J’aime les sacs. Colorés, cuir ou tissu, unis, imprimés, sequins ou pailletés. Peut-être parce que je ne porte pratiquement que du noir, du gris ou du bleu marine – un passé à travailler dans des endroits où il fallait être discret.

Alors je compense. L’astuce c’est de porter les accessoires avec élégance. Tête haute, port altier et sourire confiant. Il y a des femmes qui ont la classe innée, le cheveu impeccable, le maquillage discret et le foulard amidonné.

Et puis il y a moi, tête rentrée dans les épaules, les cheveux dans les yeux, le maquillage façon panda et le foulard froissé. En tant que «zutiste pragmatique» j’ai décidé d’assumer mon style débraillé. Et de continuer à porter des sacs à main. Ils sont mon bagage émotionnel.

Nous sommes – presque tous – endommagés de manière différente, tenace et intéressante. Quelqu’un nous a blessé, ou nous avons assisté à des scènes de violence, ou nous avons grandi dans le doute alimenté par les comparaisons malvenues avec un frère très performant ou une soeur très jolie. Ou une entreprise commerciale a tourné au désastre ou nous avons une tendance à l’introversion ou à l’indépendance obsessionnelle qui rend difficile la vie en couple ou nous avons un côté râleur qui était mignon à l’âge de dix ans mais qui est maintenant insupportable pour les collègues, etc.

Je vous rassure, si vous aviez besoin de l’être, la liste ci-dessus n’est pas exhaustive…

Est-ce que c’est ça la différence entre les individus? Ceux qui portent des accessoires et des sacs avec chic pour le plaisir – ou encore mieux qui n’en portent pas – et puis ceux qui en ont besoin comme d’une béquille? Un sac comme une façon de reconnaître qu’on ne sera jamais parfait mais qu’on peut apprivoiser ses névroses en investissant dans des accessoires – à défaut d’une psychothérapie?

Comprendre ce qui ne va pas, le voir pour éviter de devenir amer et défensif et assumer qui on est, du mieux qu’on peut? Il y a ceux qui prétendent de pas manquer de confiance en soi: “c’est juste que les autres sont trop narcissiques”. Ceux qui insistent sur le fait qu’ils ne sont pas envieux: “c’est que les autres sont avides”. Ceux qui se veulent rebelles; « le monde est trop conformiste », etc.

Il faut être plus malin que notre subconscient ou inconscient, je ne sais pas lequel, je ne suis pas psy. Je crois simplement qu’il faut avoir au moins un ou vingt beaux sacs. Pour mettre en contexte nos soucis et nos mauvaises pensées, celles qui nous disent qu’on est trop gros, trop stupide, trop ceci ou pas assez cela.

J’ai compris qu’un sac est la solution. On y met ses névroses, ses papiers, ses listes, tout ce qui nous pompe la vie et l’énergie. À défaut de brûler et d’éliminer ce qui ne peut l’être, on le met dans un joli contenant. On y met aussi ce qui nous rassure, ses gouttes «rescue remedy», ses pilules, un livre, son mp3, des photos, son agenda. Et on continue de vivre en portant ses névroses avec plus ou moins d’élégance.

Et de prier pour que le sac ne craque pas sous le poids.