie Blake (Nikki Amuka-Bird) qui a grandi dans le même endroit mais est maintenant une avocate qui incarne l’idée du succès « self-made ». Natalie – qui a changé son nom de Keisha- s’est ré-inventée comme un rêve de classe moyenne, d’une manière que Margaret Thatcher aurait applaudie. Maintenant elle organise des dîners chics où elle parle de la classe ouvrière avec une froideur qui choque Leah et met à mal leur relation amicale.

NW était difficile à adapter car il traitait de tout. Race, classe sociale, amour, désir, sexe, haine et violence sont entremêlés. Puis c’était aussi une question sur l’identité – d’où vous venez, où vous allez, comment vous voyez le monde et comment – même les gens les plus forts – peuvent perdre le sens d’eux-mêmes.

La meilleure chose dans ce drame, c’est qu’il s’agit de femmes complexes et nuancées, plutôt que d’âmes masculines torturées qui occupent tellement l’espace dans la littérature et les films. Le mari de Léa est absolument adorable, loyal (très – trop – beau) et veut un bébé. Et pour pervertir les stéréotypes, c’est Leah qui ne veut pas « aller de l’avant » et tomber enceinte ; elle ressent une immense pression à devenir une mère, mais secrètement, elle n’a aucun désir de l’être. Phoebe Fox est tout en subtilité et émotion.

De même, la vie domestique de Natalie est parfaitement parfaite, avec son mari fiable qui a les verres de vin les plus jolis du nord de Londres. Mais elle a des désirs secrets qui la font se détruire et errer d’une manière habituellement réservée aux personnages masculins. Les problèmes de ces femmes, pour une fois, vont bien au-delà des hommes dans leur vie.

C’est plutôt « rafraîchissant » de voir des femmes causer de la peine, rendre la vie des autres difficile, dans un monde où elles sont souvent les piliers tranquilles.
D’autres personnages locaux révèlent également des aspects différents et surprenants de la vie multiculturelle londonienne avec des histoires pleines de chagrins et de joies extrêmes. Les crimes de rue (statistiques dans les journaux) qui deviennent cruellement réels. Willesden, où presque tout le drame se déroule, est montré dans toute sa crudité, mais ce pourrait être tout autant Lewisham, Camden, ou d’autres quartiers de Londres.

Le talentueux réalisateur Saul Dibb (Suite française, Line of beauty, The duchessnous expose à des éclats de violence, de laideur, de toxicomanie et de désespoir, des choses choquantes dans un endroit où l’embourgeoisement pourrait apporter ou générer de l’argent – mais pas à la voisine de Leah qui vit de petites arnaques ou de Nathan, un ami d’enfance qui fait la manche dans le métro.

NW n’est pas le film à voir pour s’évader une sombre nuit d’hiver alors que Donald Trump devient le chef du « monde libre ». Au lieu de ça, c’est une vision « dans ta gueule » et coup de poing, face à la vie urbaine et la modernité – et comment elle peut être belle mais brutale, parfois trop…

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