Disparaître et des livres

Written by murielle

Vers mes 18 ans j’avais une amie très proche, Florence. Ma confidente et ma complice. Elle a été très importante dans ma vie, à un moment où j’avais besoin d’une amitié comme la sienne. Nos chemins se sont séparés quelques années plus tard quand elle a joint une secte et que je n’ai pas su ou pu la ramener.

Florence avait une tante d’une trentaine d’années. Et du jour au lendemain cette tante a disparu. Elle est partie un matin pour ne pas revenir, laissant derrière elle un mari et deux jeunes enfants. Pas de lettre, aucune explication. Elle a pris une valise, son sac à main et elle s’est évanouie. Rien ne pouvait être fait selon la police. Elle était majeure et sa disparition n’était pas considérée comme inquiétante.

Les réseaux sociaux n’existaient pas à « cette époque », ni même le portable. Elle a pu disparaître sans aucune difficulté ; pas de géolocalisation, pas de possibilité de diffuser sa photo via facebook et autres. Je me souviens avoir été triste pour ses enfants mais surtout fascinée par sa décision. Partir et disparaître… Tout laisser derrière soi.

Disparaître pour se forger un sentiment de liberté ? C’est, je crois, un acte de pouvoir quand aucune autre option ne reste. Parfois, c’est un acte littéral de survie, et parfois ce n’est pas la survie de notre corps qui est en jeu mais celle de notre être le plus profond – et qui peut dire que ces deux choses resteront séparées.

J’avais cette envie moi aussi. Mais pas le courage pour aller jusqu’à cette extrémité. Quoique…

Finalement une personne disparue est une histoire qui ne finit pas. Ceux qui restent s’efforcent de donner un sens à quelque chose d’insondable, de déchiffrer une décision. Les disparus sont dans un endroit intermédiaire, pas ici mais pas morts. Comme dans un autre monde. « Les lointains nous narguent ou nous font espérer » dit Philippe Besson.

Disparaître et créer une histoire. Un récit cherchant des explications ou se souvenant des âmes absentes, refusant leur oubli. Alors lisons-les.

Chanson pour l’absente de Stewart O’Nan

L’été de ses dix-huit ans, Kim disparaît mystérieusement. Sa voiture est retrouvée quelques jours plus tard, mais il n’y a aucune trace de la jeune fille. L’enquête s’enlise. L’affaire quitte la une des journaux. Les proches de Kim tentent de se reconstruire, d’affronter l’absence.

Hantée par l’absence, par le doute, par l’impossible acceptation et par l’incompréhension, une famille en vient à prier pour retrouver son cadavre.

Fugitives d’Alice Munro

Elles fuguent. S’échappent. S’en vont voir ailleurs. Elles : des femmes comme les autres. Par usure ou par hasard, un beau matin, elles quittent le domicile familial ou conjugal, sans se retourner. En huit nouvelles, Alice Munro met en scène ces vies bouleversées. Avec légèreté, avec férocité, elle traque les marques laissées par le temps et les occasions perdues.

Alice Munro excelle dans le genre de la nouvelle. En quelques pages, montrer les choses cachées derrière, pousser le lecteur à suivre un cheminement. Et c’est toujours dans les dernières pages que l’on découvre l’intention première, le coup de théâtre ou l’éclairage définitif.

Aux yeux de bien des gens elle pouvait passer pour bizarre et solitaire – et d’ailleurs, en un sens, c’est ce qu’elle était. Mais elle avait aussi fait l’expérience, une bonne partie de sa vie, de se sentir entourée de gens qui souhaitaient accaparer son attention, son temps et son âme. Et, d’ordinaire, elle les laissait faire.

Longues distances de Jhumpa Lahiri

Longues distances que celles qui séparent désormais Subhash et Udayan, deux frères à la ressemblance physique troublante, brillants élèves originaires d’un quartier modeste de Calcutta. Tandis que l’aîné, Subhash, introverti et respectueux des us et coutumes, choisit de poursuivre ses études aux États-Unis, son cadet, Udayan, exubérant et rebelle à l’ordre établi, décide de rester en Inde pour enseigner dans un lycée technique. Par-delà les océans, leur correspondance finit par s’espacer. Jusqu’au jour où Subhash reçoit un message qui va bouleverser sa vie.

Il y a énormément de départs dans ce roman. Des retours aussi. Mais il y a une disparition plus touchante ; celle de la mère qui abandonne son enfant pour sa propre santé mentale. C’est souvent un acte d’homme. Mais ce roman nous oblige à examiner la façon dont nous jugeons les mères beaucoup plus durement pour ce même acte.

Des vents contraires d’Olivier Adam

Depuis que sa femme a disparu sans plus jamais faire signe, Paul Anderen vit seul avec ses deux jeunes enfants. Mais une année s’est écoulée, une année où chaque jour était à réinventer, et Paul est épuisé. Il espère faire peau neuve par la grâce d’un retour aux sources et s’installe alors à Saint-Malo, la ville de son enfance.

La disparition d’une femme et mère. Pas d’explication mais comme une évidence pour la plupart. Est-elle vraiment partie ? Et surtout quel effet sur ceux qui restent ?

Quand Sarah avait disparu, au fond, ça n’avait étonné personne. Personne à part moi. Tout le monde semblait considérer son départ comme une évidence, un acte inéluctable et prévisible.

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