Oriane et la théorie de Festinger
Le psychosociologue Léon Festinger aurait pu parler d’Oriane. Elle avait peu d’amis, que ce soit dans le privé ou au travail. Je ne sais même pas si elle s’en rendait compte. Mais cela ne la gênait pas. Il faut dire, elle avait le visage de son âme. Certains la trouvaient jolie. Je la trouvais normale. Des sourcils très fins, haussés en permanence… entre dédain et assurance.
Parce que le dédain, elle en avait plein. Un mépris des autres qu’elle ne savait pas cacher derrière des sourires faux en pagaille. Sa perception était basée sur son auto-déception. L’auto-déception – phénomène psychologique fascinant et complexe – consiste à entretenir des croyances fausses ou inexactes sur soi-même, le monde ou les autres, malgré des preuves contraires․
Oriane vivait dans un monde où son importance était indiscutable. De toute façon, toute information était biaisée, tout propos interprété et toute preuve affirmant le contraire était ignorée. Ses collègues n’avaient plus aucune volonté pour lui parler. À quoi bon puisque sa vision du monde correspond uniquement à ses désirs et besoins, même si elle est en contradiction avec les faits․
Je pourrais vous parler de ses biais cognitifs. Par exemple, elle privilégiait les informations qui confirmaient ses opinions préexistantes en ignorant totalement les informations contradictoires․ Elle est convaincue que les vaccins sont dangereux․ Aucune possibilité de la raisonner. Elle a fait ses recherches voyez-vous. Elle a surtout occulté les études scientifiques qui démontrent l’innocuité et l’efficacité des vaccins․
Je pourrais l’expliquer par le déni ou un vœu pieu. Quelque chose de psychologique pour excuser ses comportements méprisants. Mais pour la connaître je sais. Je sais que ce n’est pas ça.
L’auto-déception lui permettait de maintenir une image positive d’elle-même même lorsque les faits contredisaient cette image․ Elle minimisait ses erreurs, jusqu’à même les nier, elle exagérait ses réussites et attribuait ses échecs à des facteurs externes․ Toujours la faute des autres, jamais la sienne. Son auto-croyance la dispensait de penser.
En préservant ainsi son ego, elle continue de maintenir une belle estime de soi et de continuer à fonctionner. Chez elle, aucune honte, culpabilité ou anxiété. Elle est son propre projet et son seul objet. Les autres sont au mieux un marchepied, au pire un obstacle à balayer. Elle agit selon ses envies et les justifient a postériori. Elle peut ainsi se regarder dans une glace sans aucune gêne.
Elle se ment à elle-même. Cela lui permet d’agir de manière immorale tout en gardant la conscience tranquille. Elle se ment et pratique des techniques d’évitement.
Selon Festinger :
« les individus ajusteraient a posteriori leurs opinions, croyances et idéologies au comportement qu’ils viennent de réaliser. Ainsi, si habituellement, nous nous attendons à ce que l’Homme soit un être rationnel qui agit sur la base de ses convictions, ici le lien est inversé : l’Homme justifie après coup son comportement en ajustant ses convictions à ce comportement, en animal rationalisant. »
Oriane n’aura jamais conscience qu’elle est l’exemple parfait de la théorie de la dissonance cognitive. Ceci dit, peut-être qu’elle en serait fière. Mais non, elle continuera à vivre sa vie, dans une ignorance et un narcissisme assumés. Mon indifférence face à son arrogance.
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