La ferme
L’année 2014 a vu pas mal de romans dans lesquels le narrateur ou le personnage principal souffrait d’une maladie psychiatrique et était plus ou moins perturbé. Je ne vous les cite pas au cas où vous seriez en train d’en lire un et n’êtes pas encore arrivés à la « révélation ».
La Ferme de Tom Rob-Smith prend cette tendance pour l’amener encore plus loin. Avec une part de vérité.
En effet, les parents de l’auteur retraités en Suède après avoir vécu en Angleterre, semblaient aller bien, jusqu’au jour où son père lui téléphone pour lui faire part des ses inquiétudes à propos de sa mère. Quelques heures après, elle était en Angleterre, sur le seuil de sa porte, plus agitée que d’habitude. La mère de Smith fut ensuite diagnostiquée psychotique. (Le reste est à lire à la fin du roman)
Cet événement de la vie réelle est l’inspiration derrière ce thriller, dans lequel son personnage est confronté à une crise similaire.
L’histoire :
Ta mère… elle ne va pas bien. Elle s’imagine des choses – des choses terribles, terribles. Elle est à l’hôpital. Elle a été internée.
Un appel de son père. Quelques mots. Et Daniel qui imaginait ses parents profiter de leur retraite dans une charmante ferme suédoise voit son monde basculer. Et puis un autre appel. Sa mère.Je suis sûre que ton père t’a parlé. Cet homme ne t’a dit que des mensonges. Je ne suis pas folle. Je n’ai pas besoin de médecin. J’ai besoin de la police.
Deux histoires. Deux vérités. Qui croire ? Jusqu’où Daniel sera-t-il prêt à aller pour lever le voile ? Au risque de découvrir des secrets plus terribles encore…
Peu de temps après, la mère de Daniel arrive à Londres, trimballant un sac un sac bourré de preuves et d’accusations contre son père. Tilde est persuadée que son mari a été corrompu par leur nouveau voisin Håkan Greggson, un agriculteur puissant qui a le reste du district, y compris le maire, sous son emprise. L’adolescente Mia – la fille adoptive d’Håkan, et seule personne noire dans la communauté – a disparu. Tilde est convaincue que son mari a été initié par un groupe d’hommes qui exploitent sexuellement des jeunes femmes et qu’il couvre l’assassinat de Mia.
Sa mère prétend avoir découvert une sinistre conspiration en Suède et, à partir de là, nous sommes invités à spéculer sur les événements. Sont-ils le fruit de son imagination ?
Le mot psychotique est souvent galvaudé . Il décrit une situation où quelqu’un a créé un monde dans lequel il habite à la fois connecté et déconnecté du monde réel. Ce monde est tout à fait plausible – il n’y a pas d’éléphants roses ou des personnages de fiction – tout ce qui est décrit pourrait être réel : les voix, les odeurs, les lieux et les sensations.
Grâce à Tom Rob-Smith il reprend son sens initial et c’est à nous lecteurs, de voir et entendre à travers une femme aux perceptions perturbées et ce à travers le narrateur Daniel. Nous sommes donc confrontés à une narratrice peu fiable et un autre narrateur qui doute aussi.
« Rien de concret ne me permettait encore de me fier au récit de ma mère, mais je tenais la preuve irréfutable que mes propres facultés de perception étaient déficientes »
« Était-ce parce que je la croyais, elle ? Sa voix exprimait une maîtrise et une autorité parfaites. Je m’étais attendu à un torrent de paroles, pas à des faits précis, des phrases brèves. »
Au lieu de lutter avec le point de vue d’une personne, nous devons maintenant juger la crédibilité et la partialité des deux narrateurs et travailler à travers la confusion, les contradictions flagrantes et autres erreurs.
« Alors il faut que je te donne les détails l’un après l’autre. Tu dois voir comment s’assemblent les pièces du puzzle. Sans le tableau complet, tu me croiras folle. […] « Beaucoup d’éléments dépendent de la foi que tu accorderas à mes paroles, plus qu’il n’est raisonnable d’exiger de toi. Je reconnais volontiers que devant l’énormité de l’enjeu»
Mais La Ferme est un thriller, une conspiration pourait être vraie et les voisins pourraient être suspects après tout. Le lieu isolé de la ferme est essentiel pour comprendre l’état d’esprit de Tilde tout au long de son récit. L’isolement, la rudesse des éléments, et même leur pauvreté deviennent tous des personnages secondaires qui influencent directement Tilde et, plus tard, Daniel.
Tout comme les légendes et contes scandinaves. Tilde chérit une relique de sa propre enfance, une collection de contes de fées qu’elle lisait à Daniel comme un enfant :
« on n’y voyait plus qu’une illustration représentant un troll, sa paire d’yeux jaunes, menaçants et infâmes, tapie dans les profondeurs de la forêt. »
Ainsi Håkan Greggson sculpte des trolls, la hutte où Tilde croit que les hommes se rencontrent est nichée dans la forêt, Mia disparaît peu après la mi-été quand la magie est la plus forte. (Midsummer est une des célébrations les plus importantes en Scandinavie).
Dans toute sa confusion, Tilde est consciente de l’importance de raconter une histoire dans l’ordre. Elle insiste sur le fait que Daniel suive la chronologie. Alors, la seule façon pour Daniel d’établir la vérité sur la santé mentale de sa mère et l’implication de son père dans la disparition de Mia est d’aller en Suède.
Il forge sa propre voie à travers le mystère et se rend compte qu’il ne connaît pas ses parents aussi bien qu’il le pensait. Tout comme ses parents ne le connaissent pas vraiment, lui qui leur cache son homosexualité :
« Je n’ai accepté la vérité que lorsque j’ai commencé à vivre seul. Je l’ai dit à mes amis, mais pas à mon père et à ma mère : je n’avais pas honte, c’était plutôt une lâcheté bien intentionnée. Je tremblais à l’idée de ternir la mémoire de mon enfance. »
C’est un thriller intelligent, avec tout ce qu’il faut de sensations fortes et de capacité de surprendre. Mais plus qu’un thriller que le lecteur lirait pour passer le temps, c’est un roman psychologique qui se développe pour révéler progressivement les détails intimes de la vie, montrant comment ils deviennent cachés non seulement des étrangers, mais de ceux plus proches d’eux.
Jusqu’à révéler les effets toxiques des mensonges et des secrets. C’est un roman avec de la substance.
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Un commentaire
burntoast4460
Aux Randonneurs d’Ile de France, j’ai été confronté à une randonneuse psychotique qui voulait me poivrer la figure avec une bombe anti-chiens au motif que j’étais aux « Renseignements Généraux » et que je photographiais les randonneurs (franchement ils étaient tous plus laids les uns que les autres, je n’en aurais pas eu l’idée). Eh bien, ce n’est pas drôle du tout, j’ai du quitter le RIF, les responsables du Club ne faisant rien.