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Her ou l’invention de la solitude

Plus de 6 heures de train et comme je ne veux pas dormir pendant le trajet – trop peur de ronfler – j’ai tenté de lire et surtout j’ai regardé un film : Her

En 2025 à Los Angeles, Theodore Twombly, écrivain professionnel de lettres d’amour informatisées, vit entouré de technologie numérique. Theodore se remet difficilement de sa rupture avec Catherine. Il n’a d’ailleurs toujours pas signé les papiers du divorce. Il achète un système d’exploitation nouvelle génération, un programme informatique capable de contrôler ses objets connectés (ordinateur, smartphone), doté de la parole, d’une voix féminine et sensuelle, et d’un prénom : Samantha. Samantha peuple la solitude de Theodore et découvre en retour les sentiments humains.

Un petit retour en arrière : ce film est sorti en 2013 et a été écrit par Spike Jonze un peu avant qu’Apple commercialise Siri. La coïncidence est troublante et montre combien Jonze a compris ce qui se passait. Présenté comme une science-fiction, Her est dépassé maintenant par la réalité.

Donc Her

Theodore (Joaquin Phoenix) et Samantha (Scarlett Johansson) échangent beaucoup, discutent, puis « se plaisent ». Theodore et Samantha deviennent alors un couple d’un nouveau genre. Catherine, elle, n’y voit qu’un nouveau signe du refus de Theodore de s’engager dans une vraie relation.

En revanche Amy (Amy Adams), sa voisine et amie, le comprend et lui avoue recourir elle aussi à la compagnie d’IA. La relation sentimentale avec Samantha semble au beau fixe, mais cette entité artificielle aux ramifications infinies se sent devenir un esprit de plus en plus connecté à d’autres et à l’univers entier. Riche d’expériences nouvelles qui ne cessent de se multiplier, elle évolue sans cesse et s’éloigne.

Comme dans la plupart des films de Jonze, c’est un film sur la solitude et le besoin d’amour. Et c’est filmé avec tendresse, douceur, dans des lumières magnifiques, douces et romantiques. Tous les types d’images sont présents : dessins, photos, jeux vidéo, graffitis, dessins muraux… Autant de supports pour exprimer les états d’âme de son personnage et nous transmettre des sensations mêlées.

Malgré des récits qui semblent aux antipodes, il y a du Max et les Maximonstres : le réel de la maison de Max et l’île des Maximonstres. D’un côté un monde décevant, terre-à-terre, frustrant et de l’autre un monde merveilleux ou fantasmatique ; la vraie vie et la vie rêvée avec la solitude au milieu. (Je vous parlerai de Max et les Maximonstres un jour. Je pensais l’avoir déjà fait.)

Le film peut parfois sembler étrange et parfois vous pouvez vous sentir un peu mal à l’aise, mais à d’autres moments, quelque chose de différent se produit. Theodore est plein de vie et d’amour, et pourtant il se retrouve piégé. Il se retrouve piégé dans cette illusion. Cette illusion d’amour. Il est perdu dans son passé, regrettant les erreurs qu’il a faites avec Catherine et ce qu’il aurait pu faire différemment. Peut-être que  Samantha est sa porte de sortie. Il peut parler avec et  s’ouvrir à elle comme il ne peut le faire avec personne d’autre.

C’est l’histoire d’un homme qui accepte de se passer du corps de celle qu’il désire, du moment que cette absence lui garantit quand même une forme de présence. C’est un garçon qui s’invente un « Maximonstre » pour ne plus jouer/être seul avant d’accepter, au terme de l’aventure, de sortir du monde de l’enfance. De revenir au réel.

Parce que même si cette vie fantasmée est belle et attirante, elle est impossible au quotidien sans faire le deuil de l’autre. Les derniers films de Spike Jonze – Max et les Maximonstres, I’m Here, Scenes from the Suburbs – sont des fictions du deuil de cette multiplicité. Ce sont des fictions où un seul être vous manque et vous êtes dépeuplé… ce sentiment d’incomplétude et d’abandon.

Her est aussi le film d’adieu de Spike Jonze – comme une lettre d’excuse et d’explication – à son ex épouse Sofia Coppola. Il répondait ainsi à son Lost in translation.

Le passé n’est qu’une histoire qu’on se raconte à soi-même

 

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