Love is strange
Love Is Strange, réalisé par Ira Sachs, est un de ces films tranquilles qui, comme un roman de Michael Cunningham, se faufile doucement et vous caresse l’âme.
L’histoire :
Après 39 ans de vie commune, George et Ben décident de se marier. Mais, au retour de leur voyage de noces, George se fait subitement licencier. Du jour au lendemain, le couple n’est plus en mesure de rembourser le prêt de son appartement New-Yorkais. Contraints de vendre et déménager, ils vont devoir compter sur l’aide de leur famille et de leurs amis. Une nouvelle vie les éloignant l’un de l’autre, s’impose alors dans leur quotidien.
Évidemment le mariage précipite le renvoi de Molina de l’école catholique où il est professeur de musique. Mais c’est un fait parmi d’autre. Le film est loin d’être un film « question-du-mois » ; bien que tout ce qui arrive ensuite découle de l’injustice d’origine, il traite d’autres sujets tout aussi intéressants.
Principalement, les cycles de l’amour et de la façon dont nous survivons. C’est un film sur l’amitié et, étant une histoire quintessentiellement New-Yorkaise, c’est aussi un film sur l’immobilier. Ben (John Lithgow), 70 ans et des poussières est à la retraite avec une petite une pension, et George (Alfred Molina) est maintenant chômeur et sans un rond. Ayant bénéficié d’un certain niveau de vie, ils sont tout à coup, scandaleusement plongés dans la misère.
Il y a, bien sûr, des privations plus urgentes sur le spectre de la misère, mais c’est une position qui sonne très vrai : apparemment aisés mais réellement fauchés, à la bordure de la vieillesse, et désespérément vulnérables. La seule option de George et Ben est de vendre leur appartement et de crasher, séparément, aux domiciles des parents et amis, qui les aiment bien jusqu’à un certain point, ce point étant de les avoir autour toute la journée.
Une expérience vécue de plus en plus par des adultes aujourd’hui. Ce qu’on appelle les accidents de la vie et qui est sont beaucoup plus fréquents qu’on ne le pense. On perd son boulot, ou on divorce et on se retrouve sans rien du jour au lendemain, à « squatter » chez des amis, un parent quand on a de la chance…
Le jeu des tensions entre ceux qui cherchent à les aider et ceux qui essaient de ne pas être un fardeau est fait avec un humour subtil et exquis.
Love Is Strange fait aussi quelque chose que beaucoup de films ne parviennent pas à faire : placer la relation amoureuse dans son contexte social réaliste et nous montrer comment toutes nos relations sont formées également des exemples des relations autour de nous.
Et il expose les limites de ce que nous pouvons faire pour nous aider mutuellement. Il y a une scène dans laquelle Lithgow, éjecté sans ménagement de la chambre par le fils adolescent de son neveu entre dans la salle de séjour où les parents sont en train de discuter ; la façon dont il parle, le fait qu’il sache qu’il faudrait qu’il parte mais n’a nulle part où aller, brise le cœur et donne des frissons.
Molina est toujours un plaisir à regarder et les seconds rôles sont tout aussi formidables, par exemple Marisa Tomei, la nièce de Ben par le mariage – qui l’aime en dépit de «l’avoir dans les jambes toute la journée» – est merveilleuse. Et le fils en colère, joué par Charlie Tahan, est le meilleur adolescent que j’ai vu à l’écran depuis longtemps.
Puis il y a New-York. Tout comme le font ses personnages, Ira Sachs considère la ville comme un personnage à part entière, montrant la ligne d’horizon, la découpe des monuments avec les mêmes tons sobres que Ben utilise quand il peint sur le toit de Kate et Elliot.
Tourné en une série de vignettes joliment disposées, accompagnées d’une musique classique magnifique – la plupart des pièces pour piano de Chopin – Love Is Strange se fraie un chemin jusqu’au moment final bouleversant, d’autant plus étonnant que les événements les plus importants du film se sont passés hors de l’écran.
Mais le film est celui de John Lithgow. Ex tueur de la Trinité (pour les fans de Dexter) et père du pilote dans Interstellar, il fut également le Roi Lear. Sa performance dans ce film vous touchera et vous rappellera que, bien que la bonté a un coût, il arrive un moment dans la vie où c’est tout ce qu’il reste.
N.B
Incroyable mais vrai, Love is Strange a été interdit aux moins de 17 ans par la Motion Pictures Association of America (classement R). Ni sexe ni violence dans ce film, seul l’emploi du mot « motherfucker ». Des excuses toujours des excuses…
http://youtu.be/HIZToTD25iM
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3 commentaires
burntoast4460
Nous avons vu le film vendredi soir. J’avais peur d’un numéro d’acteurs, mais la surprise a été très bonne. Une scène admirable a la fin, toute en retenue et délicatesse, quand le jeune garçon pleure discrètement dans l’escalier. Un cadrage et des lumières parfaites. Et Molina a montré encore une fois qu’il était un grand acteur.
Pierre
Je l’ai vu hier soir, il n’y a pas beaucoup de salles qui le montrent. C’est un beau film en effet tout en pudeur et désespoir caché.
Benoit
Bonjour Murielle. J’ai vu ce film hier soir et je suis tout à fait d’accord avec ta critique. C’est un film très émouvant et touchant. C’est bien de voir un film qui balance entre le drame social, l’histoire d’amour et l’air du temps avec des acteurs de qualité. Il y a beaucoup de pudeur aussi et de voir qu’il est interdit au moins de 17 ans montre combien l’Amérique a encore à faire des efforts parce que c’est un des films les plus sobres que j’ai vu.